5.Une hypothèse et une approche quant à la vie physique en EPS

La « vie physique » en EPS : importance et indétermination
Ainsi la question de la « vie physique » en EPS se révèle-t-elle de celles qui pèsent dans la réflexion à l’EPS de la fin du vingtième siècle. Elle a rapport, d’une part, à la justification de la place de l’EPS dans l’école. Elle correspond, en outre, au souci louable d’accomplir une mission d’éducation. La question n’est pas simple : il s’agit, notamment, de tenir compte tout à la fois de la demande sociale et de l’opinion des élèves. L’importance de l’affaire semble telle que les textes officiels exigent bientôt de l’enseignant d’EPS qu’il oeuvre en matière de « vie physique ». L’arrêté du 24 mars 1993 sonne le glas aux spéculations : il convient désormais de réfléchir à un enseignement valant effectivement au plan de la « vie physique ». On se mobilise dès lors pour tenter de donner corps à ce qui est désormais devenu pièce maîtresse d’un projet d’EPS inscrit dans les textes officiels. La difficulté de l’entreprise se révèle stimuler les esprits. Plusieurs propositions sont faites quant à un enseignement concernant la « vie physique » en EPS. Elles sont, de plus, de nature à occasionner diverses formules d’EPS. Il n’est pas évident que se profile à l’horizon un embryon de consensus. La « vie physique » correspond ainsi à une difficulté au plan de l’enseignement de l’EPS. Ces observations conduisent à considérer qu’elle est chose tout aussi importante qu’indéterminée.

La « vie physique » en EPS : deux démarches pour une spécification
Elles invitent dès lors à s’enquérir d’un enseignement en EPS ou d’une EPS valant pour ce qui est de la « vie physique ». Il peut ainsi sembler naturel de chercher à apporter réponse à deux questions. Que s’agit-il de faire apprendre ? Comment s’y prendre pour l’enseigner ? Deux démarches se profilent alors. L’une consisterait à élaborer un argumentaire quant à ce que doit être la « vie physique » en EPS. Il s’agirait de réfléchir à partir des raisons justifiant son importance, d’enquêter auprès des intervenants de l’EPS, des élèves... On pourrait utiliser les données engrangées pour en déduire les attributs d’un enseignement de l’EPS relatif à la « vie physique ». Une autre possibilité réside dans une mise en compétition des propositions répertoriées. Elles seraient alors à envisager du point de vue de leur cohérence avec les données justifiant la question de la « vie physique ». Il s’agirait, en outre, de rendre compte de leur portée au plan de l’enseignement. Il y aurait, à terme, à trancher en faveur de l’une d’elles, à tenter d’en faire la synthèse ou à montrer en quoi elles sont à dépasser. Chacune des deux démarches ainsi envisagées permettrait de s’intéresser à ce qui s’enseigne en EPS en regard de ce qui pourrait s’enseigner. Elle pourrait autoriser, alors, l’élaboration d’une stratégie d’aide au changement des pratiques enseignantes...

La « vie physique » en EPS : pour une autre approche
Ces démarches ne paraissent satisfaisantes ni l’une, ni l’autre. Elles tiennent à deux présupposés discutables. Le premier est qu’on peut établir une définition consensuelle de la « vie physique ». Or, rares sont ceux qui se sont essayés à définir l’expression « vie physique ». G. Cogérino a donné quelques indications quant à celle-ci : ‘« la vie physique de l’adulte, comme celle de l’adolescent scolarisé, relève au moins autant d’apprentissages antérieurs que d’aptitudes plus ou moins “entretenues et développées”, et, surtout, d’une attitude construite à l’égard de son propre corps et de la pratique physique »’ 48. M. Gendrier a indiqué, pour sa part : ‘« Les enseignants ne doivent pas oublier que la vie physique n’est pas constituée de la seule compétition, c’est aussi l’acte physique dans les travaux au quotidien, dans la vie professionnelle et les loisirs. »49 ’ Force est de constater que ces propos ne se recoupent pas en tout point. Le second présupposé à considérer concerne la question de la « vie physique » elle-même. Chercher à y répondre revient à admettre qu’elle a été posée clairement et de façon pertinente. Or, la diversité des réponses suggérées invite en elle-même au questionnement. Il est possible qu’elle reflète des manières différentes d’interpréter la question de la « vie physique » en EPS. Il est envisageable, aussi, qu’elle signifie que cette question a été posée en des termes qui en font un problème sans solution.

