4.1.2.3.1. L’INACCESSIBLE PROFESSIONNALISATION

Christine remet en question le stage proposé parce qu'elle n'a pas compris ce qu'elle pouvait en tirer. Pour autant elle a une idée, a posteriori, très précise de ce qu'elle en attendait : ‘<<On était pas mal dans le groupe à vouloir rentrer en milieu hospitalier, qu'il y ait au moins une personne qui vienne d'un hôpital, qui vienne nous expliquer voilà comment ça fonctionne heu le service...on a besoin de ça, la formation comme si...y avait une infirmière qui venait mais notre groupe on n'avait pas le droit de l'avoir, elle venait pour un autre groupe et moi dans le groupe où j'étais c'était pas prévu...c'est pareil ceux qui voulaient être dans la plomberie ou des trucs comme ça ils sont jamais tombés sur quelqu'un qui leur parlait de ce métier>>.’ Ce que Christine attendait c'est une confrontation avec des professionnels, des gens du métier, pas avec des intermédiaires, formateurs, conseillers ou psychologues, qui n'ont pas su, pas pu, décrypter leurs demandes, ou pas été en mesure d'y répondre : ‘<<Y avait une infirmière qui venait mais notre groupe on n'avait pas le droit de l'avoir>>. ’

La mobilisation de la catégorie de <<métier>> vient nous renseigner sur le type d'attentes de Christine. C'est bien dans les catégories du métier, de la profession qu'elle pense son parcours d'insertion, et si jusqu'à présent elle a interprété ses expériences professionnelles en termes de <<boulots>> c'est bien pour nous signifier l'insignifiance de ces activités temporaires.

Elle reconstruit, dans le moment de cet entretien, ses attentes et sa version des faits de l'époque, tels qu'il lui paraît pertinent de les exposer à ce moment précis du récit. Et rien ne peut nous permettre de confirmer ou d'infirmer cette version qui fait partie de la logique de la mise en cohérence de sa présentation, et qui doit être appréhendée comme telle. Appréhendée comme une reconstruction biographique chargée d'oublis, de déformations, de mystifications, d'omissions mais qui constitue malgré tout cela et grâce à tout cela l'intérêt signifiant de cette énonciation.

Dans la reconstruction qu'opère le discours, il se dessine petit à petit que le "milieu hospitalier" n'est pas resté une entité floue aux contours incertains. Il y a des professions - des <<infirmières>>, des <<services>>, mais la pédagogie de la formation proposée pour aider à la construction du projet, les MAP (Mobilisation Autour d'un Projet), n'a pas intégré le besoin de confrontation avec le réel. Ainsi, on découvre peu à peu que c'est en référence à la catégorie de "profession" que se pense la construction d'un parcours d'accès à l'emploi, alors même qu'il s'agit d'évoquer un épisode où ces "professionnels" resteront inaccessibles. Paradoxe qui est peut-être alors significatif d'un vécu qui se résume à l'exercice de petits boulots, et réserve alors l'évocation des "professions-métiers" à une inaccessible réalité.