4.1.3.3.3. EN QUETE DE PROFESSIONNALISME

Nadine va poursuivre et justifier ce décalage professionnel entre les contraintes inhérentes à son statut de fonctionnaire et les besoins spécifiques de son poste de travail dans les termes d'un manque de professionnalité : ‘<<Donc des fois on prend un peu sur soi ce qui est normal, mais c'est vrai que ce qui serait bien, pour bosser dans de bonnes conditions c'est que j'ai une bonne formation, que je puisse faire des choses qui soient bien, parce que c'est pas le tout de faire des choses mais il faut les faire bien, des choses qui soient bien il faut s'en donner les moyens je pense, et, moi je pense que ce qui serait bien c'est que j'ai une formation bien spécialisée, enfin qui corresponde à ce que je dois faire>>’. Le décalage que Nadine opère dans les catégories justificatives mobilisées - rythme de travail tout d'abord, puis maintenant absence de spécialisation professionnelle - vient nous dire, par delà l'apparente incohérence de l'enchaînement, la lourdeur d'une "machine administrative" qui s'adapte mal, que ce soit du fait du rythme ou du fait de la formation interne, aux spécificités de certains postes qui ne s'intègrent pas dans le répertoire classique des emplois de la fonction publique.

Nadine vit d'autant plus mal l'atypisme de son poste qu'elle ne peut s'appuyer sur une compétence professionnelle reconnue pour justifier sa position marginale au sein de l'administration. La formation professionnelle se construit donc comme le moyen par lequel elle peut tenter de légitimer une position atypique, qui l'empêche jusqu'alors de se construire une identité professionnelle car elle ne peut revendiquer une compétence singulière qui la distinguerait des autres "fonctionnaires", dont elle fait néanmoins partie. Ne s'identifiant pas aux <<fonctionnaires>> car sans doute la spécificité de son poste l'éloigne des caractéristiques administratives traditionnellement dévolues aux emplois de "fonctionnaires", mais surtout parce que cette "identité pour autrui" est pensée comme une étape dans un parcours qui doit la rapprocher de sa <<passion>> pour les métiers <<à caractère culturel>>, Nadine ne peut, faute de spécialisation professionnelle, se construire une identité, temporaire, de professionnelle de la communication.

Dans un no man's land identitaire, elle va tenter de sortir de cette impasse en profitant des opportunités de formation qui se présenteront dans le seul cadre qui lui est désormais accessible, celui de la fonction publique, et en construisant un temps hors-travail capable de lui assurer cette identité artistique réelle qu'elle a renoncé à exercer en tant que professionnelle.