2.1.2.2. Le matériel céramique

Pendant les travaux A. Grange a pu réunir deux ensembles de céramiques. Le premier est constitué des tessons ramassés place de la Butte, dans la fosse centrale. Bien qu’il soit divisé en petits lots sans origine précise, le matériel provient essentiellement des couches qui coiffaient les cuves. Il est très fragmentaire et assez érodé, son volume (631 tessons) se réduit à 86 vases en nombre minimal d’individus (pl. 20-27) et certaines lèvres demeurent difficilement interprétables.

La répartition des formes (fig. 26) montre un équilibre parfait entre les pots ovoïdes et l’ensemble des bols. Les gobelets sont largement minoritaires. Parmi les quatre principales formes de bols, le bol à lèvre en bandeau lisse est le plus abondant, puis vient le bol à lèvre en bandeau mouluré, les deux autres types sont moins bien représentés.

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Figure. 26 - Place de la Butte : répartition de la céramique à paroi fine par formes.

Une forme de gobelet inédite est représentée par un tesson provenant de ce lot, malgré une décoration à la molette sa lèvre concave évoque les gobelets républicains (pl. 22, no 13).

Le classement des tessons par type de décor (fig. 27) répond logiquement à celui des formes. Les tessons lisses illustrent la présence des bols à lèvre en bandeau brisé, des coupes tripodes, des couvercles et une partie des pots ovoïdes. Le sablage quant à lui concerne la plupart des pots ovoïdes et une bonne partie des bols. La séparation de ces tessons au regard du traitement de la surface interne (sablée/non sablée) montre que la plus grande partie des tessons sablés ont une surface interne lisse, c’est une caractéristique des formes fermées (pots ovoïdes) qui par leurs dimensions ont d’autre part généré plus de tessons.

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Figure. 27 - Place de la Butte : répartition de la céramique à paroi fine par décors.

Les ornements réalisés à la barbotine apparaissent presque exclusivement sur les bols à lèvre en bandeau lisse dont la paroi interne est le plus souvent sablée. Le décor d’écailles est, dans cette catégorie, le plus courant devant les appliques grenelées. La faible proportion des tessons guillochés à face interne sablée laisse penser que ce traitement de surface était plutôt réservé aux formes fermées ou à des formes plus spécifiques (gobelets ovoïdes).

Pour compléter ses investigations, A. Grange a profité des travaux pour ouvrir au mois d’août 1966 un ‘“ puits de sondage de 165 cm de profondeur et 130 cm de diamètre ”’ sur le bas-port dont provient un deuxième ensemble de céramique (pl. 28-33). Le quai éventré mettait effectivement au jour des couches livrant du matériel (fig. 28).

Une stratigraphie de 13 couches a été relevée sur un croquis sommaire et schématique (fig. 29), mais de toute évidence, la séparation du matériel n’a pas été parfaitement rigoureuse. La plus grande partie du mobilier était rassemblée dans une couche plus épaisse qualifiée de “ terminale ”. Les autres strates ont livré trop peu de céramique pour montrer une éventuelle évolution parmi la composition du matériel, quelques collages entre des tessons de plusieurs couches ajoutent à la confusion.

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Figure. 28 - Le bas-port du quai St-Vincent éventré par les conduites, vu de l’est, sur la droite la stratigraphie de remblais étudiée par A. Grange.
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Figure. 29 - Schéma stratigraphique du sondage dans le bas-port du quai St-Vincent.

Après le cumul de l’ensemble du matériel provenant du quai (691 tessons, 141 vases), la comparaison avec les céramiques ramassées place de la Butte amène des conclusions comparables (fig. 30). L’équilibre entre les bols et les pots ainsi que l’ordre de fréquence des bols est confirmé. Sur le quai, la domination des bols à lèvre en bandeau lisse est plus marquée et la fréquence des gobelets ovoïdes est triplée. Les bols à lèvre simple ou en bandeau brisé sont plus représentés.

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Figure. 30 - Quai St-Vincent : répartition de la céramique à paroi fine par formes. En blanc le cumul de toutes les couches, en tramé le matériel de la couche terminale (couche no 3.)

