4.2.3.5.2. ANTIPATHIE CONTRE CORDIALITE

Le discours de Johan sur la présentation de son environnement professionnel va prendre toute sa cohérence dans les propos suivants : ‘<<(...) Et puis autrement des p'tites engueulades, des p'tits accrochages, et puis on essaie d'y résoudre, mais c'est pas si simple que ça et puis notre directeur ça fait à peine cinq mois qu'il est à la raffinerie donc avant il devait faire sûrement autrement mais il a pas l'habitude quoi, la personne d'avant est partie en retraite, que la personne d'avant on lui aurait parlé y aurait pas eu de problèmes c'était un monsieur qui était très connu en plus (...) c'est un autre qui l'a remplacé, c'est le genre de personne qui vous répond au téléphone le matin il vous passe la personne et ça s'arrête là, il nous parlera jamais pour nous dire "qu'est-ce qu'y a, pourquoi vous appelez ?", il s'en fiche (...) ça à rien à voir avant c'était plus on pouvait parler que là si on parle c'est comme si on leur coupait la main (...) ils ont jamais le temps, y a plein de truc à faire>>.’ C'est le mode de gestion des relations de travail qui, mis en question, vient organiser la problématique de l'environnement professionnel de Johan. Au temps mythique de la convivialité, qui laissait place au temps et aux relations, s'est substitué un temps impersonnel marqué par l'anonymat et les cadences. C'est ce nouveau mode de gestion des relations professionnelles qui génère des conflits et participe à la construction d'identités professionnelles fondées, non sur la cordialité, mais sur l'antipathie - ‘<<le gardien il doit gueuler, (...) il doit se mettre en colère>>.’

La vision du monde du travail de Johan s'affine progressivement et met en évidence en quoi elle pourrait se révéler incompatible avec le milieu professionnel dans lequel il tente de s'intégrer. Car à la difficulté de s'adapter à un rythme de travail qui ne lui convient pas, de par l'irrégularité des horaires et l'impersonnalité des relations que les cadences imposent, s'ajoute la difficulté d'incorporer un ethos professionnel qui voudrait faire de lui un homme antipathique alors qu'il est la figure même de l'homme cordial.