1.2.3 La question de la « vie physique »

La stabilité de l’emploi essentiel des formulations relatives à la « gestion de sa vie physique »
On observe que l’emploi essentiel des formulations relatives à la « gestion de sa vie physique » est stable dans l’échantillon. Il concerne un enseignement de l’EPS en matière de « vie physique » et vaut au regard d’une visée de l’EPS relative à la « vie physique ». Seul le texte officiel auquel il est fait référence change au fil du temps. Dans les écrits produits en la période d’application de l’arrêté du 24 mars 1993, c’est celui-ci qui fait foi. Après son abrogation, c’est l’arrêté du 18 juin 1996. Le fait qu’il n’apparaît pas de référence à l’arrêté du 22 février 1995 peut surprendre. Cet arrêté indique pourtant une visée relative à la « vie physique ». Il a en outre paru dans la période d’application de l’arrêté du 24 mars 1993 et a continué à valoir après l’abrogation de ce texte officiel. Il est à noter, cependant, que l’arrêté du 22 février 1995 concerne l’EPS au cycle 3 de l’enseignement primaire. Or, les écrits de l’échantillon sont extraits de la Revue EPS ou des Dossiers EPS, qui intéressent surtout l’EPS dans l’enseignement secondaire. Aussi peut-on envisager que l’assignation à l’EPS, par les textes officiels, d’une visée concernant la « vie physique » vaut au plan d’un processus d’influence. L’emploi principal des formulations relatives à la « gestion de sa vie physique » en serait la conséquence ; il serait dès lors indicateur d’une communication et de ses arcanes. Les textes officiels considérés sont porteurs d’une nouveauté en tant qu’ils assignent à l’EPS visée concernant la « vie physique ». On peut suggérer, à l’instar de G. Cogérino176, qu’ils suscitent ce qui correspond, selon P. Perrenoud, à  ‘« un travail [...] de réinvention, d’explicitation, d’illustration, de mise en forme, de concrétisation »’ 177. G. Cogerino indique aussi qu’il en va de l’élaboration d’un curriculum au sens où l’entend L. D’Hainaut178.

La question de la stabilité repérée quant à l’emploi essentiel des formulations relatives à la « gestion de sa vie physique »
On ne peut, cependant, se contenter de cette explication. Elle se heurte aux vicissitudes liées à la mise en place ou à l’abrogation des textes officiels pris en considération. Tous ceux qui ont paru à la suite de l’arrêté du 24 mars 1993 n’ont pas assigné à l’EPS visée concernant la « vie physique ». Ainsi n’a-t-il plus été de visée de ce type pour l’EPS dans le secondaire, à la mise en vigueur de l’arrêté du 22 novembre 1995. Ce n’est qu’une fois l’arrêté du 18 juin 1996 en application qu’il y en a eu de nouveau une. Il est en revanche une permanence au plan des textes officiels relatifs à la « vie physique » considérés. Il y en a toujours eu au moins un en vigueur en lequel il est question d’évaluation en matière de « vie physique ». On note, en outre, que seule la formulation « gestion de la vie physique » perdure dans ces textes officiels ; son emploi y vaut en un propos qui a trait à l’évaluation en EPS. On la trouve dans l’arrêté du 24 mars 1993179 et dans la circulaire du 12 janvier 1994180. Elle est présente, aussi, dans l’arrêté du 22 novembre 1995181 et dans la circulaire du 21 novembre 1995182. Cette stabilité pourrait avoir joué quant à l’emploi des formulations concernant la « gestion de sa vie physique » de l’échantillon. Il aurait ainsi pu y signifier qu’on s’intéresse à la « gestion de la vie physique » de l’élève. Ce, en référence à la « gestion de la vie physique » valant en termes génériques au plan des textes officiels. On peut en effet envisager que les textes officiels concernant l’évaluation ont un impact sur l’enseignement de l’EPS : R. Dhellemmes183, comme B. Boda,184, défend ce point de vue. Il est à rappeler, par ailleurs, que la circulaire du 21 novembre 1995 comporte une formulation relative à la « gestion de sa vie physique »185. Elle y apparaît en un discours sur l’évaluation aux examens. Cela aurait pu influer sur l’emploi des formulations de sa catégorie dans l’échantillon.

