3.2. Typologie

3.2.1. Typologies antérieures

Hormis la typologie de F. Mayet183 , dressée à partir du matériel découvert dans la péninsule ibérique dont l'utilisation s'est généralisée pour les productions espagnoles, aucune autre typologie ne s'est réellement imposée pour les autres régions de l'Europe occidentale. Elles existent cependant, mais les typologies de K. Greene284 ou de C. Grataloup385 ne sont suivies que sporadiquement et les typologies italiennes établies à Cosa486 ou Ostie587 , aussi bien que celle de l'Enciclopedia dell'Arte Antica 688 , ne sont pas universellement reconnues. Au mieux, ces classements sont en usage dans leur pays d'élaboration, ne franchissent pas la barrière des langues, et ne connaissent le plus souvent qu'une notoriété régionale. Finalement, même pour les productions républicaines d'Étrurie, nombreux sont les auteurs qui préfèrent s'en tenir à la typologie de F. Mayet.

Avant d'être réellement identifiée, la céramique à paroi fine de la Butte est apparue dans des typologies plus générales. Dans le catalogue que E. Ritterling a établi à partir du matériel mis au jour à Hofheim789 , le bol du type 22A890 (Aa : bol à lèvre en bandeau mouluré, sablé ; Ac : bol à lèvre en bandeau lisse avec décor d'appliques circulaires et écailles ; Ad : décor d'écailles) représente assurément les productions lyonnaises. De même, le type Hofheim 25A (Aa : sablé ; Ac : guilloché) doit englober les pots ovoïdes lyonnais.

La référence au catalogue de E. Ritterling a été d'usage courant dans la littérature suisse et allemande concernant les sites du limes. Elle est encore utilisée dans des publications récentes191 lorsqu'il s'agit de décrire des productions de paroi fine de typologie comparable à celle de la Butte mais d'origine différente ou indéterminée. Après 1945, la céramique à paroi fine de la Butte apparaît régulièrement dans les catalogues qui rassemblent les découvertes anciennes ou contemporaines faites dans les camps du limes, néanmoins son origine reste inconnue.

Informé des découvertes faites en 1965 sur les quais de la Saône à Lyon, K. Greene est le premier à reconnaître sur les sites anglais ou rhénans et dans les musées européens la céramique à paroi fine lyonnaise. La typologie qu'il publie en 1979292 demeure, malgré des publications plus récentes, la plus complète et la mieux documentée. Le recensement des productions lyonnaises qu'il effectue en Grande Bretagne est exhaustif, au point qu'il déséquilibre la carte de diffusion des productions lyonnaises par l'abondance des sites examinés. Il met ainsi en évidence la présence dominante de la céramique à paroi fine lyonnaise sur les sites anglais par rapport aux autres productions : espagnole, italienne, rhénane ou du centre de la Gaule.

La typologie de K. Greene393 (fig. 49-53) pour les productions lyonnaises donne la priorité aux décors (1 : sablage ; 2 : crépi de barbotine ; 3: écailles ; 5 : appliques ; 6 à 9 : arrangements de barbotine ; 10 : guillochage pour le premier nombre). La forme des bols ou des pots ovoïdes est une composante secondaire et parfois négligée quand un type de décor se décline en variantes. Ainsi pour le décor 1 (sablage) la numérotation secondaire (1.1 à 1.5) est déterminée par la forme du support (cinq types de bols identifiés par leurs lèvres, les formes fermées étant traitées séparément) tandis que pour le décor 5 (appliques) la numérotation secondaire (5.1 à 5.4) est dictée par l'association d'autres éléments de décor avec les appliques (écailles, guillochis). Son choix est surtout pratique, il part du principe qu’un même décor est utilisé sur une variété limitée de forme, ainsi la numérotation ne s’élève pas dans des valeurs excessives. En définitive, le classement de K. Greene est cumulatif plutôt qu'analytique, et comme l'ensemble des associations formes/décors qui étaient connues alors sont distinguées, sa typologie s'avère très fonctionnelle. Il considère en outre que sa typologie reste ouverte, et il invite les archéologues à utiliser les lacunes de numérotation qu’il a ménagées entre les types 16 et 31 ainsi qu’entre les types 31 et 50 pour y accueillir des nouveaux types. Pourtant, l'usage de cette typologie ne s'est pas généralisé et on ne la voit guère employée en dehors de la Grande-Bretagne. La diffusion de son ouvrage aura probablement été insuffisante en Europe continentale.

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Figure. 49 - Typologie de K. Greene, 1979.
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Figure. 50 - Typologie de K. Greene, 1979.
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Figure. 51 - Typologie de K. Greene, 1979.
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Figure. 52 - Typologie de K. Greene, 1979.
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Figure. 53 - Typologie de K. Greene, 1979.

