L’atelier de la Butte a d’abord été identifié pour sa production de lampes à huile. Lors de la découverte de l’atelier dans la propriété de Gédéon Morel, A. Comarmond a récupéré 36 lampes conservées au Palais-des-Arts de la Ville de Lyon1171 . Seules 18 d’entres elles subsistent dans le fonds ancien de l’actuel musée de la Civilisation Gallo-Romaine.
L'étude de la production des lampes par S. Élaigne2172 a pris en compte ce matériel muséographique et celui provenant des ramassages de 1965-66 par A. Grange pour les comparer aux lampes découvertes en contexte stratigraphique dans la fouille de la rue des Farges. Une typologie de dix types principaux de lampes a été dressée, elle est basée sur la morphologie du bec, selon la méthode établie par S. Loeschcke3173 , les variantes étant définies sur des caractères secondaires (volutes, attache du bec, profil du bandeau, du pied). Elle n’a pas été retouchée (fig. 69-72).
Une nouvelle forme monoansée à cuve ovoïde était conservée parmi le matériel de la place de la Butte (type 26, pl. 107). L’identification de ce genre de vase comme lampe à suif est désormais régulièrement contestée4174 , il a donc été intégré à la typologie de la céramique à paroi fine avec les formes lisses.
La fabrication de lampes place de la Butte est attestée par l’abondance de ce matériel sur le site, mais aussi par la qualité de sa conservation puisque plus de 30 % des tessons récoltés en 1965-66 sont surcuits1175 et sont considérés comme des rebuts de cuisson. Les argiles employées pour la pâte et l’engobe sont les mêmes que celles utilisées pour les céramiques à paroi fine. Néanmoins, l’examen à l’oeil nu de la pâte des lampes confirme les résultats des analyses chimiques avec tantôt une pâte jaune clair et tantôt une pâte légèrement plus rosée2176 .
L’examen chronologique de cette production est encore lié à la chronotypologie générale des lampes. Il démontre que la fabrication des lampes à huile a pu accompagner celle de la céramique à paroi fine sur la totalité de l’activité de l’atelier. En effet, le type Butte I (équivalent Loeschcke Ia) en circulation de l’époque augustéenne jusqu’à l’époque tibérienne était déjà produit par l’atelier de la Muette3177 (type Muette III). Sa présence parmi le matériel de la place de la Butte est tout à fait résiduelle, elle témoigne des productions plus précoces de l’atelier.
À l’opposé, la fabrication d’imitations de lampe dite de firme (firmalampen, type Butte IX) dont la diffusion est sensible à partir du règne de Vespasien illustre l’activité la plus tardive de l’atelier. D’origine padane, ces lampes de firme étaient moulées avec de l’argile siliceuse, rouge, lissée. L’abandon définitif de l’emploi de ce type d’argile par l’atelier de la Butte a conduit les potiers lyonnais à engober de barbotine rouge la pâte calcaire pour leurs imitations plutôt que de revenir au moulage d’une argile siliceuse tel qu’il était pratiqué à l’atelier de la Muette.
La fréquence des types recensés place de la Butte (fig. 74) est partiellement conditionnée par les limites chronologiques du dépôt (50-80 apr. J.-C.). Les types les plus courants sont donc ceux dont la fabrication a perduré dans la deuxième moitié du ier siècle apr. J.-C. (fig. 73). Les types anciens sont moins présents, tandis que les lampes de firmes, dont la production ne faisait sans doute que débuter, sont encore peu nombreuses.
Deux lampes du lot réuni par A. Grange sont signées1178 . La première estampille, ispam, est inédite. La seconde, c. fadi (Caius Fadius) était déjà apparue sur une lampe de production padane dans les fouilles de Trion. Une autre lampe de firme italique mise au jour dans les fouilles du Bas-de-Loyasse, estampillée du même potier, confirme son origine transalpine. Les potiers de la Butte se sont appropriés, peut-être par surmoulage de l’estampille d’une lampe importée, le nom et le prestige du potier italien. Cette pratique consistant à emprunter à la fois un modèle typologique et le nom du potier qui lui est attaché pourrait encore expliquer la découverte sur le quai de la Saône d’une marque strobili sur une lampe de firme relatée par A. Comarmond2179 . Cette lampe et sa marque auraient pu être une imitation de l’atelier de la Butte.
La diffusion des lampes de l’atelier de la Butte est mal connue. Les deux marques ispam et c. fadi ne sont pas attestées sur le limes rhénan. Cependant, S. Loeschcke a pu isoler un groupe de lampes d’origine lyonnaise à Vindonissa 3180 . Les céramiques à paroi fine de la Butte étant bien représentées sur ce site, la diffusion des lampes par le même réseau commercial paraît logique.
1. Comarmond (A.), Description des antiquités et objets d'art contenus dans les salles du palais-des-arts de la ville de Lyon, Lyon, 1855-1857, nos 425, 426, 542 à 569, 604 à 609.
2. Élaigne (S.), « La production des lampes à huile à Lyon sous le Haut-Empire : essai de synthèse », SFÉCAG, actes du congrès de Versailles, 1993, p. 239-248.
Élaigne (S.), dans Bertrand (E.), Élaigne (S.), Desbat (A.), Schmidt (a.), « L'atelier de la Butte », dans « Les productions des ateliers de potiers antiques de Lyon. 2e partie : les ateliers du ier s. après J.-C. », Gallia, 54, 1997, p. 12-29.
3. Loeschcke (S.), Lampen aus Vindonissa, Zürich, 1919, p. 25 ; méthode reprise par Leibundgt (A.), Die römischen Lampen in der Schweiz, Bern, 1977, p. 18, et la plupart des auteurs travaillant sur les lampes.
4. Élaigne (S.), « Éléments pour une nouvelle interprétation des 〈 lampes à suif 〉 (type Loeschcke XIII) », SFÉCAG, actes du congrès de Dijon, 1996, p. 461-465.
1. Élaigne (S.), « La production des lampes à huile à Lyon sous le Haut-Empire : essai de synthèse », SFÉCAG, actes du congrès de Versailles, 1991, p. 243. Il faut toutefois noter que l’aspect « pulvérulent » de la pâte et le mauvais état de conservation de l’engobe a pu être constaté sur des sites de consommation, et que la nature du sol peut altérer certains tessons.
2. Id., p. 246.
3. Élaigne (S.), « Les lampes », dans Desbat (A.) et alii, « Les productions des ateliers de potiers antiques de Lyon. 1ère partie : Les ateliers précoces », Gallia, 53, 1996, p.105-108.
1. Élaigne (S.), « La production des lampes à huile à Lyon sous le Haut-Empire : essai de synthèse », SFÉCAG, actes du congrès de Versailles, 1993, p. 244.
2. Comarmond (A.), Description des antiquités et objets d'art contenus dans les salles du palais-des-arts de la ville de Lyon, Lyon, 1855-1857, p. 92, no 542.
3. Loeschcke (S.), Lampen aus Vindonissa, Zürich, 1919, p. 64-66.