1.3.2 La « vie physique » et la question des visées de l’EPS

Des I.O. de 1985 et 1986 à la question de la « vie physique » en EPS
La question de la « vie physique » a ainsi surtout rapport, dans les écrits de l’échantillon, à une visée relative à la « vie physique ». Elle semble avoir principalement trait à la mise en place de cette visée. C. Pineau donne le ton dans un article de la Revue EPS de mai-juin 1987, premier écrit parmi ceux de l’échantillon à avoir paru. Il précise qu’il s’exprime à propos de l’arrêté du 14 novembre 1985 et de celui du 14 mars 1986, pour ‘«  apporter un éclairage sur [...] ces textes officiels. »²⁰⁵ ’ Il en vient à aborder la question de la « vie physique », considérant qu’elle est incontournable lorsqu’on réfléchit aux orientations à donner à l’EPS. Il indique en effet en préambule ‘: « Pressée par les modifications profondes des rythmes de vie, l’EPS devait se prononcer sur les connaissances relatives à l’organisation de la vie physique de l’adulte. ’»²⁰⁶ Il ajoute, dans le corps du texte : ‘« L’éducation physique et sportive ne saurait se réduire, pour essentiel qu’aie été cet objectif, à l’aide qu’elle apporte par l’éducation du mouvement à la conservation et au développement des fonctions de vie et de relation, ainsi qu’à l’élaboration des conduites motrices. [...] Les modifications des habitus sociaux [...] imposent que soient enseignées les connaissances relatives à l’organisation de la vie physique et à la gestion du “droit à l’effort”. »²⁰⁷ ’ La question de la « vie physique » apparaît ainsi liée à l’affirmation de la nécessité d’assigner explicitement à l’EPS visée concernant la « vie physique ».

Jusqu’à 1990 : pour une EPS ayant « objectif général » en matière de « vie physique »
On peut considérer que cette assertion vaut encore implicitement dans l’article de C. Pineau qui a paru au numéro de la Revue EPS de mai-juin 1988. L’auteur évoque même ses implications au plan de l’enseignement, en un propos concernant la didactique de l’EPS et le choix des activités à enseigner. Il juge que leur spécification est, notamment, à envisager suivant ‘« les connaissances relatives à la nature des pratiques [...] et à l’organisation de la vie physique de l’enfant, de l’adolescent et de l’adulte. »’ ²⁰⁸ Il poursuit sa réflexion dans un article sorti en 1989 qu’il présente comme la suite de celui paru dans la Revue EPS de mai-juin 1988. Il y traite explicitement de « vie physique » au plan de l’énoncé d’un objectif général de l’EPS. Il indique en effet :

‘« Deux objectifs généraux regroupent les objectifs particuliers de l’EPS tels qu’ils sont énumérés dans les Instructions Officielles.

• le premier est de développer, chez tous les enfants et les adolescents, les capacités organiques, foncières et motrices. [...]

• le second, justifiant pensons-nous le premier, est d’assurer l’appropriation des pratiques corporelles qui constituent des faits de civilisation et de permettre ainsi l’accès à une partie de la culture. Cette appropriation, outre les connaissances permettant une meilleure pénétration du tissu social et culturel doit offrir à chacun la possibilité de mieux gérer sa vie physique aux différents âges de son existence. »²⁰⁹

’

En 1991, la proposition d’assigner à l’EPS trois objectifs généraux, dont l’un a trait à la « vie physique »
Ainsi les écrits de C. Pineau qui ont paru dans la Revue EPS de 1987 à 1989 signifient-ils un souci que l’EPS ait visée concernant la « vie physique ». Cette observation est cohérente en regard de propos de C. Pineau, diffusés par d’autres canaux que les écrits de l’échantillon. Ainsi affirme-t-il, en 1990, lors d’une conférence, qu’« apprendre à gérer sa vie physique » vaut au regard des objectifs généraux de l’EPS²¹⁰. Il est question d’une volonté qui se concrétise par une entreprise de formalisation. Après avoir envisagé deux objectifs généraux pour l’EPS, C. Pineau en propose trois. Le premier écrit de l’échantillon en lequel il en est ainsi a paru en 1991 et s’intitule : « Introduction à une didactique de l’éducation physique ». C. Pineau partage en deux énoncés distincts celui relatif, dans son écrit de la Revue EPS de mars-avril 1989, au second objectif général de l’EPS. Un énoncé concerne l’accès aux activités physiques, sportives et d’expression en tant que faits de culture, l’autre a trait à la « vie physique ». C. Pineau indique ainsi :

