3.4.1. TERRAIN D’ENQUÊTE

Le choix de la Mission Locale, plutôt que le choix d'une population de jeunes recensés par les deux Agences Nationales Pour l'Emploi qui couvrent le secteur, se justifie par des publics différents. En effet, les jeunes inscrits à l'A.N.P.E., bien qu'invités systématiquement par les agents à prendre contact avec la Mission Locale, chargée de prendre en charge tous les demandeurs d'emploi de moins de 26 ans, quels que soient leurs niveaux de formation, ne s'adressent, que pour peu d'entre eux, aux services de la Mission Locale. On peut faire l'hypothèse que beaucoup s'inscrivent dans le seul objectif de constituer leur dossier ASSEDIC. à l'inverse, les jeunes inscrits à la Mission Locale ne sont pas tous, loin de là, inscrits à l'A.N.P.E. ; les jeunes primo-demandeurs d'emploi ne concevant que peu l'utilité d'une inscription qui ne leur rapportera rien à court et moyen terme.

Les jeunes inscrits à L'A.N.P.E. et à la Mission Locale ne sont donc pas exactement les mêmes. Pourquoi avoir fait le choix des jeunes fréquentant la Mission Locale ? Parce que cette option nous permet de toucher les jeunes primo-demandeurs d'emploi, récemment sortis du système scolaire, et ne nous écarte pas pour autant des jeunes qualifiés, voire très diplômés comme nous le confirmeront les statistiques, ainsi que des jeunes en recherche d'emploi suite à un licenciement économique.

De la même façon, le choix de cette Mission Locale, nous permet, contrairement à d'autres Missions Locales, plus urbaines notamment, où les taux de population d'origine étrangère avoisinent les 80 %, de ne pas déplacer la problématique des rapports sociaux de sexe, dont nous avons fait l'option, sur une problématique plus culturaliste.

La Mission Locale choisie ne correspond pas à une Mission Locale "typique". La Mission Locale de l'Assintercom se situe sur un territoire du Sud-Est Lyonnais, composé de douze communes. La Mission Locale, dont le siège est situé à Saint Symphorien d'Ozon, accueille les jeunes de façon décentralisée sur chacune des communes, non pas dans des quartiers repérés comme "difficiles", mais généralement dans les locaux même de la Mairie. Seul le siège bénéficie d'une localisation "neutre", indépendante du pouvoir politique local que représente la Mairie, et éloignée de la stigmatisation "du" quartier en difficulté de la commune de Saint Symphorien d'Ozon.

Le public accueilli est en conséquence beaucoup plus diversifié du point de vue du niveau scolaire et de l'origine sociale, que dans une Mission Locale implantée au coeur d'un quartier stigmatisé comme "en difficulté", car du fait de l'accueil décentralisé dans les locaux municipaux, de nombreux jeunes originaires de catégories sociales diverses viennent solliciter les services de la Mission Locale, identifiée comme lieu d'aide à la recherche d'emploi et de formation, et non comme lieu pour jeunes "en difficultés". Cette réalité est toutefois à nuancer en ce qui concerne le siège situé à Saint Symphorien d'Ozon, qui fait l'objet d'une appropriation collective par les jeunes du quartier de la commune marqué comme "difficile", et écarte dans un certain nombre de cas les jeunes qui ne résident pas dans ce quartier.

Enfin, et cela ne présente pas le moindre des avantages, j'ai bénéficié de la proximité avec un public que je connaissais, directement ou indirectement, et qui accepta plus facilement de me rencontrer ; le déroulement de l'enquête nous le confirmera.

Je suis partie d'une population mère de 700 jeunes rencontrés à la Mission Locale durant l'année 1994. J'avais initialement la volonté de rencontrer une soixantaine de ces jeunes, répartis entre hommes et femmes, et ayant pris soin de procéder à un échantillonnage par strates afin d'éviter toute surreprésentation d'un niveau scolaire sur les autres, tant la différence sexuelle ne doit pas occulter un principe de différenciation sociale, qui s'illustre notamment à travers le niveau scolaire. Au terme de l'enquête je suis parvenue à rencontrer trente jeunes, 18 femmes et 12 hommes203.

L'échantillon, caractéristique de la population au regard des critères jugés les plus significatifs - le sexe et le niveau scolaire - s'est voulu diversifié afin d'embrasser le maximum de profils. Il s'agit en effet de comprendre - à travers le discours produit par les enquêtés - "comment" se construit le processus d'engagement dans la vie socioprofessionnelle pour de jeunes hommes et de jeunes femmes venus rencontrer un conseiller en insertion sociale et professionnelle, et "pourquoi" un parcours s'organise de telle ou telle façon, plutôt que de telle ou telle autre.

Notes
203.

Les parcours des 30 jeunes se trouvent en annexe de cette thèse.