4.1.3.3. FONCTIONNAIRE

La fonction publique s'est donc présentée comme une alternative, mais Nadine ne pense pas cette alternative dans une temporalité nécessairement indéterminée : ‘<<C'est une garantie de l'emploi qui compte beaucoup maintenant donc c'est vrai que le salaire est pas toujours en conséquence mais on peut pas se plaindre, et puis bon on y reste et voilà, enfin on y reste, oui et non quoi, je veux dire si je trouvais quelque chose dans le privé, en même temps je cherche pas, si je pouvais trouver quelque chose dans le privé qui soit sympa, je me dis qu'après tout la carrière fonctionnaire n'est pas définitive quoi (rires)>>.’ Comme l'immense majorité des jeunes rencontrés au cours de ce travail, Nadine, bien que recrutée dans l'antre symbolique de la stabilité, ne se fixe pas pour objectif une embauche définitive.

Alors que la <<garantie de l'emploi>> est une dimension professionnelle qui est devenue de plus en plus convoitée face à la "précarité" croissante des emplois proposés sur le marché du travail, Nadine ne fait pas de cette valeur sociale ambiguë, une valeur signifiante de son actuel statut.

Valeur sociale ambiguë, car si la stabilité d'emploi demeure le modèle d'emploi dominant, les aptitudes à la mobilité et au changement sont de plus en plus valorisées professionnellement, tandis que sont stigmatisés comme "inadaptables" tous ceux qui privilégient l'immobilisme et la sécurité de la routine quotidienne. La "stabilité" est au coeur d'un paradoxe social qui stigmatise comme "précaires" les individus qui ne bénéficient pas de contrats de travail stables, et d'"inadaptables" ceux qui se refusent au changement.

Nadine éprouve des difficultés à s'identifier à son environnement professionnel face auquel il lui faut alors mettre des distances. Pour "sauver la face" de "l'artiste", il faut à Nadine prendre ses distances avec la "fonctionnaire" qu'elle ne peut se résoudre à être, ou plutôt à "n'être que".