L’examen des tessons montre la même répartition des décors avec un classement inchangé : sablage, écailles, guillochis, appliques, crépi. Cependant, les décors guillochés et d‘écailles sont relativement plus nombreux (fig. 31).

Exposer des remarques de détails plus fines et développer des comparaisons plus précises entre ce matériel et celui de la fosse centrale serait imprudent tant les méthodes de prélèvement de la céramique sur la place, comme sur le quai, sont inadaptées à des études statistiques satisfaisantes. C’est plutôt donc à titre de complément qu’il faut ajouter ce matériel au lot précédent.

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Figure. 31 - Quai St-Vincent : répartition de la céramique à paroi fine par décors. En tramé les tessons dont la face interne est sablée.

Quelques tessons associés à la céramique à paroi fine permettent de proposer une chronologie pour l’ensemble du matériel mis au jour. La céramique sigillée et quelques marques de potiers sont caractéristiques de l’horizon Claude-Néron. De même, comparée au matériel des sites de consommation, la céramique à paroi fine de la place de la Butte ne présente pas un faciès précoce, et certaines formes appartiennent plus particulièrement à la deuxième moitié du ier siècle apr. J.-C.

L’étude des lampes apporte d’autres arguments significatifs pour la datation de ces dépôts. La faible représentation du type tibérien Butte I semble indiquer qu’il est ici résiduel. En outre, l’apparition en faible nombre des lampes de firme montre que la production ce type n’a pas encore atteint son plein développement. Le lot de lampes a été daté entre 50 et 85133 .

La place de la Butte a livré de manière incontestable des niveaux antiques en place, et des vestiges importants d’un établissement artisanal. Toutefois, les conditions de la découverte de ces structures, et l’absence d’étude stratigraphique fiable laissent incertaine leur interprétation. L’évidence d’une production de céramique à cet emplacement de la rive de la Saône est de toute façon attestée par la présence de nombreux tessons de lampes et de paroi fine dont certains sont manifestement des ratés de cuisson (fig. 33-34), mais aussi par la présence déterminante d’éléments d’enfournement234 (fig. 32).

Dans l’ensemble le matériel issu du ramassage sur le site présumé de fabrication peut apparaître décevant. Dans bien des cas, et même pour des sites très partiellement connus (comme l’atelier de Loyasse), le matériel de l’atelier devient la source majeure de référence. Il est vrai que la céramique de la Butte est très fragmentaire, peu abondante (au total 1322 tessons de céramique à paroi fine) et qu’il n’a pas été mis au jour de véritable dépotoir comparable à ceux découverts à la Muette ou dans le cimetière de Loyasse335 . S’en tenir donc pour cet atelier aux types retrouvés sur le site de production serait trop limitatif. Cependant, ces céramiques constituent un corpus minimal des productions de l’atelier de la Butte, et il faudra demeurer vigilant sur l’attribution à l’atelier de formes qui n’y sont pas représentées matériellement. L’étude de l’atelier de Chapeau Rouge pourrait donner à ces vases une origine qui n’avait pas été envisagée. Ce matériel réuni au cours de modestes ramassages forme ainsi un corpus précieux pour la typologie comme pour les caractéristiques technologiques et la composition chimique de cette production. Malgré son faible volume, il permet toutefois une première approche de la fréquence des formes et des décors. Enfin, certains types et ornements sont encore inédits et ne sont pas attestés sur les sites de consommation qui ont été examinés.

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Figure. 32 - Pièces d’enfournement : pernette et colifichet, place de la Butte.
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Figure. 33 - Place de la Butte. Tesson fondu de gobelet guilloché.
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Figure. 34 - Place de la Butte. Tesson guilloché fondu.

Notes
33.

1. Élaigne (S.) dans “ Les productions des ateliers de potiers antiques de Lyon. 2e partie : les ateliers du ier s. après J.-C. ”, Gallia, 54, 1997, p. 29.

34.

2. Comarmond (A.), Description des antiquités et objets d'art contenus dans les salles du palais-des-arts de la ville de Lyon, Lyon, 1855-1857, p. 112.

35.

3. Desbat (A.) et alii, “ Les productions des ateliers de potiers antiques de Lyon. 1ère partie : Les ateliers précoces ”, Gallia, 53, 1996, p.19-241.