4.1.1.1.3. CONTRAT « SOCIAL »

La relance suivante sur l'intérêt que représente aux yeux de Latifa le secteur du secrétariat va induire une "réponse" qui sera à ce titre éclairante : ‘<<C'est le contact et puis le travail, le contact avec les personnes, avec les grandes personnes, et j'veux dire c'est l'ensemble de l'entreprise, du travail, pis voilà j'aime bien...j'trouve qu'on apprend beaucoup de choses, on apprend à parler, on apprend à se faire une idée comme quoi on devient adulte et puis je trouve ... j'ai découvert là quand j'avais fait mon dernier stage, et j'veux continuer à découvrir ça encore plus, et dans une autre entreprise, j'ai découvert l'esprit de travail et puis de rencontrer un directeur, les employés, on découvre quoi, c'est bien, j'sais pas j'aime bien, c'est pas comme un professeur, et puis un autre professeur, on découvre qu'y a, a des grades dans une entreprise et puis où est-ce qu'on peut se trouver nous, plus tard quand on aura nos examens et tout, on s'imagine après qu'est-ce qu'on va être, dans quel niveau dans l'entreprise>’>. Le "métier" à proprement parler de secrétaire n'est pas évoqué, il ne fait pas sens quand il s'agit d'en définir l'intérêt propre. L'intérêt du secrétariat, comme cela pourrait l'être probablement de n'importe quel autre secteur d'activité, est bien au-delà de l'activité professionnelle elle-même. L'intérêt réside dans l'entrée dans le monde des adultes qui se décline en termes de <<niveau>>, de hiérarchie tant professionnelle que sociale.

C'est moins le "métier" de secrétaire qui a éveillé son intérêt et stimulé sa motivation pour poursuivre son cursus, que sans doute les "bénéfices secondaires" qu'elle a pu tirer de sa formation par les contacts qu'elle a eu en entreprise et qui lui ont révélé un monde nouveau : celui des adultes . Cette formation en secrétariat est donc devenue pour elle le moyen d'entrer dans le monde des adultes, en acquérant des compétences professionnelles, mais peut-être davantage, des "compétences sociales" qui vont lui permettre de se situer dans l'entreprise mais surtout, dans la société, et de pouvoir identifier ‘<<où est-ce qu'on va être>>’ . Car la formation professionnelle s'est construite comme vecteur de promotion sociale au cours des dernières décennies, et pouvoir obtenir le niveau de formation le plus élevé c'est imaginer pouvoir construire une trajectoire d'ascension sociale.

C'est en conséquence parce que le <<niveau>> est une catégorie problématique, qui l'a stigmatisée dans le champ scolaire, que Latifa va reporter cette préoccupation dans le champ professionnel. Elle va mobiliser cette catégorie dans la présentation de son parcours d'insertion professionnelle du fait même qu'elle constitue un problème. On peut dès lors reconstruire le "niveau" comme fil signifiant du discours qu'elle produit dans la présentation de son parcours.