2.1.3 Assignation de trois visées à l’EPS et définitions de l’EPS

Trois conceptions qui valent pour expliquer l’assignation à l’EPS en France et à la fin du XX e siècle d’une visée concernant la « vie physique »
A. Hébrard a prononcé une conférence en 1995 qui a trait aux finalités de l’EPS contemporaine de son propos. L’une est, à ses yeux, éducative. Il en est une autre qu’il juge utilitaire. Il qualifie la dernière de culturelle. Si on le suit, l’assignation de ces finalités vise à un accomplissement de l’EPS. Celui-ci a rapport au projet d’éducation nationale qui a vu le jour sous la révolution française. On peut ainsi envisager que les textes officiels publiés de 1993 à 1998 et qui allouent à l’EPS trois visées oeuvrent à un accomplissement de l’EPS. C’est alors que la mise en place par ces textes officiels d’une visée relative à la « vie physique » vaut en cette entreprise. On peut aussi expliquer l’assignation de cette visée à l’EPS en se référant aux propos qu’a tenus G. Klein en 1993. Elle trouve, selon lui, sa pertinence au regard d’évolutions qui concernent le système éducatif depuis l’après-guerre. Il considère qu’elle est de nature à susciter une évolution de l’EPS cohérente avec celles-ci. Elle est ainsi promesse de réussite pour l’EPS. On peut encore faire sien le point de vue que C. Pineau exprime dans des écrits publiés de 1987 à 1993. D’après son analyse, la visée qui a trait à la « vie physique » permet à l’EPS de s’affirmer en tant que discipline d’enseignement. Il juge cette visée en cohérence avec les lignes directrices auxquelles se réfèrent les Instructions Officielles de 1985 et 1986. L’explicitation de celle-ci est alors un ajustement en regard de ces textes officiels.

L’idée que l’assignation à l’EPS de trois visées, dont l’une concerne la « vie physique », a pour objet la mise en place d’une problématique nouvelle
Les trois conceptions analysées ne sont pas identiques, sans pour autant s’exclure mutuellement par nature. Elles concourent à tout le moins à expliquer l’enjeu de l’assignation à l’EPS de trois visées dont l’une a trait à la « vie physique ». Elles induisent en effet l’idée qu’il en va de la mise en place d’une nouvelle problématique pour l’EPS ou de l’EPS. Cette analyse procède de l’examen de propos tenus par des personnes qui se font connaître comme représentants de l’institution. Leurs dires n’ont cependant pas force de loi. A. Hébrard indique, pour ce qui est de sa conception des finalités de l’EPS : « Ma fréquentation des principaux textes et commentaires sur l’EPS publiés depuis plus d’un siècle m’ont installé dans une conviction que je vous propose ici comme hypothèse de discussion »273. G. Klein emploie en outre le mode conditionnel lorsqu’il explicite les « types de rapports à la gestion de sa vie physique »274. C. Pineau indique pour sa part, dans l’avant-propos de son ‘« Introduction à une didactique de l’éducation physique » : « il est évident que les thèses qui y sont développées ne peuvent engager que la responsabilité de celui qui rédigea cette étude »’ 275. Or, il propose en cet écrit qu’on assigne à l’EPS trois objectifs généraux. Ainsi, les propos d’A. Hébrard, G. Klein ou C. Pineau examinés ont-ils valeur d’hypothèses. Il est néanmoins de l’ordre du fait que ces hypothèses ont été émises. Leur diffusion contribue à asseoir une visée relative à la « vie physique » parmi celles de l’EPS. Elle concourt aussi à installer une signification à l’assignation à l’EPS de trois visées, dont l’une concerne la « vie physique ». Elle contribue à établir l’idée que cette assignation vise la mise en place d’une nouvelle problématique concernant l’EPS. Il s’agit alors de s’enquérir de la formulation de cette problématique.

L’oeuvre de C. Pineau quant aux visées de l’EPS : pour la stabilisation d’une définition de l’EPS à partir de ses visées ?
Cette dernière procède des visées assignées à l’EPS. On peut escompter alors qu’elles induisent une définition de l’EPS qui rend compte de cette problématique. Il est, à tout le moins, envisageable qu’elles sont susceptibles d’être redéfinies pour l’expliciter. Cela invite à s’enquérir des propos des représentants de l’institution s’essayant à définir l’EPS au regard des trois visées qui lui sont allouées. Ceux que tient C. Pineau en tant qu’‘« Inspecteur général de l’Education nationale, Doyen du groupe EPS »’ dans plusieurs écrits s’avèrent dès lors à considérer. Il présente dans son « Introduction à une didactique de l’éducation physique » les trois objectifs généraux de l’EPS. Il écrit, après les avoir explicités : ‘« Les objectifs assignés à l’éducation physique [...] lui permettent, en même temps qu’elle précise son identité, de définir son champ d’intervention. »’ Il présente alors une sorte de définition de l’EPS : ‘« Discipline d’enseignement, elle propose, en favorisant le développement et l’entretien organiques et fonciers, l’acquisition de connaissances et la construction de savoirs permettant l’organisation et la gestion de la vie physique à tous les âges ainsi que l’accès au domaine de la culture que constituent les pratiques sportives. »276 ’ Ce propos se trouve dans un document publié en 1991. C. Pineau le reprend dans la Revue EPS de janvier-février 1994, le présentant comme un résumé des objectifs généraux de l’EPS277. Cet article a été rédigé alors que valait l’arrêté du 24 mars 1993 : l’auteur y fait référence278. Ainsi, C. Pineau paraît-il avoir arrêté un point de vue quant à l’objet de l’EPS, au regard des trois objectifs généraux qui lui sont alloués. Il semble le juger cohérent avec les indications que fournit l’arrêté du 24 mars 1993.