‘« Trois objectifs généraux caractérisent les finalités de l’éducation physique et sportive :

• le premier est de développer chez tous les enfants et les adolescents, les capacités organiques foncières et motrices. [...]

• le second est de permettre l’accès à un domaine de la culture en assurant l’appropriation de pratiques corporelles et notamment de pratiques sportives et d’expression, qui constituent des faits de civilisation.

• le troisième est d’offrir à chacun, outre les connaissances permettant une meilleure pénétration du tissu social et culturel, celles concernant l’entretien de ses potentialités et l’organisation de sa vie physique aux différents âges de son existence. »²¹¹

’

La proposition d’assigner à l’EPS trois « objectifs généraux », dont l’un a trait à la « vie physique » perdure dans les écrits signés de C. Pineau
Cette présentation des objectifs généraux de l’EPS est semblable à celle qui sera inscrite dans l’arrêté du 24 mars 1993. Elle se trouve toutefois dans un document qui n’est pas texte officiel. Avant que l’arrêté du 24 mars 1993 n’entre en vigueur, sont encore publiés, dans la Revue EPS, cinq articles signés de C. Pineau. L’idée d’une EPS à laquelle seraient assignés trois objectifs généraux dont l’un concerne la « vie physique » perdure dans le discours qu’ils véhiculent. L’« Introduction à une didactique de l’éducation physique » fait foi, pour ce qui est visées de l’EPS, dans quatre écrits que C. Pineau signe seul²¹². Il en est un autre, qu’il a rédigé avec A. Hébrard ; on lit dans cet article, qui vise à faire connaître les réflexions présidant aux propositions de programmes :

‘« trois finalités animent l’éducation physique et sportive :

• Développer les conduites motrices et les aptitudes et capacités qu’elles impliquent.

• Ouvrir l’accès au domaine de la culture que constitue la pratique des activités physiques et sportives.

• Apporter les connaissances et savoirs nécessaires à l’organisation et la conduite de la vie physique à tous les âges de la vie. »²¹³

’

Ainsi cette explicitation des visées de l’EPS est-elle relativement similaire à celle qui est stabilisée dans les écrits de C. Pineau, édités à partir de 1991.

Une réflexion à la question de la « vie physique » préparant celle qui a eu cours alors que valait l’arrêté du 24 mars 1993
La lecture des écrits de l’échantillon accrédite ce que l’examen de l’emploi des formulations concernant la « vie physique » qu’il comporte donne à penser. La question de la « vie physique » y a rapport à la mise en place d’une visée de l’EPS relative à la « vie physique ». La question de la stabilisation d’un énoncé concernant cette visée s’avère indissociable de celle de l’énoncé de l’ensemble des objectifs généraux de l’EPS. C. Pineau explicite initialement deux visées. L’énoncé relatif à la seconde alors présentée est ensuite scindé en deux énoncés dont chacun concerne une visée particulière. Les trois visées de l’EPS dès lors présentées sont reprises dans les écrits que signe par la suite C. Pineau. La formulation de chacune fluctue d’un écrit à l’autre. La présentation de celle qui a trait à la « vie physique » apparaît alors valoir au regard et en regard de l’explicitation des deux autres. Une mise en système des trois énoncés est ainsi stabilisée dans les écrits de C. Pineau. On la retrouve dans l’arrêté du 24 mars 1993. Aussi peut-on envisager que la réflexion à la « vie physique » en EPS qui a eu cours avant sa mise en vigueur a préparé celle qui s’est développée après.