La construction d’une typologie d’atelier diffère de celle destinée à la connaissance d’une classe de céramique ou même à l’élaboration de la typochronologie d’une classe à partir d’un site. Par ailleurs des outils de cet ordre, utile à l’étude de la céramique à paroi fine, existent déjà.
Quel que soit le champ d’étude d’une typologie, le choix d’un système ouvert reste toujours possible. Ce type de classement s’est avéré assez bien adapté pour des typologies couvrant un large champ de formes et une grande diversité fonctionnelle. Il ne s’impose pas pour l’atelier de la Butte, dont la vaisselle est spécialisée pour le domaine de la boisson avec un répertoire excluant de nombreuses formes ouvertes. Toutefois, l’adoption d’un système arborescent permet une construction plus analytique que cumulative.
La typologie des formes de l’atelier de la Butte, dont la production était en partie caractérisée, ne peut donc s’établir que dans le cadre d’une « construction typologique imposée1110 » dont la logique du classement est dictée par la géométrie des vases.
Les vases sont réunis par groupes morphologiques : bols, gobelets, pots ovoïdes. Ces groupes sont distribués des formes ouvertes vers les formes fermées, les types plus rares, à déterminer, ou de fonction plus incertaine sont reportés, selon un choix courant, en fin de classement. Le profil des vases, et en particulier celui des lèvres, sont les critères discriminants principaux. Cependant, certains décors réunissant un type de vase sont pris en compte pour détacher des types aisément identifiables (types 14.1 et 14.2). D’autres facteurs interviennent pour situer la place de chaque type dans l’ordre de présentation, notamment l’ordre d’apparition chronologique, ou la fréquence des tessons qui assurent la précision et l’importance de certaines formes.
Pour la première fois, le classement des formes est indépendant de celui des décors, l’ornement étant considéré comme le seuil le plus bas d’une variante. Ainsi, pourra-t-on désormais nommer un type reconnaissable par sa lèvre mais dont le traitement décoratif n’est pas conservée. La dissociation forme/décor dans l’ordination permettra, en outre, de mettre en évidence des rapports d’intimités entre certains types et l’ornementation qui n’avaient pas pu être démontrés auparavant.
Au fur et à mesure de l’étude du matériel, il est apparu évident que les vases lisses formaient un répertoire clairement identifiable et distinct de la production sablée ou décorée. Les informations chronologiques se recoupant pour placer ces vases plus tardivement dans la production de l’atelier ont renforcé encore l’idée de séparer ces formes pour les réunir. Présenté à la fin de la typologie, ce répertoire constitue un ensemble cohérent.
La numérotation suit un modèle arborescent limité, elle bloque la typologie au niveau des formes, mais elle reste ouverte au niveau des variantes pour accueillir des compléments de détail. Il s’agit avant tout de proposer un outil plus complet que ceux déjà publiés, un instrument de travail qui devrait être enrichi ou révisé par l’étude approfondie de la céramique de l’atelier de Chapeau rouge et la fouille probable de nouvelles parcelles dans le secteur de la place de la Butte telle que la réhabilitation urbanistique du quartier semble le commander.
L’illustration d’un type par un dessin générique est une pratique courante, elle est indispensable pour la communication scientifique et la visualisation globale des typologies. Elle est toutefois réductrice, une forme peut exister en plusieurs modules parfaitement distincts, mais le plus souvent, tout en respectant la forme générale du type, les dimensions des vases sont très variables affectant dans toutes directions le profil de celui-ci. Alors que certains types sont assez constants, d’autres sont soumis à d’innombrables variantes notamment dans la réalisation de la lèvre (modelage, orientation, relief). La présentation d’une partie de ces variantes est dès lors le meilleur moyen d’illustrer les écarts possibles à partir d’un modèle idéalisé.
Le matériel qui illustre la typologie provient pour l’essentiel des sites lyonnais, il a été intégralement redessiné pour quelques sites déjà étudiés (rue des Farges, Saint-Romain-en-Gal). De nombreux tessons de la rue des Farges étaient restés inutilisés lors de la publication de ce matériel. La plupart des dessins présentés pour les autres sites sont inédits. Il n’est pas question d’établir un catalogue exhaustif de la paroi fine de production locale mise au jour dans les fouilles de l’agglomération lyonnaise, certains contextes très mal datés sont écartés, de nombreux tessons des types les plus courants sont trop isolés pour enrichir la connaissance de cette production. La priorité a donc été donnée aux séquences stratigraphiques les mieux documentées, et souvent aux couches ayant livré un matériel assez abondant.
Bien qu’ils ne puissent pas toujours être raccordés à une séquence stratigraphique, des vases au profil plus complet ou des fragments de décors particulièrement rares (voire unique) provenant des fouilles régionales ou de sites plus éloignés enrichissent la typologie. Malheureusement, dans de nombreux cas, les dessins de la céramique à paroi fine de la Butte qui ont été reproduits dans les publications consacrées aux camps du limes ne répondent plus aux exigences de la céramologie contemporaine. Ils peuvent néanmoins être utilisés à nouveau pour présenter des types inédits par ailleurs.
