4.1.2.6.4. LES "BOULOTS" INCLASSABLES

Quel sens prend alors le travail pour Christine dans un contexte de mise en marge du modèle intégrateur dominant sur lequel elle avait fondé ses espoirs, à la suite de ses parents ? ‘<<à force on n'est plus motivé, y a plus rien à faire puisqu'on se dit y aura rien y aura rien, à force que les choses aboutissent à rien on s'dit que d'toute façon ça sert à rien de galérer pendant un an et demi à faire des stages heu puisqu'y aura rien au bout, j'préfère travailler et puis voilà parce qu'au moins j'aurais quelque chose à marquer sur le CV, et ben si je fais ça que ça ça sert à rien, je m'en rends compte ça sert à rien...non, puisque c'était pas dans, comme quand j'gardais des enfants bon ben, si l'employeur me l'demande je lui dit, mais ça sert à rien puisque c'était pas dans une école c'était pas dans un centre c'était pas dans une structure donc c'est pas reconnu donc c'est pas, ça fait des petits boulots comme ça quoi>>,’ description d'une pratique d'insertion professionnelle où les <<stages>> pas plus que les <<petits boulots>> exercés ne servent à constituer un "capital" d'expériences dont elle pourrait se revendiquer au cours d'ultérieures démarches de recherche d'emploi.

Car les expériences de travail doivent prendre valeur de capital qu'il faut pouvoir accumuler pour faire figurer sur le curriculum vitae. à condition toutefois qu'elles s'inscrivent dans le cadre légitime du contrat de travail, de l'emploi déclaré dans un lieu identifié et identifiable à un "lieu de travail". Garder des enfants à domicile, ou faire des ménages ne sont que des <<petits boulots>> qui ne permettent pas de revendiquer un statut de "salariée" qui pourra figurer sur l'incontournable carte d'identité qu'est devenu le curriculum vitae. Car Christine, comme Agnès, Mériem, Cyril et Sami, construit son parcours d'insertion sur les sables mouvants du travail au noir qui n'assure ni expérience digne d'être mentionnée comme telle, ni assurance, ni protection sociale.