4.2.3.1.4. LE STATUT

Johan n'en est pas à sa première expérience professionnelle dans le secteur de la sécurité : ‘<<Avant j'étais à la ville donc je faisais pareil mais bon c'était différent parce que c'était le sport c'est-à-dire aussi bien le football, le rugby et le tennis de table c'est-à-dire le ping-pong, et bon simplement de surveiller un site c'était surtout de surveiller les équipes c'est-à-dire qu'on avait deux tranches d'horaires, c'est-à-dire de 7h30 jusqu'à 16h30 (...) on voyait le premier club qui arrivait donc on s'mettait dans les vestiaires pour les surveiller, dès qu'ils avaient fini de se changer on fermait vite fait bien fait pour pas qui y ait de vol, quoi que ce soit, et puis la deuxième tranche horaire donc 20h 22h. Et là donc j'ai demandé de passer stagiaire parce que comme j'étais vacataire parce que y a quatre grades, vacataire, stagiaire, auxiliaire, titulaire, j'ai demandé de passer stagiaire et on m'a refusé...>>.’ L'activité de travail précédente s'inscrit successivement en référence à l'espace de travail - l'entreprise nommément identifiée ; au contenu de travail - la surveillance ; au rythme de travail - les horaires ; et au statut - vacataire. Ce cadre de référence ainsi constitué va organiser la vision du monde professionnel de Johan à travers les diverses expériences de travail qui se succéderont.

Expériences de travail qui se succèdent et que, à l'instar de Makram, il tente de présenter comme des "choix" qu'il a pu maîtriser : ‘<<...On m'a dit "non, non c'est pas possible, y a pas de gens en retraite, y a pas de gens en longue maladie donc votre poste c'est pas possible", après j'suis parti (relance : <<Vous avez démissionné ?>>) c'est-à-dire non c'est pas vraiment démissionné, c'est que ils m'ont dit "d'façon vous aurez pas d'autres solutions même en restant vacataire vous aurez pas plus d'boulot que du boulot que..." parce que d'façon c'était quoi, hein une semaine de plus hein, donc moi ça m'intéressait pas>>’. Johan "abandonnera" son poste avant la fin du contrat. Car à quoi peut servir une expérience professionnelle si elle ne peut déboucher sur une embauche ? Il vaut mieux alors, ne serait-ce que symboliquement, prendre l'initiative de la rupture et quitter son poste avant le terme prévu, plutôt que de se voir licencier.

Les expériences de travail vécues dans le cadre de contrats temporaires ne sont pas appréhendées dans une logique de "capital", comme c'était le cas pour Makram, Christine, ou Sylvain, mais dans une logique "de période d'essai" qui si elle n'aboutit pas à une embauche est une période perdue, car avec Johan le travail est pensé dans la catégorie de la stabilité.

C'est en suivant cette logique que certains jeunes préfèreront démissionner, plutôt que d'attendre le terme de leur contrat. Se privant ainsi des indemnités de licenciement, d'un salaire, et même des précieuses semaines, voire journées de travail qui permettront de bénéficier des allocations chômage et des dispositifs de formation-reclassement.