2.4.1.2. LES MISSIONS LOCALES

Dès 1982, à l'issue du rapport de Bertrand SCHWARTZ chargé en 1981 d'une mission sur "L'insertion professionnelle et sociale des jeunes", sont inaugurées les Missions Locales et les Permanences d'Accueil d'Information et d'Orientation (PAIO), impulsées et contrôlées par la Délégation Interministérielle à l'insertion professionnelle et sociale des jeunes en difficulté (D.I.J.). Ces structures d'accueil sont mises en place dans la volonté de mailler le territoire national afin d'appréhender globalement les difficultés d'insertion sociales et professionnelles des jeunes et de leur permettre un accès à des formes renouvelées de citoyenneté, par le travail, le social, et le culturel. Ces structures d'accueil pensées comme espace interpartenarial vont voir collaborer différents acteurs issus de champs d'action pluriels : agents de l'A.N.P.E., assistantes sociales, éducateurs, conseillers d'orientation.... Tous vont participer à la mise en place et au développement d'une succession de politiques visant l'insertion sociale et professionnelle des jeunes.

Bertrand SCHWARTZ définit quatre objectifs et trois lignes d'actions. Il s'agit pour lui de qualifier professionnellement les jeunes, de réduire les inégalités des chances à l'origine par une discrimination positive, de rétablir le dialogue entre les générations et enfin d'utiliser les capacités créatrices des jeunes pour les préparer à une qualification sociale. Pour cela il faut garantir la qualification professionnelle et sociale pour tous les jeunes de 16 à 18 ans, renforcer les chances d'accès des jeunes de 18 à 21 ans à l'activité économique et sociale, et enfin associer les jeunes à la vie de la cité en prenant en considération les problèmes sociaux auxquels se heurtent les jeunes et en proposant des mesures concernant leur logement, leur cadre de vie, leur temps libre, leur santé, et leurs relations aux médias118. Pour la première fois, les problèmes d'insertion des jeunes sont appréhendés non seulement dans la dimension professionnelle mais aussi sociale. En outre, c'est en s'appuyant sur les jeunes comme partenaires actifs et responsables que l'auteur défend les objectifs de son projet. Ces deux dimensions sont novatrices et fondamentales dans l'esprit de cette approche renouvelée de la problématique de l'accès à l'emploi des jeunes.

Trois groupes de jeunes sont ciblés par le projet de Bertrand SCHWARTZ. Les jeunes de 16 à 18 ans, pour lesquels sont proposés des stages de formation alternée. Les jeunes de 18 à 21 ans qui rencontrent de graves difficultés d'insertion sociale et professionnelle, pour lesquels sont mis en place des stages d'orientation, des stages de préparation à la vie professionnelle (stages d'insertion courte et stages d'insertion longue), et des stages de qualification. Enfin, les jeunes de 18 à 26 ans qui ne présentent pas de graves difficultés d'insertion, et auxquels sont proposés des stages de mise à niveau et des contrats emploi-formation. Les stages pratiques en entreprises, initiés en 1977 et fortement controversés seront abandonnés car considérés comme des stages d'attente ne permettant pas une véritable qualification. De 1982 à 1986, 350.000 jeunes bénéficieront de ces mesures, dont une majorité de femmes (52,4 %) et de jeunes de plus de 18 ans (75,5 %)119.

Dès 1983 sont initiées des formules qui renouvellent les conceptions en matière d'insertion professionnelle. La logique de la formation comme condition d'accès à l'emploi, est inversée. Il faut mettre les jeunes en situation de travail. En 1983, un accord national interprofessionnel statue sur le développement des formations en alternance qui seront inaugurées dès 1984 (Contrat de Qualification, Contrat d'Adaptation, Stage d'Insertion à la Vie Professionnelle). En 1984, sont inaugurés les Travaux d'Utilité Collective, qui opèrent pour la première fois une dissociation entre travail et emploi ; l'accent est mis sur l'"activité". L'apparition des T.U.C. et des formations en alternance va réserver dès 1986 les "stages 16-25 ans" aux jeunes les moins qualifiés. Ainsi la mise en place des contrats en alternance va opérer une rupture dans la hiérarchisation des publics en "insertion", en reléguant les jeunes les plus en "difficultés", scolairement et socialement, du côté de la formation "alternée" qui prendra un nouvel essor avec la mise en oeuvre du Crédit Formation Individualisé en 1989, et les jeunes les plus "qualifiés", scolairement et socialement, du côté de la formation en "alternance". Relégation dans les stages "parking" pour les uns, entrée sur le marché du travail, par le recours aux emplois précaires, pour les autres. Deux espaces de socialisation "professionnelle" se mettent en place qui correspondent, pour le premier, à ce que Bernard EME nomme le ‘<<tiers secteur d'insertion parapublic>>’, et pour le second, à ce que Claude DUBAR identifie comme le ‘<<pôle des entreprises "dominées" (majorité de PME) caractérisées par une forte instabilité de leur main d' oeuvre peu qualifiée>>’.

Mais c'est également en 1983 que sont mises en place des mesures "en faveur des femmes, visant à renverser les tendances négatives"120. Il s'agit d'inciter les femmes à s'engager dans des actions de formation, car si elles représentent près de 40 % de la population active de l'époque, elles ne représentent que 30 % du public en formation. Il faut enfin développer la sensibilisation du public féminin aux métiers non traditionnellement féminins afin de combattre le surchômage qui touche cette catégorie de population.

Dans la lignée des propositions avancées en 1983, sont mis en place en 1985 les PLIF (Programmes Locaux d'Insertion en faveur des Femmes isolées privées de ressources). Ces programmes très limités quantitativement (5.000 places prévues par an) n'atteindront même pas leurs objectifs faute de candidates (3.000 actions en 1987).

L'année 1985 marque le pic d'une montée du taux de chômage des jeunes qui amènera le gouvernement à mettre en place de 1986 à 1988 le "Plan d'urgence pour l'emploi des jeunes". En effet, le taux de chômage des jeunes hommes est passé au cours des dernières années de 7,5 % en 1976 à 13,1 % en 1981 pour atteindre 24,5 % en 1985, et retomber les années suivantes jusqu'à 16,9 % en 1989, année de démarrage du Crédit Formation Individualisé. Pour les jeunes femmes la situation est similaire mais bien plus inquiétante puisque l'on enregistre un taux de chômage de 14 % en 1976, soit le double de celui des jeunes hommes, de 23,8 % en 1981, pour atteindre 30,5 % en 1985 et redescendre progressivement à 24,2 % en 1989121. Seront concernés par ce plan plus de 1.200.000 jeunes ( environ 400.000 embauches avec exonération de charge, et plus de 800.000 jeunes en formation alternée ou en formation en alternance).

Notes
118.

Actualité de la Formation Permanente, Ed Centre Inffo, sept-oct 1981, n°54, p53

119.

Guide des politiques de la jeunesse, Ed Syros Alternative, Paris, 1990, p 116

120.

Actualité de la Formation Permanente, Ed Centre Inffo, mai-juin 1983, n°64, p 34-35

121.

Les Femmes, Contours et Caractères, Ed INSEE, 1991, p 119