4.2.3.4.4. DU TRAVAIL AU HORS-TRAVAIL

Le rythme de travail est vécu comme d'autant plus contraignant qu'il s'associe à des conditions d'exercice professionnel difficiles : ‘<<Quand on rentre chez nous on n'a plus envie de rien faire quoi j'vois j'rentre la voiture c'est fini j'bouge plus parce que rester debout toute la journée>>’ . Poursuivant : ‘<<Ben j'fais pas grand chose du tout parce que bon avant j'faisais beaucoup de sport j'ai tout arrêté parce que j'étais pas là avant j'étais à Vienne donc où j'suis né donc bon c'était différent j'faisais beaucoup de sport que là à Lyon j'connais presque personne à part les deux personnes de St Priest. Là bon, ça fait huit ans que j'suis sur Feyzin, mais bon c'est toujours pareil j'sors pas trop j'suis pas très sorties, bon là où j'sors vraiment beaucoup ben parce que j'ai une grande envie c'est le football c'est-à-dire j'vais à tous les matchs à domicile donc bon ça m'occupe mais j'veux dire autrement ni boite ni machin comme ça>>.’ Déraciné de son environnement à l'adolescence, même si c'est seulement de quelques kilomètres, Johan n'a pas pu recréer un environnement amical, et sa <<grande envie, le football>> ne constitue au mieux qu'une occupation.

Ainsi, en déplaçant notre regard de l'espace du travail à celui du hors-travail, Johan nous permet d'éclairer autrement un système de valeurs associées au travail encore chargé de zones d'ombres.

Le rythme de travail c'est aussi le rythme hors travail. Comment la vie peut-elle, ou non, s'organiser autour du travail ? C'est une des questions que pose implicitement la rengaine quasi obsessionnelle de Johan. Comment organiser le temps "libre", même s'il n'est la plupart du temps que libre de ne rien faire, quand l'espace-temps contraint du travail est contraint par l'incertitude quotidienne ? Comment s'organiser dans l'inorganisation ? Ou plus encore, comment trouver des repères entre travail et hors travail quand les conditions de travail nécessitent une disponibilité potentielle de chaque instant ? Comment dès lors se tirer d'une situation qui n'est pas des moins paradoxale : trouver un emploi avec des horaires permettant de planifier le temps hors travail afin de pouvoir peut-être recréer un environnement social, qui, puisque inexistant, permet justement d'accepter un tel emploi qui risque de l'enfermer davantage sur lui-même ?