4.2.1.4.4. DISPOSITIF DE CONTROLE SOCIAL

C'est selon le même principe de dénigrement d'une autorité abusive qu'il va mettre en doute le bien-fondé de la Mission Locale : ‘<<Je pense que vous êtes un organisme lucratif, vous êtes pas là, vous êtes pas là pour aider les jeunes, t'sais moi j'pense que, moi j'me voile pas la face hein, j'vais pas vous dire, j'vais pas vous passer de la pommade, j'vais pas vous dire "tout à fait vous êtes là pour aider les jeunes tout ça", toutes les structures qui sont actuellement pour aider les jeunes moi j'pense qu'elles sont bien structurées sans être bien structurées, les jeunes ont des besoins ben il faut subvenir à leurs besoins...il faut qu'un jeune parte en formation, il a un projet de formation dans la tête il se dit heu "j'veux être électricien ou maçon, mécanicien", sa formation elle va durer un an à deux ans tout dépend du centre de formation, mais au bout de c'te formation il faut que le jeune et ben il ait quelque chose en contrepartie et puis maintenant, c'est un peu prendre les gens "ben oui on vous prend vous allez faire telle formation" puis au bout il va espérer d'avoir un métier ben en fin de compte il aura rien et c'est c'est dégoûtant quelque part voilà>>’. Makram sera le seul, parmi les trente jeunes rencontrés à accuser ouvertement la Mission Locale d'abus de situation. Il met en accusation un dispositif de formation dont la Mission Locale constitue un maillon, qui non seulement, comme il l'a exprimé précédemment, reproduit un principe de sélection à l'entrée, identique à celui du système scolaire, mais encore ne garantit à la sortie ni diplôme, ni emploi. Et de plus, il soupçonne la Mission Locale de tirer un profit financier de cette situation.

Quelle place occupe-t-il par rapport aux dispositifs d'insertion pour "s'autoriser" à la critique ? Il n'est pas dans la situation de Nadine, tellement détachée de la Mission Locale qu'elle aurait pu s'autoriser n'importe quel propos. Il est dans la même situation que Christine, en relation d'étroite dépendance avec les services proposés par la Mission Locale. Elle ne s'est pas sentie "autorisée", lui si. Peut-être des rapports sexuellement différenciés à l'autorité, qu'a représenté le système scolaire, que représente aujourd'hui la Mission Locale, peuvent-ils partiellement nous éclairer sur des modalités différenciées dans la façon d'interroger la légitimité du pouvoir de la Mission Locale.

Par ailleurs, il est à noter que si la formation est toujours pensée comme moyen d'accès à un "métier", elle est également pensée comme <<contrepartie>>. De façon contradictoire, alors même qu'il a fait la preuve d'une pleine maîtrise de son parcours tant de formation, que discursif, il va poser le projet de formation comme "sacrifice" qui nécessite une "contrepartie", c'est-à-dire un diplôme qui vient sanctionner les efforts concédés pour avoir accepté de se professionnaliser. Autrement dit, se former ne renvoie plus à un choix non contraint, mais à l'acceptation d'une nécessité. Il faut accepter la nécessité de la formation pour espérer échapper à la nécessité du travail instrumental.