2.4.2. INSERTION, DE QUOI PARLE-T-ON ?

Le champ des Sciences Sociales s'est emparé très tôt des problématiques sociales liées à l'"insertion". Il ne s'agira pas de dresser un tableau, même partiel, de l'ensemble des travaux qui ont contribué, de près ou de loin, à circonscrire la question sociale de l'insertion. Il sera plutôt question de voir en quoi et comment certains travaux liés à la problématique de "l'insertion" peuvent nous aider à avancer au mieux dans la compréhension de cet objet.

Davantage social que sociologique, le concept d'insertion a servi tout d'abord à caractériser l'apparition d'une étape transitoire, de plus en plus longue, entre la sortie du système scolaire et l'entrée sur le marché du travail. Ce concept, plus descriptif qu'analytique, a donc initialement permis d'appréhender la variété des situations des jeunes demandeurs d'emplois au regard des variables traditionnelles que sont le sexe, l'âge et le niveau de formation. Le foisonnement de données qui s'accumulent ces dernières années en provenance des multiples observatoires136 rend pratiquement impossible la tâche de celui ou celle qui voudrait s'attacher à faire un état des lieux.

Je m'attacherai pour ma part à mettre en évidence les données les plus pertinentes du point de vue de mon objet, tout en prenant soin d'avertir les lecteurs de la très grande relativité sur laquelle cette entreprise repose. Je prendrai un exemple significatif de cette difficulté en m'appuyant sur les deux analyses qui vont suivre.

En observant la répartition statistique des jeunes de 15 à 24 ans, Chantal NICOLE-DRANCOURT, note qu'en 1990 le pourcentage des jeunes actifs est de 27,5 % (contre 49,2 % en 1968), des jeunes scolarisés de 60 % (contre 36 % en 1968) et des jeunes chômeurs de 7,7 % (contre 2 % en 1968). Ce qui l'amène à conclure : ‘<<Une fois "déchiffré" le chômage juvénile inquiète donc moins par son ampleur que par les mutations dont il rend compte. La plus importante est certainement cette tendance croissante de la jeunesse à rester dans le système scolaire, autrement dit, au seuil de la vie active>>’ 137.

De leur côté, Nathalie MONCEL et José ROSE nous livrent les résultats et analyses suivants à partir de données relevées en 1992 : ‘<<Le niveau relativement élevé du taux d'activité des jeunes - 62,4 % des 18-29 ans sont actifs contre 54 % de la population active en âge de travailler - masque des disparités importantes selon l'âge, liées à l'allongement de la scolarité>>’ 138.

On voit dès lors qu'en modifiant légèrement la catégorie de jeunesse qui n'est plus celle des 15-24 ans traditionnellement proposée par l'INSEE, mais celle des 18-29 ans reconstruite pour l'enquête "jeunes" du même organisme, les résultats s'inversent totalement. Dans les deux cas les auteurs parlent des "jeunes", mais il ne s'agit plus des mêmes jeunes. Le glissement opéré entre les deux catégories de définition de la "jeunesse" traduit sans doute l'évolution d'une catégorie sociale - la jeunesse - dont le référent pertinent de catégorisation - l'âge - est en constante évolution. De la même façon, on peut observer, par ces deux exemples, comment l'éclairage donné aux résultats, comparaison historique dans un cas, catégorielle dans l'autre, contribue à renforcer l'effet de pertinence.

Ce ne sera pas tâche aisée que de tenter de dégager des résultats significatifs et pertinents pour parvenir à mieux cerner cet objet par une approche quantitative.

Notes
136.

INSEE, CEREQ, ONEVA, DARES, SES, MIRE, CREDOC

137.

1998, p 13

138.

1995, p 54