4.1.3.4.1. PLAISIR CONTRE TRAVAIL

Mais le système de valeurs associées au travail se construit sur la complexité de l'ambivalence et laisse Nadine dans le doute de ses choix futurs : ‘<<C'est vrai qu'en fait on se demande si vaut mieux pas que ça reste une passion plutôt qu'une contrainte, c'est ce que je me dis parfois, je me dis en fait, j'aimerais bien faire ça dans mon boulot et tout, mais après ce qui est boulot devient moins plaisir et ça peut être un peu à double tranchant, et moi je me rappelle que j'avais pris une scolarité A3, c'est-à-dire dessin, et que avant de commencer cette scolarité j'adorais dessiner c'était quelque chose qui, et à partir de quand a débuté cette scolarité c'était la contrainte de dessiner comme ça tous les jours et c'est devenu carrément, pas un rejet, mais quelque chose que je faisais moins avec coeur, qui m'embêtait un peu et donc là c'est un peu la peur que j'ai vis-à-vis de, c'est-à-dire que si c'est quelque chose que je fais comme ça pendant mon boulot, c'est, ça va pas me dégoûter, mais ça, je vais le faire avec beaucoup moins d'entrain, c'est pour ça que j'ai un peu peur de faire rentrer ça complètement dans la vie professionnelle>>.’ Nadine va nous sortir du doute dans lequel l'ambivalence de la <<passion>> pouvait nous plonger. C'est bien dans les termes du <<plaisir>> et non de la "souffrance" que Nadine construit sa passion pour les métiers de l'audiovisuel. Mais, alors que la plupart des jeunes rencontrés poseront la nécessité du <<plaisir>> comme condition à l'exercice d'une activité professionnelle, Nadine doute de la compatibilité de l'un avec l'autre, et préfère construire son parcours professionnel dans la logique d'une opposition des deux catégories. Pour elle, comme pour Christine, Sophie, Sonia, Chantal, et Sandrine B, le travail n'est pas un lieu de plaisir, car c'est un espace contraint, qui de surcroît transforme en contrainte ce qui était auparavant plaisir. C'est donc le cadre professionnel qui ne peut s'accorder avec la passion, qui doit donc rester préservée, pour se conserver, de tout cadre contraignant tel que celui du travail ou de la scolarité.

Alors qu'elle aspirait quelques instants auparavant à une réelle professionnalisation dans le secteur de l'audiovisuel, afin de pouvoir légitimer un poste de travail marqué par la singularité d'une activité à laquelle elle ne parvient pas à s'identifier, Nadine va rejeter peu après cette éventualité de peur d'y perdre tout le plaisir qui l'anime. Cette apparente contradiction dans le discours va se résoudre dans les termes d'une temporalité problématique, celle d'un rythme de travail marqué par la répétition et la routine.