La détermination de la provenance des productions préaugustéennes et augustéennes pose encore bien des problèmes. La méconnaissance des centres de production, le répertoire typologique limité et uniformisé autant que l’usage de pâtes siliceuses difficiles à distinguer ne facilite pas le tri de ce matériel. À l’inverse, au ier siècle apr. J.-C., l’adoption généralisée d’argiles calcaires avec un engobage systématique, la diversification de l’ornement réalisé à la barbotine et la grande variété des types et variantes élaborés ont multiplié les critères d’identification.
Visuellement, la céramique à paroi fine de la Butte est assez caractéristique. La pâte est le plus souvent jaune pâle (une température trop élevée à la cuisson a pu la rendre légèrement verdâtre), plus rarement elle a une teinte rose-orangée. La pâte et l’engobe sont couramment altérés par la nature du sol : l’engobe fragilisé disparaît, la pâte devient crayeuse et les cassures s’érodent rapidement.
Il est bien difficile de définir la couleur recherchée pour l’engobe, les nuances les plus fréquentes tournent autour du brun-vert ou du brun-roux dont les nuances peuvent être mordorées. La teinte vire parfois vers des couleurs plus sombres. Le résultat n’est pas toujours uniforme sur un même vase, et rarement identique d’un vase à l’autre. Le matériel de la boutique de Vienne aurait pu fournir un bon échantillonnage si le dépôt n’avait pas brûlé. Les vases sont assez sombre avec toujours une nuance verdâtre ou rousse. L’effet de la combustion a donné à la pâte une teinte blanchâtre ou grise. Toutefois, cette altération est réversible, la cuisson de certains échantillons a été renouvelée en atmosphère oxydante avec pour résultat un retour de la teinte jaune de la pâte, et un éclaircissement de l’engobe.
Pour l’essentiel de la production, l’engobe présente souvent une légère brillance, certains vases peuvent même laisser apparaître sur une partie de leur surface des reflets métallescents. L’engobe est suffisamment épais, adhérent quand les conditions d’enfouissement sont favorables à sa conservation, il recouvre toujours la totalité du vase (exception faite de l’intérieur de la cruche à bec tréflé, type 15). Certains vases ont gardé sur leur panse des différences de couleurs ayant fossilisé l’atmosphère du laboratoire du four. La partie basse, emboîtée par empilement dans le vase inférieur, est restée rouge tandis que la partie supérieure a atteint la couleur voulue. L’aspect de ces tessons pourrait laisser penser qu’il y a eu une intention des potiers d’utiliser ou de manipuler l’atmosphère du laboratoire.
À partir du milieu du ier siècle apr. J.-C., l’atelier développe un répertoire typologique lisse. Pour ces nouvelles formes (types 18 - 31) qui coexistent avec le répertoire habituel, l’engobe devient moins couvrant, plus mat, et surtout sa couleur devient systématiquement orangée. L’obtention de ce résultat n’a pas forcément nécessité un changement sensible des modalités de cuisson, la composition chimique de l’engobe, apparemment plus poreux, peut être le seul facteur de cette modification.
Les risques de confusion avec d’autres productions sont limités. En règle générale, les importations de céramiques à paroi fine à Lyon sont très faibles et souvent identifiables. Statistiquement un vase répondant aux critères exposés pour l’atelier de la Butte à toutes les chances d’en provenir. Les seules importations italiques contemporaines qui ont été identifiées sont des vases à paroi très fine à pâte siliceuse grésée sombre diffusées à l’époque flavienne. Les autres productions padanes ne semblent pas être parvenues jusqu’à Lyon, elles sont aisément reconnaissables à leur pâte (moins fine et orangée), à leur typologie et la réalisation des décors. Les productions du centre de la Gaule sont typologiquement et techniquement bien caractérisées169 , comme les productions du sud de la Gaule dont on ne connaît à Lyon que quelques tessons de vases moulés170 . Bien que leur représentation soit aussi très faible, les importations ibériques sont plus importantes. Mais là encore, les points communs entre les typologies lyonnaise et espagnole sont dissociables et les caractéristiques techniques des productions espagnoles (pâte moins fine et plus orangée, engobe franchement orange ou rosé) facilitent la séparation du matériel. La possibilité d’une confusion peut cependant être envisagée dans les cas ou l’atelier de la Butte s’est directement inspiré du répertoire typologique et décoratif ibérique dans ses productions tardives.
En dernier lieu, l’hypothèse d’un ou plusieurs autres ateliers lyonnais de céramique à paroi fine engobée contemporains ne pouvait être définitivement écartée, soit à proximité sur les bords de Saône ou dans un autre secteur de la ville où des sites de productions de céramiques sont connus par ailleurs (plateau de la Sarra, presqu'île). La distinction des ateliers répartis le long de la rive (topographiquement très proche) repose sur les aléas des découvertes archéologiques plus que sur des réalités historiques. Certains ateliers ont fonctionné simultanément dans un complexe de production dont nous ne saisissons pas les limites précises. De nombreuses formes attribuées à l’atelier de la Butte n’ont pas été retrouvées sur le site de production, on sait d’autre part qu’aucun atelier n’a produit exclusivement des céramiques à paroi fine (c’est encore le cas de l’atelier de la Butte), et que des ateliers connus pour d’autres productions ont pu en produire de manière plus ou moins continue.
La prudence invitait donc à considérer le site éponyme de la Butte comme représentant l’ensemble de la production de céramique à paroi fine lyonnaise à pâte calcaire engobée. La fouille de la rue du Chapeau rouge à Vaise, en amont de la place de la Butte sur la rive droite de la Saône, a justifié cette réserve. Plusieurs fours rassemblés dans une petite unité de production ont été dégagés en bordure de la voie de l’Océan au pied de la colline de Fourvière (fig. 1). Les couches de destruction de ces structures sont chargées de céramique à paroi fine avec de nombreux ratés de cuisson.
L’étude de ce matériel ne peut pas encore être initiée, mais la céramique observée en sortie de fouille est techniquement comparable à celle de la place de la Butte. La pâte calcaire est souvent surcuite, verdâtre et la difficulté de séparer la production des deux ateliers connus à Lyon risque d’être effective. Les pots à dépressions constituent actuellement une part importante de la céramique mise au jour, ils contribuent à dater la fin de l’activité de l’atelier de Chapeau rouge à la fin du ier siècle apr. J.-C.
S’il est désormais certain que l’atelier de la Butte n’était pas le seul atelier lyonnais à produire des céramiques à paroi fine calcaire engobées, le rôle, l’importance, et la chronologie de l’atelier de la rue du Chapeau rouge restent à définir. S’agissait-il d’un atelier plus tardif voué à l’approvisionnement local ou d’une unité de production collaborant avec celle de la place de la Butte à la production massive et à l’exportation des céramiques à paroi fine lyonnaise ?
1. Bet (Ph.), Henriques-Raba (C.), « Les céramiques à parois fines de Lezoux », SFÉCAG, actes du congrès de Lezoux, 1989, p. 21-29.
1. BÉmont (C.), « Fabrications des vases à parois fines à la Graufesenque », Rei Cretariae Romanae Fautorum, acta 21-22, 1982, p. 7-15.