Chapitre 1 : Le problème de la vie physique, en EPS

1 . La question de la vie physique et la gestion de sa vie physique, en EPS

Le caractère notable de l’expression « vie physique » dans les textes officiels relatifs à l’EPS qui ont paru de 1993 à 1998
Les textes officiels qui indiquent les programmes ou récapitulent les modalités d’organisation des épreuves aux examens donnent à l’enseignant un cap à tenir. Or, ils sont plusieurs de ce type, qui concernent l’EPS et ont paru en France de 1993 à 1998, en lesquels il est question de « vie physique ». Quatre d’entre eux ont trait à l’épreuve d’EPS d’examens de l’éducation nationale. Il s’agit, d’une part, de l’arrêté du 24 mars 199350 et de la circulaire du 12 janvier 199451 ; il est question, d’autre part, de l’arrêté du 22 novembre 199552 et de la circulaire du 21 novembre 199553. Trois programmes d’EPS ont en outre été édités depuis 1995, qui comprennent l’expression « vie physique ». Le premier publié est relatif à l’EPS au cycle 3 de l’enseignement primaire54 ; le suivant concerne la classe de sixième55, le dernier, celle de troisième56. La présence de l’expression « vie physique » dans les textes officiels considérés se révèle notable : cette expression ne figure pas dans ceux de la même sorte, en vigueur quand l’arrêté du 24 mars 1993 est sorti.

L’expression « vie physique » figure dans des écrits qui ne sont pas textes officiels et ont été rédigés après la parution de l’arrêté du 24 mars 1993
Des écrits, qui ne sont pas textes officiels et ont été rédigés après la parution de l’arrêté du 24 mars 1993, comprennent en outre l’expression « vie physique ». Il en est ainsi de la contribution de B. Paris aux actes d’un colloque qui s’est tenu en 199457. C’est le cas, également, de six productions qu’on trouve dans un document rendant compte d’un colloque qui a eu lieu en 199558. Il en est de même de trois articles parmi ceux qui constituent les actes des rencontres « Chercheurs / Praticiens » de 199659. On peut notamment ajouter à cette liste une publication de G. Cogérino, sortie en 199860 ; nombre d’écrits pourraient être ainsi inventoriés. L’expression « vie physique » apparaît parfois dans une citation d’un texte officiel : on peut mentionner en guise d’exemples un article de C. Pineau édité en 199361 et un document de J. Vangioni publié en 199762. Il est des publications, aussi, en lesquelles l’expression « vie physique » figure dans un propos qui n’est pas reprise d’un texte officiel : on trouve notamment parmi celles-ci un écrit de C. Pineau qui a paru en 199463 et une production de C. Rouziès sortie en 199864. Ainsi divers auteurs font-ils écho aux textes officiels qui ont trait à la « vie physique » en EPS. Cette dernière paraît, par surcroît, de nature à intéresser en tant que telle ceux qui écrivent à propos de l’EPS.

Pour une tentative de donation de sens à l’expression « vie physique », à partir des dictionnaires
Ces observations signifient l’existence d’un centre d’intérêt. Elles suscitent dès lors la curiosité quant à ce qui en fait l’objet ou le motive. Il est à noter que le sens de l’expression « vie physique » n’est guère clair. On est alors invité à s’interroger quant au signifié correspondant à ce signifiant. Ce qui conduit, en premier lieu, à s’enquérir de la signification de l’expression « vie physique » dans la langue française. Il s’agit alors d’avoir recours aux dictionnaires. Certains renseignent quant à la signification du mot « vie » lorsqu’il est suivi d’une épithète. L’un indique à cette rubrique : ‘« Part de l’activité humaine, type d’activité »65.’ L’autre fournit les mêmes informations en précisant : ‘« type d’activité qui s’exerce dans certaines conditions, certains domaines ’»66. Ces observations peuvent donner à penser que « vie physique » signifie « activité physique ». Force est de constater, toutefois, que l’expression « vie physique » n’est présente en aucun des dictionnaires consultés. Son élucidation suppose alors l’examen des informations qu’ils contiennent concernant les mots qui la composent.

