4.2.3.3.1. DEMARCHES DE RECHERCHE D’EMPLOI

Poursuivant : ‘<<J'me suis présenté, ils m'ont dit "bon ben là à partir de donc tous les 11 du mois t'auras ta paye avec un mois de décalage (...) et puis dès qu'y aura un changement de planning on t'enverra tout de suite une lettre pour te prévenir comme quoi ça change de planning>>’, il continue la présentation de son recrutement par l'exposé des éléments qui ont retenu son attention, le salaire et les horaires de travail. Une fois encore, le contenu de travail est effacé au profit du cadre formel.

Illustrant et confirmant cette ébauche d'analyse, une relance significative pour moi : ‘<<Vous cherchiez quoi comme emploi ?>>,’ va révéler l'insignifiance pour mon interlocuteur du problème qui lui est par là même posé : ‘<<Ben c'était surtout du magasinage parce que comme j'en avais fait chez Renault ça me plaisait assez bien et puis en fin de compte j'me suis dit ça va aboutir à rien du tout et puis en fin de compte la plupart des gens dès qu'ils envoient la lettre et ben c'est non hein, j'demandais soit magasinier soit gardiennage donc un des deux quoi si l'un est pris ou le deuxième même si les deux étaient pris j'étais plus pour le gardiennage parce que j'en avais fait plus d'un an donc j'savais comment, à quoi m'en tenir que magasinier j'en ai fait très peu quoi>>’. Rechercher un emploi ne signifie pas pour Johan rechercher un poste spécifique. Les expériences professionnelles antérieures constituent un appui et un "vecteur" qui lui permettent d'accéder à l'entreprise.

L'objectif de Johan est de trouver un emploi dans une entreprise, non d'exercer un métier spécifique, il lui faut en conséquence augmenter ses chances en diversifiant ses propositions - ‘<<soit magasinier, soit gardiennage>>’ - alors même que ce type de "stratégies" de recherche d'emploi est fortement déconseillé par tous les professionnels de la recherche d'emploi.

Deux logiques s'opposent. D'un côté, des entreprises qui recherchent des personnes "motivées" pour l'emploi ciblé ou proposé, c'est-à-dire des personnes capables de s'investir dans "cet" emploi et pas dans n'importe quel emploi ; rechercher un emploi ne relève pas du jeu de hasard mais d'un travail de ciblage très pointu de l'emploi visé qui correspond à un objectif de réalisation d'un projet professionnel. De l'autre, des personnes prêtes à accepter n'importe quel emploi car le travail est pensé dans une logique instrumentale ; diversifier les profils de candidature est alors pensé comme la meilleure solution pour atteindre l'objectif visé.

Beaucoup de jeunes rencontreront des difficultés persistantes à trouver un emploi car ils ne parviendront pas à intégrer cette logique de "stratégie" de recherche d'emploi qui correspond à une façon d'appréhender le travail qui n'est pas la leur. Ce sera le cas d'Agnès, de Sandrine A, de Nagette, de Mériem, et de Sofia.

La mobilisation des catégories de "métier" et de "secteur d'activité" est inversement proportionnelle au niveau d'identification. C'est pour nommer "l'activité" qu'il connaît le mieux qu'il va se référer à la catégorie de "secteur d'activité" et pour évoquer celle qu'il maîtrise le moins qu'il se référera à la catégorie de "métier". Ce qui s'inscrit parfaitement dans la logique de son discours qui témoigne d'une pratique d'insertion professionnelle qui se construit autour de "l'activité", plus que du "métier", car c'est bien en termes d'activité qu'il fait l'expérience du monde du travail et pas en termes de métier. Sa vision du monde du travail rejoint en cela tout à fait celle de Christine, Makram, ou Sylvain : plus le discours se rapproche de la réalité du vécu quotidien plus il est fait référence à l'activité ou au boulot, et inversement, plus le discours se situe dans le registre du projet, de l'inaccessible, du rêve, plus il est fait référence au métier.