2.4.1.1. ENTRE EXPERIENCES ET INNOVATIONS

C'est aux Ministères du Travail et de l'Education que revient l'initiative des premières actions "jeunes" dès la fin des années 60. Le Ministère de l'Education met en place entre 1971 et 1974 les "Actions Giffard" dans l'objectif de renouveler les formes de l'alternance à travers l'instauration des stages en entreprises107.

En 1975, toujours à l'initiative du Ministère de l'Education, se met en place l'"Opération 50.000 jeunes" pensée comme action conjoncturelle visant à améliorer la formation professionnelle des jeunes108. Cette opération vise les jeunes sans diplôme qui constituent une catégorie particulièrement vulnérable, ainsi que les jeunes qualifiés ou qui disposent d'un diplôme inadapté aux besoins de l'emploi. Cette opération qui vise l'amélioration de la formation professionnelle des jeunes s'appuie sur deux types de mesures : les Contrats Emploi-Formation et le dispositif de Formation Professionnelle qui mettra en oeuvre des stages de formation et des stages de pré-formation. Elle s'adresse aux jeunes de 16 à 20 ans, sans contrat de travail, ayant quitté l'appareil scolaire au plus tard en 1974, non qualifiés ou dont la qualification est inadaptée, et inscrits à l'Agence pour l'Emploi.

Le bilan de cette opération réalisé au début de l'année 1976 met en évidence que 32.800 jeunes ont été touchés par ce dispositif, dont 54,8 % de filles et 45,2 % de garçons. à l'issue de l'opération, 34,5 % des jeunes ont trouvé un emploi, 2,3 % sont en contrat d'apprentissage, et 25 % sont en formation.

En 1977, alors que les jeunes de moins de 25 ans représentent 50 % des demandeurs d'emploi, et que leur taux de chômage est de 7,5 % pour les jeunes hommes et de 14 % pour les jeunes femmes, et que corrélativement plus de 200.000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans qualification109, se met en place le premier Pacte National pour l'Emploi des Jeunes. Ce pacte, toujours pensé en termes conjoncturel, s'appuie sur deux mesures principales : des mesures d'exonération des charges sociales pour les employeurs qui embauchent des jeunes, et des mesures de formation-qualification professionnelle (les stages pratiques en entreprise, les stages de formation dispensés par des organismes de formation, et les contrats emploi-formation lancés dès 1975). Ce pacte vise désormais les jeunes de 16 à 25 ans et non plus seulement les jeunes de 16 à 20 ans. Il concernera 550.000 jeunes, dont 145.600 jeunes en stages pratiques, 68.600 jeunes en stages de formation et 26.300 en contrats emploi-formation110.

Jean PRIEUR, alors Secrétaire Général de la Formation Professionnelle, notait : ‘<<L'attention des responsables de l'emploi et de la formation s'est surtout portée sur la catégorie des jeunes d'un faible niveau de culture générale et démunis de qualification professionnelle. (...). Les statistiques de l'Agence pour l'Emploi prouvent que cette catégorie rencontre de graves difficultés pour trouver un emploi stable. (...). Mais cette priorité tout à fait légitime, ne doit pas conduire à ignorer les problèmes rencontrés par les autres catégories de jeunes. Les statistiques de l'emploi montrent en effet l'aggravation de la situation des jeunes justifiant d'un niveau de formation professionnelle ou technique. (...). Dans l'avenir le problème grave posé par la liaison formation-emploi n'est donc pas celui de l'insuffisance de main-d' oeuvre qualifiée, comme certains continuent de l'affirmer, mais bien celui de la surqualification.>’>111à la fin des années 70 c'est donc bien en termes de stabilité que sont posés les objectifs des mesures d'aide à l'insertion professionnelle des jeunes. Mais déjà à cette époque, la qualification des demandeurs d'emploi comme solution au chômage est pointée comme solution non seulement insuffisante, mais non adaptée car génératrice de surqualification et non d'emploi.

En 1978, ce Pacte National pour l'Emploi des Jeunes est renouvelé dans des termes similaires à celui de 1977. Mais pour la première fois sont introduites des mesures spécifiques visant à favoriser l'insertion professionnelle de certaines catégories de femmes (femmes chefs de familles, et mères de famille). Ce deuxième pacte aura concerné 275.000 personnes, dont 55.900 jeunes en stages de formation, 20.000 en stages pratiques et 38.000 en contrats emploi-formation112.

