La découverte d'éléments matériels mettant en évidence la production de céramique antique dans le secteur de la place de la Butte remonte au milieu du xixe siècle. Ce sont les résidus de la production des lampes à huile qui ont plus particulièrement attiré l'attention des historiens. Ainsi, dans son inventaire des antiquités du Palais-des-Arts de la ville de Lyon, A. Comarmond122 indique à propos d'une lampe signée strobili :
‘“ Elle a été trouvée avec les suivantes quai de Serin, à Lyon, en 1842, dans la propriété de M. Morel, fondeur de cloches, en faisant les fondations d'un mur. Déjà, dans cet endroit, on a fait de nombreuses découvertes, surtout en sujets érotiques ; on y a même découvert les ruines d'un four de potier ainsi que des vases de formes variées, des outils s'appliquant à la céramique223 .”’À cette époque le quai de Serin (autrefois quai d'Halincourt) sur la rive gauche de la Saône passait encore devant le grenier d'abondance et rejoignait le quai Ste-Marie-des-Chaînes au niveau de la place de la Butte. La propriété de Gédéon Morel, fondeur de cloches était située : “ quai Ste-Marie-des-Chaînes, montée de la Butte324 ”. Toujours au lieu dit de la Butte, A. Comarmond évoque la découverte de colifichets :
‘“ Pièce en argile rouge, de fabrique romaine, d'un travail commun ; elle représente une espèce de rondelle renflée, ressemblant aux couronnes que nos boulangers placent sur leur tête pour porter les pains au domicile de leurs clients. On ne peut guère élever de doute sur sa destination ; trouvé avec les suivants dans les ruines d'un four de potier, cet ustensile servait à maintenir en équilibre les vases dont la base conique ou arrondie les empêchait d'être placés dans le four d'une manière solide et dans une position convenable. Il est d'une bonne conservation. Ce support en argile et plusieurs autres antiquités ont été découvertes en 1840, à Lyon, au lieu dit de la Butte, en creusant les fondations d'une maison.Dans les deux citations il est fait explicitement allusion aux ruines d'un four de potier, en tous cas à des structures bâties suffisamment bien conservées pour être identifiable, mais aussi à des objets liés à la fabrication de céramiques. A. Comarmond est intéressé en premier lieu par les lampes, mais il signale pourtant la présence de “ vases de formes variées ” dont il ne donne aucune description.
La localisation de ces découvertes faites en 1840 et 1842 n'est pas très précise, néanmoins dans les deux cas elles doivent être situées en aval du fort St-Jean, et nécessairement au-delà du Grenier d'abondance qui occupe la berge entre le fort et la place de la Butte (le Grenier d'abondance a été bâti sur le site historique de la Butte226 de 1722 à 1728).
On peut dès lors se demander si A. Steyert327 qui mentionne les indices de l'existence d'un atelier du potier Strobilius en amont du fort St-Jean fait référence au matériel publié par A. Comarmond :
‘“ On a rencontré seulement, au-delà de la Manutention militaire, des grands bronzes de Néron à fleur de coin, et d'autres indices de l'existence d'un atelier monétaire ; et plus loin encore, au nord du fort St-Jean, des monnaies gauloises de divers peuples et un de ces nombreux ateliers de céramique qui abondaient à Lyon. Celui-ci appartenait à un nommé Strobilius et était situé sur l'emplacement du quai de Serin, n° 9, actuellement dépendant de l'usine Gillet128 .Comme A. Comarmond, A. Steyert parle d'une production de céramique en terre blanche, mais l'adresse précise et cohérente qu'il donne nous éloigne de la place de la Butte. Il est bien difficile de comprendre comment A. Steyert a pu donner une adresse réelle en amont du fort St-Jean (9, quai de Serin) à une découverte antérieure mal localisée en aval du fort, à moins que A. Steyert ait fait un lien entre les céramiques décrites par A. Comarmond et la mise au jour d'un autre four de potier près des usines Gilet. Bien des éléments font donc défaut pour démontrer que A. Steyert a détenu la preuve de l'extension des ateliers de potiers antiques en amont du fort St-Jean.
Les deux auteurs lyonnais ne donnent aucune information pouvant suggérer la production de céramique à paroi fine sur les quais de Saône, et l'atelier de la Muette, plus à l'est, ne semble pas avoir été repéré. La céramique à paroi fine de la Butte n'est donc pas encore identifiée. On peut cependant la reconnaître sans réserve dans la description de tessons issus des fouilles de Trion : ‘“ n° 1595, -Petite coupe à panse ornée d'imbrications de feuilles.- Argile jaunâtre à couverte brune.-Hauteur : 0,047 ; diamètre : 0,009130. ”’
Les publications du xixe siècle nous renseignent peu sur la production de la céramique à paroi fine. Elles attestent cependant l'existence de ruines de fours de potiers qui ont incontestablement été utilisés pour la production de lampes à huile et d'autres céramiques. Aucun vestige aussi clairement identifiable n'a été mis au jour depuis dans le secteur de la place de la Butte, et jusqu'en 1965, il n'y aura pas de nouvelle découverte sur cet atelier.
1. Comarmond (A.), Description des antiquités et objets d'art contenus dans les salles du palais-des-arts de la ville de Lyon, Lyon, 1855-1857.
2. Id. p. 92, no 542.
3. Indicateur par ordre alphabétique des habitans de la ville de Lyon et de ses faubourgs, Lyon, 1835, p. 77. Installée en 1833 montée de la Butte (Vallier (G.), Inscriptions campanaires du département de l’Isère, Montbéliard, 1886, p. 566), la fonderie de G. Morel déménage quelques années plus tard au 33 de la rue Lafayette où son atelier est signalé dans l’Annuaire du département du Rhône de 1858 à 1867. En 1869, Oronce Reynaud reprend la fonderie à la même adresse. Les cloches les plus remarquables de son activité sont recencées dans BerthelÉ (J.), Enquêtes campanaires, Montpellier, 1905, p. 505-507, 535 : le bourdon de Notre-Dame de la Garde à Marseille (1845), le bourdon du dôme de l’Hôtel de Ville de Saint-Etienne (1860), les cloches de l’église Saint-Louis de Lyon (1862-1863) et celles de la Cathédrale Saint-Bénigne de Dijon (1863).
1. Comarmond 1855-1857, p. 112, no 644.
2. La Butte (de “ donner dans le but ”, la cible) désignait le tertre naturel ou artificiel qui servait de cible ou auquel celle-ci (“ le blanc ”) était adossée, mais aussi “ la maison où tirent les Chevaliers de l’Arquebuse ”. Celle de Lyon fut inaugurée en 1670 par les compagnies d’arquebusiers de Lyon. Citations extraites du Dictionnaire universel françois et latin (dictionnaire de Trévoux), dirigé par E. Ganeau pour le compte du prince souverain des Dombes, 2e édition, Trévoux, 1721, col. 1061, 1294, 1296.
3. Steyert (A.), Nouvelle Histoire de Lyon et des provinces de lyonnais - Forez - Beaujolais, Lyon, 1895.
1. Steyert (A.), Nouvelle Histoire de Lyon et des provinces de lyonnais - Forez - Beaujolais, Lyon, 1895, p. 282.
2. Id. p. 329.
1. Allmer (A.), Dissard (P.), Trion. Antiquités découvertes en 1885, 1886 et antérieurement au quartier de Lyon dit de Trion, Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Lyon, Lyon, 1887-1888, p. 529.