4.1.2.4.1. PARCOURS DE REORIENTATIONS

Le parcours va se poursuivre entre héritage imposé et héritage mythifié : ‘<< Après ben j'ai voulu continuer dans la vente, j'ai cherché un employeur pour faire une école, je voulais faire dans la boulangerie, mais en fait ça me plaisait pas du tout, donc après j'ai fait un essai en bureau de tabac et j'me suis rendu compte que la vente ça m'plaisait pas, donc je me suis dit ben d'façon le milieu hospitalier ça ne me dérangeait absolument pas, c'est vrai que ça m'a toujours un petit peu attirée(...) ça m'a toujours attirée ce truc, déjà quand j'étais petite c'est ce que je voulais faire, je voulais rentrer dans un hôpital, mais je voulais découper les jambes (rires)>>’. Son parcours contrarié par le système d'orientation/sélection scolaire, va induire un projet de formation professionnelle qui se prolongera au-delà du cadre scolaire, signifiant en cela qu'il s'est imposé comme le seul cadre de référence dans lequel Christine a pu temporairement construire son parcours. Et ce à l'image de Latifa. Jusqu'à ce qu'elle accepte que ce projet ne lui convenait pas et qu'il lui fallait se réorienter vers ce qu'il lui semblait avoir toujours aimé, même s'il s'agit sans doute là d'un passé mythiquement reconstruit.

On voit bien, en suivant le fil de la construction du discours de Christine, comment se reconstruisent les moments de négociation. Ce qui est visiblement à nouveau imposé de l'extérieur, du moins proposé, on peut l'imaginer dans le cadre d'un stage visant à définir un projet d'orientation professionnelle, fait l'objet d'une réappropriation positive, "par défaut", comme s'il fallait tenter de faire preuve de sa bonne volonté. Elle n'avait déjà pas aimé le secteur de la vente dans lequel on l'avait initialement réorientée, et dans lequel elle avait d'elle-même, toujours par "défaut" de pouvoir mobiliser d'autres "horizons pertinents" sur lesquels prendre repère, tenté de nouveau de poursuivre son parcours, elle n'allait pas encore faire "la fine bouche" sur l'horizon qu'on lui ouvrait, le secteur hospitalier.

C'est donc dans les termes du "plaisir" que Christine va justifier, et l'abandon du secteur de la vente, et le "choix" du secteur hospitalier. Comme Latifa, et comme la plupart des jeunes rencontrés, la catégorie justificative du "choix" de l'orientation professionnelle sera toujours celle du "plaisir".