4.2.2.3.2. LA FONCTION

C'est par une description de son activité professionnelle que Sylvain poursuit le récit de ses débuts "d'actif" : ‘<<J'avais surtout une fonction de réceptionnaire, une fonction de permanent dans le dépôt, parce que les bureaux étaient situés à, à peu près, cinq cent mètres de l'entrepôt, donc ce qui fait que, le patron pouvait pas s'absenter donc c'est moi qui m'occupait de la gestion du stock, j'm'occupais de la réception, j'rangeais, comme, c'est lui qui m'indiquait, j'avais aucune notion, donc voilà c'était ma fonction>>’. C'est donc en termes très significatifs de <<fonction>> comme activité parcellisée, "partiellisée", que Sylvain vient nous dire l'impossibilité de nommer dans les termes du "métier" une activité qu'il n'a pas pu embrasser dans sa totalité puisqu'il était reclus, seul, à l'écart de tout, dans un entrepôt.

Je vais à ce moment de l'énoncé, relancer Sylvain sur le thème du "tutorat". Il s'agissait de faire préciser à Sylvain le rôle qu'avait joué son "tuteur"251 dans sa formation, et cela, car de toute évidence à l'écoute de son discours, le "tuteur" ne semblait pas jouer son rôle de formateur-encadrant de terrain : ‘<<C'était le PDG, c'est un homme d'affaires quand même, il était le plus souvent au bureau ou à l'extérieur ou à l'étranger, j'le voyais pas trop, à vrai dire, j'me suis formé, avec les transporteurs, j'me suis formé tout seul et aussi grâce à la théorie de l'école, quand on étudiait exactement c'que j'faisais fonction réception j'l'ai appliqué, c'est complémentaire, sauf que des fois des cours de l'IFTIM qui parlaient plus d'entreprises plus grandes, c'est-à-dire une personne pour la réception, une personne pour l'expédition>>’. Ainsi Sylvain viendra nous confirmer et surtout illustrer ce que beaucoup de jeunes - ce sera le cas de Nagette et de Sandrine B - reprochent aux formations en alternance : le fait d'être considéré comme n'importe quel salarié, "abandonné" à ses diverses fonctions sans bénéficier du "tutorat" d'un professionnel de l'entreprise comme le prévoit son contrat de travail.

Alors même que le patronat se lamente sur l'inadaptation des formations scolaires aux réalités professionnelles, et publicise à grand renfort de campagnes les vertus de la formation en alternance, la réalité du terrain se révèle bien souvent tout autre à qui aura eu le "privilège" d'expérimenter les formules de qualifications professionnelles en alternance, que ce soit le contrat d'apprentissage ou le contrat de qualification.

Ainsi, la "précarité" du contrat de qualification n'apparaît pas dans les termes attendus de l'instabilité. Ce qui en revanche "fait problème" pour Sylvain est le sentiment d'abandon, d'isolement qui caractérise l'exercice de cette activité professionnelle dans le cadre de ce contrat de travail.

Notes
251.

le "tuteur" est le professionnel chargé de la formation de terrain du jeune salarié d'une entreprise dans le cadre d'un contrat de qualification.