4.1.2.7.3. LE "PISTON"

Comme s'il n'y avait plus rien à dire d'elle-même, elle poursuivra son discours en évoquant l'entourage, le voisinage : ‘<<Je fais des réunions avec mes voisines, donc on discute de tout, y a des gens de toutes sortes quoi, non ça va au bout d'un moment ça m'énerve parce que c'est toujours pareil, je suis au chômage des trucs comme ça oui, "mais si tu veux trouver quelque chose faut être motivée", comme y en a qui m'disent que ils avaient pas d'emploi enfin c'est surtout des femmes, des mères de famille et puis bon je m'aperçois qu'y en a beaucoup qui ont trouvé des emplois parce que la copine travaillait à l'ANPE ! parce que la copine travaillait dans la boîte ! (...) je m'aperçois qu'en fait le piston... >>.’ L'entourage lui renvoie non seulement son absence de motivation, dont elle est consciente et qu'elle a déjà évoqué à propos de ses rencontres avec la conseillère de la Mission Locale, mais en plus, son isolement relationnel qui l'empêche de profiter du "piston" salvateur.

Une fois encore elle va mobiliser une représentation sexuée de son entourage - <<surtout des femmes, des mères de famille>> - pour justifier ses propos. Mais cette fois, ce sont des femmes, auxquelles elle ne s'identifiera pas, car pour la plupart ce sont des <<mères de famille>>.

Comme Latifa, Christine se construit une identité "d'exclue" qui trouve son ressort dans l'impossibilité de s'identifier à un collectif signifiant, capable de justifier sa situation. Les <<hommes>> s'en sortent, car pour la plupart pères de famille ils obtiennent diverses allocations, et les <<mères de famille>> s'en sortent également car "pistonnées" par l'entourage elles parviennent à trouver des emplois.

Toute la construction de son discours trouve sa logique dans l'exposition de l'enchaînement de dépossessions. Elle est dépossédée de diplôme, d'expériences professionnelles "réelles", d'argent, de motivation, de réseau relationnel, ...jusqu'à la possibilité même d'être mère.