4.2.2.4.3. UNE LUTTE COLLECTIVE

à l'engagement dans la vie professionnelle est associé un engagement politique militant, hérité d'une tradition familiale : ‘<< (...) à vrai dire avant mes parents étaient communistes quoi ils sont toujours communistes (Relance : <<Et vos parents travaillent ?>>) ben ma mère est, ma mère est employée de bureau à la CRAM, mon père lui est décédé mais y a longtemps, parce que lui notamment était conseiller municipal>>’. Le tabou qui s'est imposé sur la mort dans les sociétés occidentales contemporaines, et que j'ai incorporé comme tel, m'empêchera de relancer Sylvain sur l'activité professionnelle de son père après qu'il m'ait eu "confessé" son décès. Le père restera donc pour l'entretien un "conseiller municipal", pour nous, comme pour Sylvain qui semble ne pas avoir intégré sa disparition - ‘<<ils sont toujours communistes>>. ’

Les deux activités, professionnelles et politiques, demeurent bien distinctes, l'activité professionnelle conservant une place de choix : ‘<<Si ça me plaît ben je sais pas peut-être que pour faire carrière là-dedans quoi j'en sais rien, c'est toujours secondaire par rapport au travail>>’. La participation à la société passe prioritairement par le travail, même si la carrière politique comme forme de participation sociale publicisée, et comme tentative de réappropriation d'une histoire familiale précocement interrompue, n'est pas complètement rejetée.

Le travail demeure, comme pour Makram, la préoccupation principale, et comme pour justifier cette préoccupation, comme pour se penser au coeur d'un collectif marqué par l'identique, il va mobiliser la référence aux <<copains>>. Comme la majorité des jeunes rencontrés au cours de ce travail, il va faire appel à ses relations amicales ou familiales, sans qu'il me soit la plupart du temps nécessaire de poser la question, pour justifier une préoccupation qui le dépasse largement. Qui le dépasse pour signifier que sa situation est "commune" et ne renvoie pas à une pathologie individuelle, qui le dépasse encore parce que chacun tâtonne pour trouver l'issue de son tunnel. ‘<<Je pense que je suis pas le seul, tous les jeunes pensent comme moi (...) les copains c'est un peu comme moi (...) ils veulent faire un contrat de qualification eux aussi ils aimeraient bien avoir un diplôme...on pense pareil quoi>>. ’

La catégorie d'identification qui apparaît signifiante pour Sylvain, comme elle le fut pour Nadine et Makram, pour Béatrice, Cendra, Nagette, Paulo, Cyril et Said, est celle de <<jeune>>. C'est donc en tant que <<jeune>> que Sylvain se construit comme membre d'un collectif support d'une construction identitaire qui lui permet de se penser comme individu membre d'une "société", et non comme individu désocialisé, atomisé.

De façon surprenante, puisque cette "expérience professionnelle" ne lui a permis de déboucher ni sur une qualification, ni sur une embauche, Sylvain remobilise l'expérience du contrat de qualification pour justifier le souhait de ses amis de suivre son modèle en tentant de se qualifier dans le cadre d'un contrat en alternance.

Le contrat de qualification apparaît donc non seulement comme l'unique voie menant à la qualification, mais encore comme une voie tout à fait digne d'intérêt.

Une fois encore, sylvain aura replacé au coeur de son discours la problématique du diplôme. Je profiterai de cette "perche" tendue pour le relancer sur ce que représente pour lui l'obtention d'un diplôme.