En 1979 se met en place le dernier et troisième Pacte National pour l'Emploi des Jeunes, pensé sur une durée de trois ans. à la catégorie des jeunes, et de certaines catégories de femmes, vient s'ajouter celle des "travailleurs âgés de plus de 45 ans en chômage de longue durée"113. Ce pacte s'appuie sur les mesures précédemment mobilisées par les deux pactes antérieurs, et se fixe pour objectif supplémentaire le développement de l'apprentissage dans l'artisanat. Ce pacte concernera 390.000 personnes, dont 46.200 en stage de formation, 145.000 en stages pratiques et 64.200 en contrats emploi-formation114.

En 1981, le troisième Pacte National pour l'Emploi des Jeunes est renouvelé sous l'appellation de "Plan Avenir Jeunes", et ce pour une durée de un an, introduisant quelques modifications par rapport aux Pactes précédents. Les stages de formation deviennent des stages de "Préparation à la vie professionnelle", distribués en stages d'insertion et en stages de qualification. Les contrats emploi-formation se distribuent désormais pour leur part en contrats d'insertion et contrats de qualification. Les stages pratiques en entreprise commencent à être vivement critiqués car ils placent les bénéficiaires dans une situation défavorable par rapport au droit du travail, puisque amenés à remplir des fonctions similaires à un salarié de l'entreprise d'accueil, ils ne bénéficient pas du statut de salarié mais de stagiaire.

En parallèle des actions mises en place par le Ministère de l'Education, vont surgir de multiples initiatives, interministérielles et locales, qui constituent de véritables actions expérimentales.

Les actions Education-Santé-Travail (EST) mises en place entre 1979 et 1981 vont renouveler les approches traditionnelles en matière "d'insertion professionnelle des jeunes", en partant du constat que de nombreux jeunes sont exclus des dispositifs de formation professionnelle. Il s'agit dès lors de proposer des actions de formation visant la construction de "projets de vie" capables d'engendrer des projets professionnels. Ces actions interministérielles préfigurent l'instauration des Missions Locales et plus globalement des politiques d'insertion qui se mettront en place dans les années 80.

L'expérience du GAEC (Groupe d'Actions Educatives Concertées) s'inscrit dans une démarche à la fois localisée et interpartenariale. Mise en oeuvre au cours des années 1978 et 1979, et financée par les Ministères de l'Education, de la Santé, du Travail et de la Culture, cette expérience s'inscrit dans la volonté de développer une pédagogie capable de prendre en charge des itinéraires de la "marginialité"115.

C'est enfin les diverses expériences mises en oeuvre à l'initiative de l'ACEREP116à partir de 1974 qui vont également participer à la construction d'un nouveau type d'intervention en matière d'insertion des jeunes. Les expériences lancées en Ile-de-France, à Besançon, et surtout à Valence avec le VOPAJ117, vont constituer des "laboratoires" d'expériences dans le sens d'actions territorialisées, interpartenariales et globalisées. Il s'agit d'impliquer les multiples partenaires (administrations, organismes de formation, entreprises, travailleurs sociaux) afin de proposer des solutions innovantes aux problèmes posés par le chômage des jeunes en échec scolaire.

L'implantation des Missions Locales dès 1982 s'inscrit dans la continuité de ces multiples "expérimentations" qui ont vu le jour tout au long des années 70 afin d'offrir des réponses originales à des problèmes complexes.

Notes
107.

Cf GUYENNOT (C), L'insertion. Un problème social, 1998, pp. 86-89

108.

Circulaire du Premier Ministre n°2.973/SG du 29 janvier 1975

109.

Actualité d ela Formation Permanente, Ed Centre Inffo, nov-déc 1977, n°31, p 37 à 43

110.

Actualité de la Formation Permanente, Ed Centre Inffo, Juil-aout 1979, n°41, p 71

111.

Actualité de la Formation Permanente, Ed Centre Inffo, nov-déc 1977, n°31, p 37-38

112.

op.cit, p 71

113.

op.cit, p 63

114.

Actualité de la Formation Permanente, Ed Centre Inffo, juil-aout 1981, n°53, p 99 à 105

115.

Cf GUYENNOT (C), L'insertion. Un problème social, 1998, pp. 100-102

116.

Filiale de la Caisse des Dépots et Consignations

117.

Valence Orientation Professionnelle et Accueil des Jeunes