L’emploi des formulations relatives à la « gestion de sa vie physique » comme signe d’une réflexion à la question de la « vie physique »
Il s’avère que l’emploi essentiel des formulations relatives à la « gestion de sa vie physique » de l’échantillon vaut en référence aux textes officiels considérés. Or, ils sont de nature à en susciter un emploi principal différent. C’est alors que celui qui a cours procède d’une lecture interprétative et sélective de ces textes officiels ou qu’il l’induit. Cela suppose, en tout état de cause, qu’il signifie un point de vue chez ceux qui réfléchissent à la « vie physique » en EPS. Il a ainsi rapport à une façon de concevoir la question de la « vie physique » en EPS. Il est, selon celle-ci, pertinent de spécifier un enseignement idoine à une visée de l’EPS concernant la « vie physique ». La question de la « vie physique » est alors, au moins pour partie, le problème de la détermination de cet enseignement. Aussi peut-on envisager que l’emploi des formulations relatives à la « gestion de sa vie physique » signifie réflexion à ce problème. Cela permet d’expliquer qu’il est des propos en lesquels elles ne correspondent manifestement pas à une réalité bien déterminée. Ainsi trouve-t-on, en un document publié en 1993, un paragraphe intitulé : « À la recherche du SGVP »186, du Savoir Gérer Sa Vie Physique. On peut lire aussi, dans le même ouvrage, pour ce qui est de la « GVP », ou Gestion de sa Vie Physique : « Pour le moment nous sommes devant une sorte de désert théorique, ce qui ne veut pas dire [...] qu’il faille renoncer à des propositions disciplinaires »187. On peut mentionner encore un écrit, diffusé en 1997, en lequel il est indiqué : ‘« Les travaux portant sur l’objectif préconisant d’enseigner aux élèves à gérer leur vie physique [...] sont fort peu nombreux »188...’ Il est à noter, en outre, que les formulations relatives à la « gestion de sa vie physique » ont été inventions rhétoriciennes au regard des textes officiels pris en compte. Il n’en était point, en effet, dans ceux valant en la période d’application de l’arrêté du 24 mars 1993. Cela accrédite l’idée qu’elles ont valu en tant que signe de réflexion à la question de la « vie physique ». Des mises en sigles, comme « SGVP »189, « GVP »190 ou « GSVP »191 contribuent, de plus, à leur donner valeur de signe.

Le problème de l’évolution de la question de la « vie physique »
Leur emploi principal a ainsi rapport à une conception de la question de la « vie physique » que réfractent les écrits de l’échantillon. Or, l’emploi de la plupart des formulations concernant la « vie physique » dans les écrits rédigés lorsque valait l’arrêté du 24 mars 1993 la signifie. Elle a trait, alors, à la question principalement posée en matière de « vie physique ». Elle est question d’un enseignement donnant corps à une EPS qui a visée relative à la « vie physique ». La réflexion à la question de la « vie physique » prend différentes directions, dans les écrits produits après l’abrogation de l’arrêté du 24 mars 1993. À l’essentiel des formulations concernant la « vie physique » qu’on y trouve correspondent en effet deux emplois. L’un est similaire à celui qui avait principalement cours dans les écrits rédigés alors que l’arrêté du 24 mars 1993 était en vigueur ; si ce n’est qu’il vaut désormais en référence à l’arrêté du 18 juin 1996. L’autre apparaît en des propos concernant les acquisitions en matière de « vie physique » à évaluer à différents examens. Les textes officiels de référence sont, pour ce qui le concerne, l’arrêté du 22 novembre 1995 et la circulaire du 21 novembre 1995. Il se peut que les visées assignées à l’EPS dans le second degré, une fois l’arrêté du 24 mars 1993 abrogé, expliquent ces constatations. Il n’a alors plus été, en effet, de visée relative à la « vie physique » pour celle-ci jusqu’à la mise en vigueur de l’arrêté du 18 juin 1996. Il est possible, dès lors, que la réflexion à la question de la « vie physique » ait continué d’avoir cours, se centrant sur les données officielles restantes. Il se peut, qu’une fois l’arrêté du 18 juin 1996 en application, la réflexion impulsée ait perduré. Cette explication n’est toutefois pas la seule. Une autre a rapport à l’éventualité que la spécification d’un enseignement cohérent avec une visée relative à la « vie physique » ait posé problème. Or, la circulaire du 21 novembre 1995 informe quant aux acquisitions concernant la « gestion de la vie physique »192. Les informations qu’elle fournit peuvent servir de référence lorsqu’il s’agit d’élaborer des contenus d’enseignement. Il semble que cela a notamment été le cas en ce qui concerne le numéro 37 des Dossiers EPS, intitulé : ‘« Des pratiques d’entretien corporel aux connaissances d’accompagnement »193. ’

