3.3.2.1.2. Les appliques

L’apposition d’appliques requerrait aussi une argile plastique. Un flan d’argile de volume adapté était appliqué sur le corps du vase avec un poinçon dont le motif en creux persistait en relief après le retrait de l’outil.

Un motif - la pastille circulaire hérissée de courtes tiges à bouts arrondis agglomérées selon un schéma plutôt concentrique (pl. 53 ; pl. 65, no 2 ; pl. 70, no 2 ; pl. 89, no 4) - l’emporte largement sur quelques variantes ou d’autres ornements moins courants (pl. 110, nos 6-10). La fabrication du poinçon est simple, un grènetis est imprimé dans un disque avec un bâtonnet, cependant il demeure difficile d’en reconnaître l’origine ou le modèle. La taille et la densité des clous sont modulables, le diamètre moyen des appliques s’établit autour de 1,5 cm.

En évoquant des motifs comparables courants dans les productions espagnoles, C. Bémont a cru reconnaître dans ces appliques, combinées aux feuilles d’eau, le fruit du lierre, le corymbe1164 . Toutefois, le motif ibérique mérite d’être distingué des décors lyonnais pour sa forme (convexe et faiblement clouté) et sa mise en oeuvre (à la barbotine). Bien qu’elles soient rares, des compositions similaires mêlant des motifs grenelées et un feuillage évoquant un modèle végétal existent en Italie2165 . Les appliques de l’atelier de la Butte ne sont jamais mêlées à des représentations de feuillages aussi explicites. Tout au plus, les appliques encadrées d’écailles opposées pourraient-elles rappeler des motifs végétaux, mais les écailles, le plus souvent réunies en tapis, ne sont pas utilisées pour reconstituer un feuillage et la combinaison des feuilles d’eau et des appliques grenelées n’est pas attestée.

La plupart des auteurs décrivant ces motifs font référence à des fruits à surface grenelée comme les mûres3166 ou les framboises4167 . Mais ces comparaisons, parfois proche de certaines appliques, ne sont pas totalement convaincantes pour toutes les appliques, plates et au grènetis moins dense. Certaines variantes comme les appliques grenelées avec un croisillon (pl. 110, no 7) ou la répartition des appliques sur un lit de barbotine (pl. 110, no 5) pourraient écarter définitivement l’éventualité d’un modèle végétal.

Employées en Gaule et en Italie sur les céramiques à paroi fine du ier siècle apr. J.-C., les appliques n’ont pas trouvé d’échos en Espagne. Le plus souvent limité à des petits motifs simples et répétés, ce procédé décoratif a trouvé un développement figuratif plus important dans les ateliers du centre de la Gaule à la fin du ier siècle apr. J.-C. et au début du iie siècle apr. J.-C1168 .

Longtemps les appliques grenelées ont semblé être l’unique motif utilisant un poinçon. Curieusement, le recensement systématique de ces décors a fait resurgir quelques variantes inattendues, et il apparaît désormais que l’emploi de poinçons a été particulièrement apprécié par les potiers pour la création de motifs exceptionnels, et à ce jour sans parallèles connus. Outre le motif à croisillons, l’applique grenelée connaît une autre variante avec un poinçon de petite taille marqué par seulement six grains et dont la répartition est plus dense (pl. 110, no 6 et pl. 127, no 2).

Le poinçon orné d’une tête féminine était déjà connu (pl. 110, no 9 et pl. 127, no 1), il constitue un précédent précoce aux décors d’appliques figurées des ateliers du centre de la Gaule. Les fouilles de Saint-Romain-en-Gal ont depuis livré deux nouveaux poinçons uniques et inédits. Le premier est composé d’un clou central enserré dans une couronne dont il dépasse, et de laquelle rayonne quatre ailettes triangulaires séparant quatre clous plus petits (pl. 110, no 8 et pl. 128, no 2). L’ensemble fait penser à un rivetage et plus largement au travail du métal.

Le second est épigraphique. L’espace circulaire cerné par deux listeaux et une couronne de grènetis imposait une répartition du texte sur deux lignes : maeto en lecture linéaire. Les lettres m et a sont ligaturées sur une première ligne, les lettres e, t et o composent la seconde ligne (pl. 110, no 10 et pl. 128, no 1). La graphie inversée du e suggère une lecture sinistroverse : amote (je t’aime) donnant au vase un rôle dédicatoire affectif. Ce type de formule est bien connu sur des vase de formes diverses où elle a été rajoutée à la peinture2169 , son apposition dès la fabrication à l’aide d’un poinçon est plus exceptionnelle3170 .

Notes
164.

1. BÉmont (C.), « Vases à parois fines de Glanum : formes et décors », Gallia, 34, 1976, p. 278.

165.

2. Studi Miscellanei, 16, Ostia II, 1970, p. 195, tav. XVIII, no 299a-b.

166.

3. Brombeere dans Schindler-Kaudelka (E.), Die Dünnwandige Gebrauchskeramik vom Magdalensberg, Klagenfurt, 1975, p. 144.

167.

4. Raspberry dans Greene (K. T.), The pre-flavian Fine Wares. Reports on the excavations at Usk 1965-1976, Cardiff, 1979, p. 14.

168.

1. Bet (Ph.), Henriques-Raba (C.), « Les céramiques à parois fines de Lezoux », SFÉCAG, actes du congrès de Lezoux, 1989, p. 21-29.

169.

2. CIL XIII, 3 : 10018, 14.

170.

3. Je remercie P.-Y. Lambert et Th. Luginbühl pour leur examen de ce document.