Université Louis Lumière - Lyon II
THÈSE
pour obtenir le grade de docteur de l’université Lumière Lyon 2
LA PRODUCTION DES CÉRAMIQUES À PAROI FINE À LYON,
LES CÉRAMIQUES ATTRIBUÉES OU APPARENTÉES À L’ATELIER DE LA BUTTE
(typologie, chronologie et diffusion)
Sous la direction d’Armand DESBAT,
Directeur de recherche au CNRS UPR 7524
Jury

M. Armand DESBAT
Mme Eleny SCHINDLER-KAUDELKA, musées de Kärnten
M. Daniel PAUNIER, université de Lausanne
M. André PELLETIER, université Lyon II
M. Lucien RIVET, chargé de recherche au CNRS
23 05 2000

À mes parents
À Virginie

Avant-propos

Le fleuve qui est dans l’estuaire ne montre plus rien de la ténuité de la source. Sauver la source, tel est mon délire. Sauver la source du fleuve lui-même que la source engendre et que le fleuve engloutit à force de l’accroître. On fouille Troie et on pèle un oignon infini. Les grandes cités des temps anciens ne sont pas retournées à l’état des forêts qu’elles avaient défrichées. Elles n’y retourneront pas. Les civilisations laissent place dans le meilleur des cas à des ruines. Dans le pire, à des déserts irréversibles. Je fais partie de ce que j’ai perdu.

(Pascal Quignard, La haine de la musique)

En l’espace de quelques années, de 1965 à 1967, l’archéologie lyonnaise s’est trouvée un patrimoine archéologique considérable avec la découverte des ateliers de potiers antiques des bords de Saône ou du plateau de la Sarra. À chaque reprise, c’est l’attention d’un amateur d’archéologie qui a permis d’éviter la destruction totale et définitive des vestiges apparus, ou même de réunir la seule documentation dont nous disposons. Les institutions archéologiques n’étaient de toute évidence pas préparées à gérer de telles situations d’urgences.

La découverte simultanée des ateliers antiques des bords de Saône a jeté soudainement la lumière sur un quartier artisanal beaucoup plus important qu’on ne pouvait le supposer jusqu’alors. Les fours et les vestiges de production mis au jour rue de la Muette, à la Manutention militaire et place de la Butte n’ont livré que des témoins de structures dont l’ampleur dépassait le simple approvisionnement du marché local.

Les ateliers de Loyasse, du plateau de la Sarra, d’autres sites moins documentés à Trion ou dans la presqu’île, auxquels il faudra ajouter des ateliers dont l’activité ne peut être encore que pressentie, illustrent la diversité, la qualité et la large diffusion des céramiques lyonnaises de table et de transport. Ces unités de productions ne semblent pas pouvoir être comparées avec d’autres ensembles artisanaux connus en zone urbaine. Amphores, céramiques à pâte claire, céramiques culinaires, sigillées et imitations, lampes, paroi fine, des premières années de la colonie et principalement durant le Haut-Empire, toutes les catégories de vaisselles céramiques ont été produites à un moment donné à Lyon. L’étude de la céramique fine, des marques de potiers à l’analyse chimique des argiles, a démontré le statut commercial de filiales des ateliers italiques notamment pour les sites de la Muette et de Loyasse, leur place déterminante dans l’organisation de l’approvisionnement du limes rhénan, ainsi que leur rôle dans la romanisation de l’ensemble des processus de fabrication et des chaînes opératoires.

Le volume de matériel qui a alors été recueilli tant bien que mal n’a pu être analysé que sur un long terme nécessaire à la détermination des objectifs et l’élaboration d’une méthodologie adaptée. L’étude de découvertes importantes pose souvent de réelles difficultés qui en repoussent l’achèvement. La publication récente des ateliers lyonnais, trente ans après leur mise au jour, a mis un terme provisoire aux travaux qui leur étaient consacrés. La présence d’importants dépotoirs dans les ateliers de Loyasse et de la Muette a nécessité un recensement exhaustif des formes et des décors dont l’achèvement constitue une précieuse base de données. Dans leur ensemble les ateliers augustéens, fer de lance de cette recherche, disposent désormais d’une étude de référence1.

La part des ateliers du ier siècle dans le tableau nouvellement établi des productions lyonnaises est moindre2. Il est vrai qu’aucun dépotoir important n’a été retrouvé et que le matériel d’atelier est moins abondant. Toutefois, les ateliers augustéens étaient prioritaires et leur traitement a été privilégié. Le premier siècle annonce d’autre part clairement le déclin des ateliers de céramique lyonnais, la production de sigillée s’interrompt avec les ateliers augustéens, et la plupart des nouveaux ateliers paraissent avoir une production limitée au marché local ou régional.