Le repérage d’une manière fondamentale d’envisager la question de la « vie physique »
Une évolution est, en tout état de cause, notable au plan des écrits de l’échantillon, qui concerne la réflexion à la « vie physique » en EPS. Il n’était initialement pas fait grand cas, en cette réflexion, des acquisitions en matière de « vie physique » à évaluer aux examens. Rares sont en effet les propos qui y ont trait, dans les écrits produits en la période d’application de l’arrêté du 24 mars 1993. Ils sont en revanche relativement courants dans ceux rédigés après l’abrogation de ce texte officiel. Il est aussi un point commun entre ces deux types d’écrits, qui a trait à la réflexion à la « vie physique ». Les propos concernant la spécification d’un enseignement en EPS idoine à une visée relative à la « vie physique » y sont relativement prégnants. Or, si les textes officiels indiquent des acquisitions à évaluer en matière de « vie physique », c’est qu’elles sont à enseigner. On peut alors estimer qu’elles sont en cohérence avec les orientations données à l’EPS. Cela conduit à considérer qu’une question est principalement posée quant à la « vie physique » en EPS, dans les écrits de l’échantillon. Les textes officiels pris en compte assignent des visées à l’EPS, dont l’une a trait à la « vie physique ». Ils donnent aussi des informations contribuant à la spécification de ces acquisitions. Ils renseignent encore sur la manière d’évaluer les acquisitions concernant la « vie physique ». On peut avancer, cependant, qu’ils n’indiquent pas tout ce qui est à enseigner en EPS concernant la « vie physique ». Ils ne déterminent pas, en outre, de façon d’enseigner en EPS ce qui a trait à la « vie physique ». Si bien que la question de la « vie physique » en EPS a pour noeud la détermination d’un enseignement relatif à la « vie physique ». Les textes officiels qui ont paru dans les années quatre-vingt-dix et assignent à l’EPS visée concernant la « vie physique » la légitiment. On peut dès lors considérer qu’elle est la conséquence de leur parution. Ces textes officiels sont cependant le fruit d’un travail d’élaboration, ce qui invite à s’enquérir de la mise en place de la question de la « vie physique ».

Notes
176.

Cogerino (G.), Gérer sa vie physique : contribution des enseignants d’EPS, Université de Caen : Centre de Recherches en Activités Physiques et Sportives, mai 1997, p. 2

177.

Perrenoud (P.), La fabrication de l’excellence scolaire, Droz, 1984, p. 229

178.

D’Hainaut (L.), Des fins aux objectifs de l’éducation, Paris : Nathan, Bruxuelles : Labor, collection éducation 2000, 1977, p. 23

179.

Arrêté du 24/03/1993, Op. cit., p. 1999

180.

Circulaire n° 94-007 du 12/01/1994, Op. cit., pp. 240-242

181.

Arrêté du 22/11/1995, Op. cit., p. 3545

182.

Circulaire n° 95-253 du 21/11/1995, Op. cit., pp. 3548, 3550

183.

Dhellemmes (R.), L’EP mise en question par l’évaluation, in : Méthodologie et didactique de l’EP, Editions STAPS, 1989

184.

Boda (B.), Examens et concours en EPS : instrument de transformation des pratiques, Revue Sciences de l’Education, Caen : CERSE, 1991

185.

Circulaire n° 95-253 du 21/11/1995, Op. cit., p. 3550

186.

Bonnefoy (G.), Op. cit., p. 11

187.

Dhellemmes (R.), Vers l’écoute et l’analyse critique des communications d’enseignants, in : Association des enseignants EPS, Op. cit., p. 20

188.

Cogérino (G.), Gestion de sa vie physique : contribution des enseignants d’EPS, Université de Caen : Centre de Recherches en Activités Physiques et sportives, mai 1997, p. 4

189.

Bonnefoy (G.), Op. cit., pp. 11-17

190.

Dhellemmes (R.), Op. cit., p. 19

191.

Cogérino (G.), Op. cit., 132 p.

192.

Circulaire n° 95-253 du 21/11/1995, Op. cit., p. 3548

193.

Cogérino (G.), Des pratiques d’entretien corporel aux connaissances d’accompagnement, Dossiers EPS, n° 37, 1998, 141 p.