4.1.1.7. PROCESSUS DE MISE A DISTANCE

‘<<Avant j'me faisais une idée des entreprises, là où y a un bureau ben normalement ils prennent un apprenti, c'est ce que je me suis mis dans la tête, je demandais, ils me remballent, je demandais, ils me remballent, et puis voilà quoi, ça je sais pas, moi je trouvais ça logique qu'ils prenaient une apprentie, je sais pas, ...j'savais qu'y avait des difficultés mais bon pas à ce point-là, là c'est une crise carrément, moi j'trouve que c'est une crise, avant les choses étaient plus faciles et on me le disait, quand j'allais demander, comme à la mairie, elle me le disait, avant c'était plus facile, franchement, on demande à faire un apprentissage ils demandent des gens formés, plus formés, mais si eux nous forment pas comment on va se former nous, c'est vraiment un cercle vicieux, c'est vraiment dur, et moi j'trouve que c'est pas réel, c'est carrément, même pour demander un redoublement, j'avais demandé un redoublement, une école aux Terreaux, et j'avais demandé pour un redoublement ils m'ont dit oui il reste une place, vous savez j'en avais les larmes aux yeux tellement que j'étais contente, après elle me dit, c'est une secrétaire en plus, elle me dit votre moyenne c'est dans les alentours de combien, je lui dis 6-7, ah non non vous êtes trop faible, machin, je lui dit, écoutez, j'serais pas faible j'serais pas là en train de vous demander, j'lui dit, franchement, c'est pas logique, elle me dit oui mais même, écoutez on peut pas vous prendre, au revoir. Je savais plus quoi faire, franchement elle m'a tué là (rire), j'aurais une moyenne aux alentours de 10, j'serais en Bac Pro là, j'serais en Bac Pro j'serais pas en train de demander un redoublement>>.’ Rejetée de toute part pour niveau insuffisant, Latifa ne comprend pas la <<logique>> d'un système de formation qui n'accepte de former que des gens déjà formés. Elle a laissé passer la "première" chance de qualification que lui offrait le système scolaire, toutes les portes semblent lui être désormais fermées.

Le dispositif du Crédit Formation Individualisé, mis en place en 1989, s'inscrit dans la volonté d'offrir aux jeunes sortis du système scolaire sans qualification une "deuxième" chance de qualification. Latifa, étant sortie du système scolaire depuis moins d'un an, elle ne peut bénéficier temporairement de ce dispositif, car l'Éducation Nationale se doit, durant cette première année, de lui proposer des solutions d'insertion alternatives dans le cadre d'un dispositif appelé DIJEN. Si ses recherches de contrat d'apprentissage n'aboutissaient pas, elle pourrait donc dès l'année suivante initier un parcours d'insertion dans le cadre du dispositif CFI et suivre une formation qualifiante dans le secteur du secrétariat. Mais nous le verrons avec les exemples de Christine et de Makram, rien n'est moins évident que d'accéder à cette théorique "deuxième" chance.

Latifa navigue à vue entre de multiples partenaires, les uns impropres à satisfaire ses demandes, les autres incapables d'y apporter des réponses. Elle est mise à distance des divers dispositifs auxquels elle s'adresse sans comprendre les raisons des refus successifs qu'elle encaisse, autrement que comme refus de sa personne. Puisque selon sa <<logique>>, les mesures sollicitées - contrat d'apprentissage, ou redoublement - s'adressent aux personnes faiblement qualifiées, ou de faible niveau, tout refus ne peut qu'être dirigé contre sa personne, son faible niveau ne pouvant les justifier.