Le nom « vie », au regard des informations que fournissent plusieurs dictionnaires, se révèle polysémique
L’étymologie du nom « vie » indique qu’il est susceptible d’avoir différents emplois dans la langue française67 (Graphique 1). Les dictionnaires consultés confirment qu’il en a effectivement plusieurs. Une utilisation vaut en matière de religion. On peut entendre, en ce cas : ‘« Source de connaissance, de réalisation spirituelle »’ 68. Il peut s’agir, aussi, de la vie future, éternelle, immortelle, dans la croyance à la survie des êtres humains69. D’autres significations sont à noter, qui n’ont pas trait, à tout le moins aussi directement, à la religion. L’une d’elles se révèle liée à la durée. La « vie » est alors : « Durée d’une chose »70, « Existence des choses dans le temps, sujette au changement »71... « Vie » peut vouloir dire, aussi, entrain, vitalité72 ; on utilise ce mot pour exprimer l’apparence animée73 d’une chose : ‘« Existence dont le caractère temporel et dynamique évoque la vie »74.’ L’expression de cette vitalité inscrite dans le temps est susceptible de concerner l’être humain. La « vie » peut être dès lors : ‘« Existence humaine envisagée dans sa durée totale, de la naissance à la mort »75 ’ ou encore ‘« Partie de ce temps, déjà vécue ou qui reste à vivre »76.’ Une autre acception apparaît alors qui a trait à l’ensemble des activités et des événements qui remplissent pour chacun cet espace de temps77. On peut ainsi considérer la « vie » en tant que manière de vivre, « ensemble des circonstances, des occupations au milieu desquelles on vit »78. Elle est susceptible, en ce cas, d’être  « Manière de vivre propre à quelqu’un ou à un groupe »79. Par ailleurs, le nom « vie », utilisé pour traduire un dynamisme qui perdure, peut signifier : ‘« Ensemble de phénomènes (nutrition, assimilation, croissance, reproduction...) communs aux êtres organisés et qui constituent leur mode d’activité propre, de la naissance à la mort »’ 80. La « vie » est alors l’ensemble des phénomènes biologiques qui caractérisent l’existence des êtres humains, des animaux, des végétaux81. La « vie », entendue comme manière de vivre, peut avoir rapport à la « vie » comprise comme fait de vivre : ainsi désigne-t-elle les moyens matériels (nourriture, argent) d’assurer la subsistance d’un être vivant82. Elle concerne en ce cas la condition humaine en général83. Le nom « vie » se révèle en définitive polysémique.

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Graphique n° 1 : Etymologie du nom « vie »
[Note: d’après : Picoche (J.), Le Robert, Dictionnaire étymologique du français, La généalogie de notre langue, collection : Les usuels du Robert, Poche, Paris : Dictionnaires Le Robert, 1994, pp. 581-582]

L’adjectif « physique », au regard des informations que fournissent plusieurs dictionnaires, se révèle polysémique
Le recours à l’étymologie donne à penser que l’épithète « physique » présente, elle aussi, différentes acceptions84 (Garphique 2). Les dictionnaires permettent de le vérifier. On peut utiliser l’adjectif « physique » pour signifier : ‘« Qui appartient à la nature, s’y rapporte’ »85. Plusieurs dictionnaires précisent cette définition ; on y lit ainsi : ‘« Qui se rapporte à la nature, à l’exclusion des êtres vivants »’ 86. Il peut s’agir alors de la géographie physique (par opposition à humaine ou économique)87. Il peut être question encore des sciences physiques, la physique et la chimie, par opposition aux sciences naturelles88. L’adjectif « physique » a ainsi rapport au nom féminin « physique ». L’une de ses significations est en effet : « Relatif à la physique »89. L’exemple généralement donné est, en ce cas : « Propriétés physiques d’un corps »90. La physique peut être définie comme la « Science qui étudie les propriétés générales de la matière et établit des lois qui rendent compte des phénomènes matériels »91. L’adjectif « physique », quant à lui, est susceptible de désigner un caractère effectif, matériel92. Cette acception se révèle de nature à valoir pour ce qui est des êtres humains : ainsi, peut-on être dans l’impossibilité physique de faire quelque chose93. On comprend alors que « physique » est potentiellement équivalent à : « Corporel, matériel », ‘« Qui concerne le corps humain par opposition à “moral, mental, psychologique, psychique” »’ 94. Ces définitions sont parfois suivies d’illustrations. Parmi celles-ci, on note : « Exercices physiques [...] culture, éducation physique »95. Il en est d’autres indiquant un rapport aux sens : « Plaisir physique »96, « Douleur, souffrance physique »97... D’autres encore montrent qu’on peut associer l’adjectif « physique » au nom masculin « physique » : « constitution physique »... On peut définir le physique comme étant ce qui est physique dans l’homme98. Il peut s’agir, alors, de l’aspect extérieur, général, d’une personne ou du corps humain vu sous l’angle de la constitution ou de l’état de santé. L’adjectif « physique », comme le nom « vie », s’avère ainsi polysémique. Il convient en conséquence de mettre en regard les acceptions de l’un avec celles de l’autre, pour tenter de donner sens à l’expression « vie physique ».