Quelques vases recensés dans des publications plus récentes, souvent suisses, et qui proviennent de contextes bien stratifiés sont repris pour mettre à jour et enrichir le corpus lyonnais. Il faut toutefois constater que la rareté de la céramique à paroi fine n’en favorise pas l’étude, et les publications documentées sur ce matériel sont peu nombreuses.
La finesse des céramiques à paroi fine nécessite impérativement une qualité de dessin supérieure et soignée. Trop souvent encore, des dessins insuffisamment précis demeurent mal lisibles quand ils ne sont pas rendus inutilisables par la qualité de l’impression ou les choix d’édition111. La complexité des décors conduit systématiquement les dessinateurs non zélés à produire des dessins schématisés non satisfaisants.
Les dessins sont ici présentés à l’échelle 1/2, ils sont généralement rangés par contextes, les contextes des divers sites sont redistribués par ordre chronologique. Les décors ont été rendus aussi précisément que les conditions d’étude du matériel le permettaient. Chaque fois que cela a été possible, la densité et la granularité du sablage ont été respectées. D’autres dessins qui ont été publiés par ailleurs sont signalés dans les références bibliographiques. Contrairement aux références listées par C. Grataloup2112 , seules les céramiques identifiées comme lyonnaise ou répondant suivant les descriptions des catalogues aux critères de l’atelier de la Butte (couleur de la pâte ou/et de l’engobe) sont citées. De même, il est fait uniquement référence aux typologies primaires dans lesquelles l’atelier de la Butte est identifié.
Outre les informations qui font généralement défaut, le manque de matériel, la valeur des séquences stratigraphiques ou l’analyse de la chronologie des contextes, proposer une datation pour chaque type pose évidemment bien des problèmes. Trois phases interviennent dans la durée de vie d’une céramique.
La production peut être brève ou plus durable, la date d’apparition d’une céramique en contexte de consommation est généralement confondue avec celle du début de la production, ce terminus post quem est le moins redoutable. Le début et la fin de la production sont les seuls événements dont la datation pourrait être absolue et précise si les sources le permettaient. La commercialisation peut se poursuivre après l’arrêt de la production, l’examen du matériel de la boutique de Vienne le démontre. Il est exceptionnel qu’un contexte rende possible l’observation de ce phénomène. La période d’utilisation d’un vase est la plus variable, elle ne connaît comme limite que la lassitude de l’usager ou le bris de l’objet.
La date d’apparition des céramiques doit être impérativement mise en évidence puisqu’elle englobe à la fois le début de la production, celui de la mise sur le marché, et la diffusion des produits chez les consommateurs. Ensuite, la durée de vie de chaque type devra être limitée à une période d’usage primaire, celle-ci excluant les cas minoritaires d’usages prolongés, et surtout le matériel résiduel qui persiste dans les remblais et les dépotoirs.
Une solution prudente, adoptée par Chr. Goudineau pour la céramique sigillée de Bolsena1113 , consistait à ne donner que la date présumée d’apparition. C’est une constante invariable qui peut être révisée, mais dont la précision est souvent la moins discutable et qui reste valable quelle que soit la nature des contextes archéologiques. Ce choix laisse toute latitude pour des interprétations ultérieures, dans des publications secondaires, sur la durée de vie des différents types en fonction des nouvelles données recueillies.
Toutefois, s’en tenir à une date d’apparition élude des estimations sur la durée de vie des types qui pourraient se dessiner, et qui demeurent essentielles dans l’étude de la production d’un atelier. Ainsi, pour chaque forme de l’atelier de la Butte, une date d’apparition est avancée ; quant à leur durée de vie, elle est généralement étendue à une date précoce du contexte le plus récent dans lequel elle est signalée (à l’exception des contextes où elle est clairement résiduelle). Une fourchette chronologique qui serait, par prudence, élargie à une amplitude maximale perdrait tout intérêt.
Les datations qui sont proposées (entre crochets) pour chaque type, chaque variante ou chaque décor tendent donc à couvrir la durée de la production et l’usage primaire de ces céramiques. Elles définissent une période de présence en stratigraphie. La mise sur le marché d’une céramique est incontestablement simultanée avec le début de sa production, l’emploi primaire d’un vase doit dépasser d’une ou deux décennies l’arrêt de la production.
1. Gardin (J.-Cl.), Une archéologie théorique, Paris, 1979, p. 153.
Genin (M.), « Les horizons augustéens et tibériens de Lyon, Vienne et Roanne. Essai de synthèse », SFÉCAG, actes du congrès du Mans, 1997, p. 26, pl. 10, nos 5, 6.
2. C. Grataloup mélange dans ses références des céramiques de la Butte, des vases typologiquement comparables d’autres origines, et des comparaisons plus générales.
1. Chr. Goudineau, La céramique arétine lisse, fouilles de l’École française de Rome à Bolsena (Poggio Moscini) 1962 - 1967, Mélanges d’Archéologie et d’Histoire, suppl. 6, Paris, 1968.