À l’image des travaux réalisés par M. T. Marabini-Moevs194 à Cosa ou E. Schindler-Kaudelka295 au Magdalensberg, C. Grataloup396 reformule une chronotypologie de la céramique à paroi fine à partir de l’étude du matériel d’un site bien stratifié : la rue des Farges à Lyon (fig. 54-55). Dans ce travail - souvent difficile quand il s’agit de regrouper les formes par ateliers tout en respectant la trame chronologique générale - la paroi fine de l’atelier de la Butte est représentée par les types 25 à 47.

Comme K. Greene, C. Grataloup choisit le décor comme caractère discriminant pour le classement des bols. Le principe demeure cumulatif plus qu’analytique. Bien qu’elle apporte des éléments nouveaux, notamment sur la chronologie de l’abandon de l’atelier, cette nouvelle typologie ne peut toutefois pas se substituer à celle de K. Greene. Limitée au matériel d’un site, et malgré le fait qu’il soit d’ampleur et proche de l’atelier, un certain nombre de formes et de décors recensés sur des sites de consommation, et publiés par ailleurs, n’y sont pas intégrés. En se privant du matériel d’exportation, comme de celui ramassé place de la Butte, la typologie de C. Grataloup ne pouvait que proposer une vision partielle et lacunaire de la production de l’atelier.

D’autres typologies de la céramique à paroi fine romaine ont été publiées depuis, elles n’ont fait que compiler ou refondre les classements existants dans un but encyclopédique197 ou plus pratique298 . La typologie de l’atelier de la Butte ne s’y retrouve qu’éclatée ou résumée, et leur usage reste assez marginal.

Malgré ces travaux, l’ouvrage de K. Greene assez méconnu en France, ou celui de C. Grataloup, dont on hésite à utiliser les planches au vu de leur médiocre qualité, la carence d’une typologie complète de l’atelier de la Butte était manifeste.

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Figure. 54 - Typologie de C. Grataloup, 1988.
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Figure. 55 - Typologie de C. Grataloup, 1988.
Notes
83.

1. Mayet (F.), Les céramiques à parois fines de la péninsule Ibérique, Paris, 1975.

84.

2. Greene (K.), The pre-flavian Fine Wares.Reports on the excavations at usk 1965-1976, Cardiff, 1979.

85.

3. Grataloup (C.), L es céramiques à parois fines. Rue des Farges à Lyon, British Archaeological Reports, International Series, 457, 1988.

86.

4. Marabini Moevs (M. T.), The Roman Thin Walled Pottery from Cosa (1948-1954), Memoirs of the American Academy in Rome, 32, 1973.

87.

5. Ostie i, ii, iii, iv, Studi Miscellanei, 13, 1968 ; 16, 1970 ; 21, 1973 ; 23, 1977.

88.

6. Anselmino (L.), Carandini (A.), Pavolini (C.), Sagui (L.), Tortorella (S.), Totorici (E.), Atlante delle forme ceramiche, I, Ceramica fine romana nel bacino mediterraneo (medio e tardo Impero), Enciclopedia dell'Arte Antica Classica e Orientale, Roma, 1981.

89.

7. Ritterling (E.), « Das frührömische Lager bei Hofheim im Taunus », Annalen des Vereins für Nassauische Altertumskunde und Geschichtsforschung, 40, 1912, Wiesbaden, 1913.

90.

8. La capitale A indique une "technique" qui correspond aux caractéristiques des productions de la Butte.

91.

1. Notamment : Kraus (K.), Colonia Ulpia Traiana insula 38 : Untersuchugen zur Feinkeramik anhand der Funde aus den Ausgrabungen der sogenannten Herbergsthermen, Xantener Berichte, 1, Köln, 1992.

92.

2. Greene (K. T.), The pre-flavian Fine Wares.Reports on the excavations at usk 1965-1976, Cardiff, 1979.

93.

3. Id., p. 18.

94.

1. Marabini Moevs (M. T.), The Roman Thin Walled Pottery from Cosa (1948-1954), Memoirs of the American Academy in Rome, 32, 1973.

95.

2. Schindler-Kaudelka (E.), Die Dünnwandige Gebrauchskeramik vom Magdalensberg, Klagenfurt, 1975.

96.

3. Grataloup (C.), L es céramiques à parois fines. Rue des Farges à Lyon, British Archaeological Reports, International Series, 457, 1988, p. 55-80.

97.

1. Atlante delle forme ceramiche, I, Ceramica fine romana nel bacino mediterraneo (medio e tardo Impero), Enciclopedia dell'Arte Antica Classica e Orientale, Roma, 1981.

98.

2. Minguez Morales (J. A.), La ceramica romana de paredes finas : generalidades, monografias arqueologicas, 35, Zaragoza, 1991.