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Graphique n°2 : Etymologie de l’adjectif « physique »
[Note: d’après : Picoche (J.), Le Robert, Dictionnaire étymologique du français, La généalogie de notre langue, collection : Les usuels du Robert, Poche, Paris : Dictionnaires Le Robert, 1994, pp. 254-255]

L’expression « vie physique » se révèle polysémique
Cet examen fait apparaître des incompatibilités. Ainsi, l’adjectif « physique », s’il vaut « à l’exclusion des êtres vivants », ne peut-il accompagner le nom « vie » lorsqu’il concerne l’être humain. Il paraît, en outre, redondant de qualifier la « vie » de « physique », au sens de « matérielle », si elle concerne : les « moyens matériels d’assurer la subsistance d’un être vivant »... La confrontation opérée fournit aussi des informations plausibles quant au sens de l’expression « vie physique ». Cette dernière peut désigner un « type d’activité » qui « concerne le corps humain » ou est « relatif au physique ». Elle peut signifier, aussi, une « manière de vivre » qui a trait à l’« aspect extérieur d’une personne » ou à son « état de santé ». D’autres significations encore peuvent être envisagées. Par exemple : « Ensemble des phénomènes biologiques que présentent tous les organismes » et qui sont relatifs à la « constitution naturelle de l’homme ». Ou encore : « condition humaine » dans sa dimension « matérielle »... L’expression « vie physique » apparaît ainsi polysémique. Il convient dès lors de s’intéresser à sa signification ainsi qu’à celle de son utilisation dans un contexte particulier, relatif en l’occurrence à l’EPS.

Notes
50.

Arrêté du 24/03/1993, Epreuves d’éducation physique et sportive aux baccalauréats, brevets de technicien, brevet d’études professionnelles et certificats d’aptitude professionnelle, BO n° 24 du 08/07/1993, pp. 1999-2000

51.

Circulaire n° 94-007 du 12/01/1994, Epreuves aux baccalauréats, BT, BEP et CAP, BO n° 3 du 20/01/1994, pp. 236-243

52.

Arrêté du 22/11/1995, Modalités d’organisation du contrôle en cours de formation et de l’examen terminal pour l’EPS au lycée, BO n° 46 du 14/12/1995, pp. 3545-35456

53.

Circulaire n° 95-253 du 21/11/1995, EPS, aux baccalauréats, BT, BEP et CAP, BO n° 46 du 14/12/1995, pp. 3547-3550

54.

Arrêté du 22/02/1995, Programmes pour chaque cycle de l’école primaire, BO n° 5 du 09/03/1995, pp. 42-43

55.

Arrêté du 18/06/1996, Programmes d’EPS de la classe de sixième des collèges, BO n° 29 du 18/07/1996, pp. 1964-1968

56.

BO hors-série n° 10 du 15/10/1998, Programmes, Education physique et sportive, pp. 147-152

57.

Paris (B.), L’école prépare-t-elle les adultes de demain à bien gérer leur vie physique ?, in : Le corps à l’école, apprentissage et développement, Actes du colloque, 30 septembre et 1er octobre 1994, Saint Jacques de la Lande, Dossiers EPS, n° 22, pp. 28-33

58.

