Les travaux qui ont entraîné en février 1966 la découverte de l’atelier de la Muette ont mis au jour les structures de production les plus importantes des ateliers de potiers antiques de Lyon110 . La construction d’un immeuble d’habitation avait rendu nécessaire le décapage d’une surface de 5000 m² sur le quai de Serin à l’est de la rue de la Muette. Mais au moment de l’intervention des archéologues, le site était déjà très endommagé par les travaux de terrassement.
Il n’y a pas eu de véritable programme de fouilles, pas de durée déterminée pour l’étude du site, et ce n’est qu’à la faveur des négociations avec les promoteurs que les observations archéologiques ont pu être faites pendant trois mois d’hiver. L’équipe de bénévoles n’a guère pu faire mieux que parer au plus pressé, récupérer le plus précieux sur les surfaces de terrain laissées en attente : rien de commun - dans la méthode - avec une fouille de sauvetage actuelle. Outre ces conditions plus que défavorables, les auteurs du rapport de fouille avouent aujourd’hui bien volontiers leur inexpérience et l’insuffisance de leur formation archéologique au moment de la découverte211 .
En conséquence, de nombreuses structures n’ont pas été relevées et aucun examen stratigraphique global n’a pu être envisagé. Pour toutes ces raisons le plan de fouille est resté largement lacunaire (fig. 4) et trahit plus un « papillonnage » archéologique au gré des dégagements qu’une étude systématique312 .
Bien qu’ils soient mal identifiés (seules les fondations étaient conservées), plusieurs ensembles de structures sont décrits. Avant tout, un groupe de constructions situées dans la zone nord-ouest - les murs dégagés a, b, c, d, e, f - paraissait manifestement antérieur à l’occupation augustéenne de l’atelier. L’hypothèse d’établissements portuaires plutôt que celle d’un habitat soumis aux inondations de la rivière prévalait. On ne peut toujours pas aujourd’hui se prononcer avec précision sur leur vocation et leur datation113 .
À l’opposé, dans l’angle sud-est de la fouille, des murs plus puissants pouvaient marquer l’emplacement du quai antique. Au centre, du terrain un grand bassin garni d’enduit de tuileau était pourvu de niches sur le côté ouest. Dans la paroi orientale, des amphores à fond plat étaient scellées dans le béton, le col ouvert vers l’intérieur du bassin. Ces dispositions rappellent celles d’un vivier à poissons et pouvaient être intégrées dans une demeure privée. Le bassin et le mur g sont postérieurs à l’atelier augustéen.
Six fours ont été repérés, mais seulement deux d’entre eux ont été fouillés et dessinés. Certains étaient parfaitement insérés parmi les fondations de la zone nord-ouest sans en être contemporains. Ceux qui ont été datés appartiennent tous à la phase la plus tardive de l’occupation, soit à la fin du ier siècle apr. J.-C. Les deux fours étudiés sont comparables : leur alandier était protégé par une petite cour cernée de murets, la sole de plan carré reposait sur des arcades (deux ou trois), le foyer était concentré dans une tranchée axiale.
Aucune structure de cuisson datée de l’époque augustéenne n’est conservée. Seule une fosse rectangulaire bordée de tuiles est rattachée à cette phase par la stratigraphie. Probablement utilisée pour une étape de la préparation de l’argile, comme le pourrissement de la terre, son usage précis n’est pas déterminé.
Si l’atelier augustéen lui-même fait défaut, sa production est bien documentée grâce à d’importants dépotoirs apparus sur le site. Quatre dépotoirs ont été partiellement curés dans l’angle nord-est de la fouille. Deux dépotoirs tangents (Gobelets i et ii) sont apparus dans la paroi est du chantier. Alors que dans le premier (Gobelet i) le matériel était peu fragmenté, la céramique du deuxième dépotoir (Gobelet ii) au sud, avait été vraisemblablement concassée pour en réduire le volume. Elle formait une véritable veine de tessons céramiques presque dépourvue de sédiment. Le gisement a été suivi en sape jusque sous la rue de la Muette, l’extraction a réuni une tonne de matériel : une grande majorité de céramique à paroi fine lisse, des gobelets d’aco, mais encore de la sigillée, une lampe et des éléments de fours.
Plus au sud, un troisième dépotoir rassemblait un groupe important de céramique sigillée. Le dernier dépôt de cette zone disparaissait dans la paroi nord en limite de fouille. Seule une poignée de tessons a pu en être retirée, elle a néanmoins permis la découverte d’un fragment de moule signé originaire d’Arezzo.
Comblées avec des rebuts de fabrication, ces fosses avaient sans doute été creusées dans l’argile alluvionnaire pour en extraire la matière première.
D’autres dépotoirs ont été mis au jour par ailleurs sur le chantier. Le dépotoir B, au sud de la fosse bordée de tuiles, était constitué exclusivement de céramique sigillée avec, en particulier, une forte concentration de vases signés t. malius. fortunatus. Plus important, le dépotoir C recouvrait plus au nord le mur e. C’est à nouveau une tonne de matériel qui était dispersée sur une trentaine de centimètres d’épaisseur dans une zone perturbée par l’aménagement du four F2. Ce dernier épandage a fourni le plus gros ensemble de céramique sigillée du service i, des gobelets cylindriques et des débris de fours assez importants.
Un nouveau sondage ouvert en 1975 rue de la Muette a permis de compléter les informations recueillies en 1966. Les observations faites alors ont montré que les dépotoirs Gobelets i et ii ne formaient qu’un seul ensemble dans lequel était venu s’installer un nouveau four de petite dimension. Cette nouvelle intervention a d’autre part entraîné la découverte d’un nouveau grand dépotoir qui a pu être fouillé en extension.
1. Il s’agit déjà d’une découverte signalée par A. Grange, archéologue amateur, au début du mois de février 1966.
2. Desbat (A.) et alii, « Les productions des ateliers de potiers antiques de Lyon. 1ère partie : Les ateliers précoces », Gallia, 53, 1996, p.7-8.
3. Lasfargues (J.), Vertet (H.), « L'atelier de potiers augustéen de la Muette à Lyon, sauvetage de 1966 », Notes d'Epigraphie et d'Archéologie Lyonnaise, Lyon, 1976, p. 61-80.
1. Desbat (A.) et alii, « Les productions des ateliers de potiers antiques de Lyon. 1ère partie : Les ateliers précoces », Gallia, 53, 1996, p. 40.