4.2.2.5.1. RECLASSEMENT

Comme Nagette, Annie, Paulo et Vincent, et à l'image de Christine et Nadine, Sylvain expose le décalage dans lequel il se perçoit par rapport aux autres. Et ce décalage sera toujours marqué dans le même sens, celui du retard. Un couple stigmatisant articulé autour d'un axe retard scolaire-réorientation va fonctionner, implacablement de façon plus ou moins prononcée, pour tous les jeunes rencontrés. Mais Sylvain sans doute encouragé par un environnement amical encore largement scolarisé ne se laissera pas démobiliser par cette "exclusion scolaire". Il se réappropriera autrement, par une certification "professionnelle", et non plus "scolaire", son parcours diplômant.

Projet quasi obsédant, la quête du diplôme protection, <<ami>>, <<couverture>>, prend sens à la lumière d'un environnement social plus fortement qualifié scolairement : ‘<<J'ai pas mal d'amis qui ont le Bac, c'est eux aussi qui me stimulent parce que moi je me mets à la place, je me dis, j'aurais pu avoir le Bac, j'aurais pu faire BTS, j'aurais pu faire Bac +5 dans quelque chose, par rapport à ça je regrette un peu, donc je vais quand même passer ce diplôme qui me manque...à vrai dire la majorité de mes collègues sont pas sortis de leurs études quoi>>’. Logique de "rattrapage" scolaire pour se prémunir contre une "dégringolade" sociale qui s'apparente fort à ce que Pierre BOURDIEU253 a pu analyser en termes de stratégies de rattrapage pour éviter un processus de déclassement social254, qui vient s'argumenter dans un processus d'autojustification : ‘<<Le Bac je regrette pas dans un sens, après le Bac je sais pas si j'aurais continué...j'ai appris aussi qu'un Bac Pro même des fois un CAP c'était mieux qu'un Bac parce qu'un Bac en fait, c'est plus général, plus théorique>>.’

Le projet de création d'entreprise s'inscrit dans la continuité d'une logique de parcours de "déclassement-reclassement" qui permettra de regagner en capital social - <<mon propre patron>> - ce qui n'a pu être obtenu en capital culturel - <<un diplôme>>.

Notes
253.

1979 p 166

254.

Cette question de la reprise de formation comme tentative pour freiner le déclassement ou une mobilité sociale descendante a fait l'objet d'autres travaux. Je citerai Christian de Montlibert, "Promotion et reclassement", R.F.S., IX, n° spécial 1968, p 208-217 ; Christian de Montlibert, L'institutionnalisation de la formation permanente, Strasbourg, P.U.S., 1991, p 53-78 ; Philippe Fritsch, Les Instituts de la Promotion Supérieure du Travail, Nancy, INFA, 1970 ; Philippe Fritsch, 1971, p 121-122, 145