4.1.2.5.1. LA « PRECARITE » PROFESSIONNELLE

Travailler doit s'inscrire dans le cadre d'une activité appréhendée comme "utile" parce que reconnue socialement comme telle, mais se consacrer à une activité professionnelle utile pour la société ne doit pas impliquer pour autant un sacrifice : ‘<<Mais là c'est pareil, les personnes âgées j'en ai marre à force j'connais que ça j'aimerais bien connaître autre chose (...) c'est pas que ça me plaît pas mais heu...parce que j'ai commencé à faire un truc chez les personnes âgées alors tout le temps on m'oriente vers les personnes âgées et si je veux aller ailleurs et ben j'ai pas de qualification, j'ai rien donc il faut que je reste là-dedans>>.’ Ce qui est en jeu, de nouveau, est moins le fait, en soi, de son travail auprès des personnes âgées, mais bien davantage cette assignation contrainte dont elle fait l'objet, dépourvue qu'elle se sent de toute possibilité de choix, du fait de son niveau scolaire qui la stigmatise dans les "activités" de celles qui ne peuvent rien faire d'autre que rester <<là-dedans>>.

Les activités "professionnelles" exercées par Christine s'inscrivent dans le registre de la "précarité" telle que peuvent la définir les catégories officielles. Exercées quelques heures par semaine dans des cadres pas toujours formalisés par un contrat de travail, les <<remplacements>> qu'assurent Christine sont typiques de la "précarité" professionnelle telle qu'elle est socialement pensée.

Or, ce qui "fait problème" ici pour Christine relève davantage des procédures d'assignation auxquelles elle est réduite, que de la "précarité" du statut qui caractérise ces activités. C'est l'obligation dans laquelle elle se trouve d'accepter toujours les mêmes emplois auprès des <<personnes âgées>> qui constitue pour elle le "problème", et non pas le fait que ce soient des <<remplacements>>. Le souhait qui apparaît en négatif de ces propos est bien davantage celui de changer de type d'activité que celui de se stabiliser dans une activité.

On le voit une fois encore avec Christine, les catégories "indigènes" qui constituent un fait social comme "problématique" ne correspondent pas nécessairement aux catégories "officielles", et le problème social de la "précarité" professionnelle est significatif de ce processus d'occultation des catégories indigènes au profit de catégories légitimes officielles qui viennent construire comme "problématique" un fait social non nécessairement vécu comme tel, alors que d'autres faits sociaux seront occultés comme "problématiques".