La « vie physique » en EPS : vers une hypothèse
Il convient ainsi, avant toute autre chose, de s’interroger quant à la question de la « vie physique » en EPS. Il est judicieux pour ce faire d’en revenir aux éléments la concernant qui semblent relativement stabilisés. Les enjeux liés à la « vie physique » appellent à réfléchir à la question au regard de l’au-delà de l’EPS. Si cette discipline est mise en question au plan de la « vie physique », c’est en raison d’une demande sociale à laquelle elle est censée répondre. Il s’agit de permettre à chaque individu passé dans la vie active d’avoir une « vie physique ». La question de la « vie physique » appelle, en relation, à réfléchir à l’éducation des élèves. Il convient de leur permettre d’accéder, dans les meilleures conditions possibles, à la vie adulte. Aussi peut-on envisager qu’il est question du transfert : il s’agit de s’enquérir de ce qui peut être acquis en EPS, qui vaut au-delà, dans une perspective d’éducation. L’au-delà en question est certes pour partie indéterminé. La demande sociale autorise néanmoins à en tracer les contours. Il est question de santé, de loisir ; on souhaite que l’individu pratique l’exercice physique à l’occasion de ses loisirs, pour soigner sa santé. Une condition essentielle est alors requise pour que ce voeu soit exaucé. Il faut que le sujet ait envie de s’adonner à la pratique de l’activité physique, une fois le temps de la scolarité révolu.

La « vie physique » en EPS : une approche pour une élucidation
Aussi peut-on émettre une hypothèse quant à la « vie physique » en EPS. Il semble s’agir de permettre à l’élève une acquisition transférable fondamentale : elle paraît consister en une posture à l’égard de la pratique de l’activité physique, faisant de celle-là partie intégrante de la vie. Cette hypothèse étant formulée, il convient de la vérifier. La question se pose, dès lors, de la démarche autorisant cette vérification. L’hypothèse procède de l’idée que la question de la « vie physique » est insoluble en raison de la manière même dont elle est, plus ou moins implicitement, posée. Il faut donc s’assurer que la question de la « vie physique » fait problème. Si c’est effectivement le cas, il s’agit de déterminer les raisons expliquant qu’il en est ainsi. Il y a alors à envisager qu’il en va d’une réflexion à la « vie physique » en EPS qui n’intègre pas véritablement la question du transfert. Il convient aussi de déterminer s’il y a lieu de considérer la question de la « vie physique » en EPS en tant que question du transfert pour l’EPS. Cela ne peut guère se faire qu’en analysant l’existant en matière de « vie physique » en EPS. S’il s’avère pertinent de réfléchir au transfert pour apporter réponse à la question de la « vie physique », la réflexion doit porter sur d’autres données. Les écrits spécialement consacrés au transfert qui concernent l’EPS sont relativement rares. Il s’agit cependant d’en faire l’analyse, dont on pressent qu’elle est de nature à susciter le questionnement. Ce sont alors les travaux intéressant le transfert mais qui ne concernent pas spécifiquement l’EPS qu’on peut s’attendre à devoir consulter. Leur examen doit autoriser à réfléchir à nouveau au transfert dans le cas de l’EPS pour statuer quant à la question de la « vie physique ».

Notes
48.

Cogérino (G.), Op. Cit., p. 23

49.

Gendrier (M.), Enseignement technique, L’éducation physique utilitaire et professionnelle, Revue EPS, n° 249, septembre-octobre 1994, p. 80