4.1.1.4.1. LE PATRONAGE

Mais ce sont aussi les modalités de prises de contact avec les entreprises qui sont problématiques pour Latifa et face auxquelles elle attend beaucoup de la Mission Locale : ‘<<Ce que je pensais c'est que bon, que y aurait une personne qui pourrait, je sais pas moi, avoir des adresses déjà, qui connaisse des employeurs, qui connaisse mais vraiment bien et nous conseiller aux employeurs, j'sais pas c'est ce que je pensais, et je sais pas si c'est comme ça en fait que ça marche, c'est ce que je pensais... parce qu'au début j'ai fait connaissance de Madame X, très sympathique mais bon, euh, j'attends toujours, quoi, je veux pas dire que bon il faut pas qu'elle bouge à ma place mais bon, j'attends pas, je vais pas la regarder les bras croisés pendant qu'elle va chercher, je sais que c'est pas ça mais bon quand même quoi j'm'attendais à plus (rire), elle m'avait donné une adresse, j'ai écrit, pas de réponse du tout>>.’ La formalité des démarches de recherche d'emploi, qui passe par l'envoi de courriers, la réponse à des offres d'emploi impersonnelles, ne satisfait pas Latifa, tout comme la plupart des jeunes rencontrés. à ce titre la Mission Locale devrait pouvoir se substituer au réseau relationnel familial ou amical déficient, et assumer ce rôle de "patronage" qui fait tant défaut, non que les réseaux personnels soient inexistants mais bien souvent ils ne garantissent pas l'efficacité nécessaire à l'entrée sur le marché du travail. Nagette et Said, comme elle, exprimeront leur souhait que la Mission Locale ne se contente pas de reproduire le rôle de l'ANPE, mais s'attache à fournir un service de mises en relation plus directes et efficaces avec les entreprises.

Car l'impersonnalité des démarches rime avec impuissance et dépendance : ‘<<J'écris mais c'est du gaspillage, j'vois j'écris, mais même pas un coup de fil pour me dire "oui, c'est pas la peine c'est négatif, c'est pas la peine, on veut pas", même pas, même pas, moi j'suis déçue, j'préfère ou y aller, ou prendre rendez-vous directement et avoir la réponse sur place que d'écrire et puis ... on m'a conseillé d'écrire là là là et puis voilà franchement j'trouve que c'est du gaspillage, franchement, si au moins ils nous téléphonaient, ils nous envoient un petit courrier, c'est marqué N.O.N., c'est tout c'qu'on demande et ben même pas, ils nous laissent comme ça>>’. Le "problème" que Latifa expose ici n'est pas le refus des entreprises à ses lettres de candidatures, mais l'attente dans laquelle les entreprises la plongent sans lui répondre. L'attente des uns est la réponse à la surcharge de travail des autres, et renvoie dans les deux cas à un temps non maîtrisé, qui échappe au contrôle.