4.2.3.1.1. LA RECHERCHE D'EMPLOI

La <<correspondante>> de la Mission Locale, dénomination utilisée dans le dispositif du CFI, et qui correspond à une des missions de la "conseillère", est explicitement posée comme la personne ressource indispensable pour qu'il trouve un emploi. Et ce, alors même, comme nous le verrons ultérieurement, qu'il est parvenu à décrocher un emploi à durée indéterminée sans son aide.

Alors qu'il exerce un emploi dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, Johan posera d'emblée le rôle de la Mission Locale comme fondamental dans son parcours. Alors même que sa situation actuelle - <<maintenant j'suis tranquille>> - pourrait nous laisser penser que la Mission Locale représente une étape dépassée et à dépasser dans son parcours, il la pose au premier plan de son exposé discursif, comme pour nous signifier que son histoire avec la Mission Locale n'est pas terminée.

De surcroît, les "stratégies" de recherche d'emploi proposées ne vont pas satisfaire. Ce qui amènera Johan à réutiliser son réseau personnel. ‘<<Elle m'a dit "bon ben essayez de votre côté de trouver du travail et puis éventuellement d'envoyer surtout beaucoup de lettres" mais envoyer beaucoup de lettres c'est pas tellement idéal quoi parce que là je vois j'ai envoyé soixante-dix lettres j'ai eu dix réponses négatives d'entrée, et puis bon ben après j'ai retrouvé une boite qui m'avait repris déjà y a plus de trois ans déjà que qui j'travaille avec eux en ce moment>>’. Pour Johan de nouveau la recherche d'emploi n'est pas une "affaire" qui se traite dans l'anonymat. Anonymat d'une lettre de candidature, spontanée ou non, anonymat d'un contact avec la Mission Locale. Pour qu'une démarche aboutisse il faut entretenir des relations régulièrement. Et la preuve est là, Johan est embauché. Mais bien que recruté sur un contrat à durée indéterminée, Johan ne se pense pas dans une temporalité indéterminée : ‘<<J'travaille avec eux en ce moment>>.’ La stabilité de son activité professionnelle actuelle est pensée dans une temporalité marquée par l'instabilité ; est-ce un habitus "professionnel" construit sur la catégorie du temporaire qui empêche Johan de penser ce premier emploi stable dans les termes du "définitif", ou l'emploi occupé est-il problématique au point de l'obliger à le penser dans des termes déterminés ? Le déroulement de l'entretien nous permettra d'affiner ces hypothèses.

Comme Sylvain, Christine et Xavier A, Johan a expérimenté les techniques de recherche d'emploi systématisées dans les dispositifs d'aide à la recherche d'emploi, pour en conclure qu'il valait mieux utiliser les réseaux personnels, quand ils existent.

La technicisation des démarches de recherche d'emploi s'intensifie d'autant plus que les réseaux personnels ne fonctionnent plus. Il ne s'agit pas d'avancer une explication en termes d'anomie, car les demandeurs d'emploi ne sont pas, pour la plupart, démunis de réseaux personnels, mais les réseaux personnels ne sont pas les réseaux adaptés, ou plus encore, les positions sociales et professionnelles occupées par les relations du réseau ne permettent pas de constituer le "piston" nécessaire, comme nous l'avons vu dans l'exemple de Christine. La concurrence est devenue telle que les réseaux sont "surchargés". Il s'opère alors un processus de relégation-délégation vers les organismes en charge des demandeurs d'emploi, afin qu'ils se substituent à l'inopérationnalité du réseau. La surenchère en matière de techniques de recherche d'emploi est là pour attester, s'il en était besoin, de l'impuissance de cette "formalisation techniciste" à égaler l'efficacité des réseaux personnels.