René (B.-X.), A quoi sert l’éducation physique et sportive ?, Dossiers EPS, n° 29, pp. 38-46, 47-53, 62-69, 99-124, 155-162, 415-419

59.

Comité d’études et d’informations pédagogiques de l’éducation physique et du sport, Rencontres chercheurs / praticiens, Actes des journées nationales, 27-28-29 septembre 1996, Dossiers EPS, n° 35, pp. 51, 52-53, 54-58

60.

Cogérino (G.), Des pratiques d’entretien corporel aux connaissances d’accompagnement, Dossiers EPS, n° 37, 141 p.

61.

Pineau (C.), L’application de l’arrêté du 24 mars 1993 relatif au baccalauréat et autres examens de l’éducation nationale, Revue EPS, n° 243, septembre-octobre 1993, pp. 57-60

62.

Vangioni (J.), Education physique et sportive, Programmes et apprentissages, Dossiers EPS, n° 36, 1997, p. 11

63.

Pineau (C.), Programmes en éducation physique et sportive, Revue EPS, n° 245, janvier-février 1994, p. 60

64.

Rouziès (C.), Réglementation de l’EPS explicitée par l’inspection générale, Dossiers EPS, n° 33, 1998, p. 62

65.

Rey (A.), Debove (J-P.), Petit Robert, Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, Paris : Editions du nouveau lettré, 1977

66.

Rey (A.), Debove (J-P.), Le Robert méthodique, dictionnaire méthodologique du français actuel, Paris : Editions Robert, 1982

67.

Picoche (J.), Le Robert, Dictionnaire étymologique du français, La généalogie de notre langue, Paris : Dictionnaires Le Robert, collection : Les usuels du Robert, Poche, 1994, pp. 581-582

68.

Dictionnaire encyclopédique Axis, Paris : Hachette, 1993, vol. 5, p. 3201

69.

Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, Paris : Robert, 1970, Tome 5

70.

Niobey (G.), Nouveau dictionnaire analogique, Paris : Larousse, 1979, p. 757

71.

Dictionnaire du français contemporain, Paris : Larousse, 1966, p. 1204

72.

Dictionnaire encyclopédique Axis, Op. cit., p. 3201

73.

Ibid, p. 3201

74.

Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, Op. cit.

75.

Dubois (J.), Larousse de la langue française, « Lexis », Paris : Librairie Larousse, 1979

76.

Dictionnaire encyclopédique Axis, Op. cit., p. 3201

77.

Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, Op. cit.

78.

Larousse / 3 volumes, Paris : Librairie Larousse, 1966, p. 3172

79.

Kannas (C.), Dictionnaire général Larousse pour la maîtrise de la langue française, la culture classique et contemporaine, Paris : Editions Larousse, 1993

80.

Le petit Larousse illustré, Paris : Editions Larousse – Bordas, 1999, p. 1065

81.

Dictionnaire encyclopédique Axis, Op. cit., p. 3201

82.

Rey (A.), Debove (J-P.), Le Robert méthodique, dictionnaire méthodologique du français actuel, Paris : Editions Robert, 1982

83.

Dictionnaire du français contemporain, Op. cit., p. 1204

84.

Picoche (J.), Op. cit., pp. 254-255

85.

Le petit Larousse illustré, Op. cit., p. 1065

86.

Rey (A.), Debove (J-P.), Petit Robert, Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, Paris : Editions du nouveau lettré, 1977

87.

Dubois (J.), Op. cit., 1979

88.

Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, Op. cit.

89.

Kannas (C.), Op. cit.

90.

Le petit Larousse illustré, Op. cit., p. 1065

91.

Rey (A.), Debove (J-P.), Le Robert méthodique, dictionnaire méthodologique du français actuel, Paris : Editions Robert, 1982

92.

Larousse / 3 volumes, Op. cit., p. 2382

93.

Dubois (J.), Op. cit.

94.

Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, Op. cit.

95.

Kannas (C.), Op. cit.

96.

Dubois (J.), Op. cit.

97.

Rey (A.), Debove (J-P.), Petit Robert, Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, Paris : Editions du nouveau lettré, 1977

98.

Rey (A.), Debove (J-P.), Le Robert méthodique, dictionnaire méthodologique du français actuel, Paris : Editions Robert, 1982