En pleine activité au coeur du ier siècle, l’atelier de la Butte échappe pourtant à cette règle : sa production, sophistiquée, soigneusement élaborée, a été distribuée le long des grands axes qu’avaient déjà empruntés les vases de la Muette. L’atelier a probablement joué un rôle comparable à celui de ses prédécesseurs augustéens.

L’essentiel de la recherche sur cet atelier restait cependant à accomplir : examen des données sur les vestiges, étude exhaustive du matériel du site de production, révision et extension du corpus de matériel retrouvé en contexte stratigraphique, établissement et analyse de la typologie. Tous les travaux qui avaient abordé l’atelier de la Butte étaient incomplets et ne pouvaient satisfaire à l’attente de plus en plus pressante de nombreux chercheurs qui appellent de leurs voeux l’outil qui leur fait défaut.

Jusqu’à une date très récente, toutes les céramiques à paroi fine lyonnaise du ier siècle apr. J.-C. étaient attribuées au seul atelier de la Butte. L’existence d’autres ateliers était envisagée, mais cette réflexion ne reposait que sur de maigres éléments nés de l’analyse du matériel. La mise au jour, au mois de décembre 1999, dans des conditions surprenantes, de l’atelier de la rue Chapeau rouge à Vaise, sur la rive opposée de la Saône, est venue confirmer cette hypothèse. La céramique à paroi fine produite dans ce nouvel atelier présente des caractéristiques techniques identiques à celle de l’atelier de la Butte et un répertoire typologique comparable. La qualité des structures qui sont conservées et l’abondance du matériel qui a été découvert ouvrent de nouvelles voies de recherches sur les ateliers antiques de Lyon. Malheureusement, la fouille n’est pas achevée et le traitement du matériel n’est pas encore programmé, la céramique à paroi fine de Chapeau Rouge ne pouvait donc pas être abordée ici.

La notoriété d’une production de céramique dépend de sa distribution géographique, la présence de la céramique à paroi fine lyonnaise sur de nombreux sites français et européens accroît l’intérêt des archéologues pour cette production insuffisamment étudiée. Une nouvelle étude prenant en compte l’éventail des sources disponibles se devait de voir le jour.

A. Desbat a accepté la direction de cette recherche, je lui dois l’essentiel de ma formation à la céramologie antique acquise au laboratoire de céramologie de Lyon (cnrs upr 7524) dont le précédent directeur, M. Picon, et l’ensemble du personnel m’ont réservé le meilleur accueil.

Malgré les mauvais souvenirs que lui ont laissé ses contacts avec les archéologues par le passé, A. Grange m’a confié sans réserve la totalité de sa documentation et le matériel qui demeuraient en sa possession, je lui exprime ici ma gratitude. De précieuses photographies de cette époque m’ont été confiées par R. Perraud.

Je remercie vivement les conservateurs et personnels des musées qui m’ont ouvert leurs réserves : J. Lasfargues (musée de la civilisation gallo-romaine de Lyon), R. Lauxerois (musée des Beaux-Arts de Vienne), F. Leyge (musée archéologique de Saint-Romain-en-Gal), S. Blazy et A. Bourdillon pour la consultation du fonds iconographique du Musée historique de Lyon.

Les responsables de fouilles de l’agglomération lyonnaise et de Vienne m’ont autorisé et aimablement encouragé à examiner leur matériel céramique : A. Desbat pour la fouille de la rue des Farges ; B. Mandy, E. Delaval, M. Genin pour la fouille du Verbe Incarné ; G. Ayala pour la fouille de la rue Chambonnet et de la rue Marietton ; Chr. Becker pour les sondages du kiosque de la place Bellecour ; J.-P. Lascoux pour les interventions du quartier St-Vincent ; A. Le Bot-Helly, B. Helly, C. Godard pour la boutique de la rue de Bourgogne à Vienne ; O. Leblanc pour le site de Saint-Romain-en-Gal et R. Lauxerois pour les sites viennois (Jardin de Cybèle, rue des Colonnes). Je leur en sais gré.

Cette recherche a bénéficié de l’Allocation de Formation et de Recherche (Bourse du Patrimoine) du ministère de la Culture pour l’année 1998-1999, je suis reconnaissant à monsieur J.-P. Daugas, directeur du Service Régional de l’Archéologie, d’avoir bien voulu soutenir mon dossier.

Que ce soit pour leur conseils ou leur accueil je remercie aussi Ph. Bet, P.-Y. Lambert, Th. Luginbühl, S. Martin-Kilcher. Pour leurs conseils, leur soutien et leur amitié, V. Durand, S. Elaigne.

Notes
1.

Desbat (A.) et alii, « Les productions des ateliers de potiers antiques de Lyon. 1ère partie : Les ateliers précoces », Gallia, 53, 1996, p.1-249.

2.

Desbat (A.) et alii, « Les productions des ateliers de potiers antiques de Lyon. 2e partie : Les ateliers du ier s. après J.-C. », Gallia, 54, 1997, p.1-117.