La question de la définition de l’EPS ou de son objet au regard des écrits que signe C. Pineau
On ne peut considérer, cependant, que C. Pineau a statué quant à une définition de l’EPS au regard des ses visées. On s’en aperçoit à la lecture d’un article qu’il a rédigé en collaboration avec A. Hébrard. C. Pineau y émarge en tant qu’inspecteur général, A. Hébrard, comme président du GTD EPS. Les auteurs y fournissent des indications contribuant à une spécification de l’EPS. Leur explicitation des objectifs généraux de l’EPS est semblable à celle qu’on trouve dans l’arrêté du 24 mars 1993. Elle est similaire, aussi, à celle que C. Pineau en fournit dans son « Introduction à une didactique de l’éducation physique ». Ce que C. Pineau et A. Hébrard en retirent diffère pourtant de ce qu’indique C. Pineau dans cet ouvrage ou dans la Revue EPS de janvier-février 1994. Selon eux, en effet, l’EPS vise ‘« d’une part, à l’acquisition de connaissances et à la construction de savoirs qui s’exercent à travers des activités physiques et sportives et fondent la culture physique et sportive de chacun, d’autre part, au développement et à l’entretien des ressources fonctionnelles. »’ Il est ajouté : ‘« D’une façon générale, par la sollicitation et par la mise en oeuvre d’actions et de conduites motrices variées, l’éducation physique et sportive contribue à l’acquisition et au développement de capacités et de connaissances relatives à l’organisation de la vie physique. »279 ’ Ainsi, des écrits signés de C. Pineau, édités alors que valait l’arrêté du 24 mars 1993, renseignent-ils quant à la définition de l’EPS ou de son objet. Leur lecture ne fait pas apparaître de point de vue véritablement arrêté sur la question.

La question de la définition de l’EPS ou de son objet au regard d’un écrit que signe G. Malvezin
G. Malvezin est l’inspecteur général qui a succédé à C. Pineau en tant que doyen du groupe EPS. Il a produit, à ce titre, un écrit en lequel il envisage l’EPS du point de vue des visées qu’elle doit atteindre. On trouve sa production dans un document préparatoire à un colloque qui s’est tenu en mai 1995. Elle a été rédigée alors que valait l’arrêté du 24 mars 1993. L’auteur y écrit en effet à propos de « l’école du nouveau contrat » ; c’est alors qu’il se réfère à la circulaire du 19 juillet 1994280. Il indique : ‘« Ni divertissement pur, ni laboratoire de champions sportifs, ni propédeutique aux autres apprentissages, l’Education Physique et Sportive maintient [...] un équilibre, impliquant des choix précis, entre l’aide immédiate au développement de l’élève et à son accès à la culture et l’appropriation de connaissances et de savoirs réinvestissables tout au long de sa vie. »’ 281 Le propos signifie un dilemme à résoudre dont il n’est pas question dans ceux de C. Pineau ou de C. Pineau et A. Hébrard. Il conduit alors, en regard de ceux-ci, à s’interroger à nouveau quant à la définition de l’EPS ou de son objet. D’autres discours pourraient être rapportés, en outre, dont l’examen conduirait à des constatations cohérentes avec celle-ci282.

La question de la définition de l’EPS ou de son objet au regard d’un écrit que signe C. Rouziès
La remarque vaut pour ce qui concerne des propos tenus une fois l’arrêté du 24 mars 1993 abrogé. On le constate à la lecture d’un article de C. Rouziès, qui a paru dans la Revue EPS de juillet-août 1996283. L’auteur y émarge en tant qu’« Inspecteur général, Education Nationale, Groupe EPS »284. Il donne à connaître ce qui constitue, à ses yeux, le but fondamental de l’EPS. Ont lit en effet : ‘« Le bien-être des personnes voudrait que sur le plan du corps et de son activité, chacun puisse trouver sa voie et les moyens de la pratique souhaitée. [...] C’est là le but fondamental de l’éducation physique et sportive. »’ 285 Il ajoute : ‘« Cela se traduit par trois axes d’enseignement, fixés par les instructions officielles »’ 286. On retrouve dans les axes d’enseignement formulés ceux indiqués dans l’arrêté du 24 mars 1993. On reconnaît aussi ceux présentés dans l’arrêté du 18 juin 1996287. Ainsi C. Rouziès considère-t-il qu’un but essentiel est poursuivi au travers des trois visées de l’EPS. Il s’agit de permettre à chacun de trouver « chaussure à son pied » en matière de pratique physique. L’idée paraît recevable au regard des textes officiels en vigueur quand il écrit. Elle semble, aussi, compatible avec les propos de C. Pineau, de C. Pineau ou A. Hébrard ou encore de G. Malvezin qui ont été rapportés. Ceux-ci, toutefois, ne font pas valoir de but fondamental de l’EPS, fonction des visées qui lui sont assignées. C’est alors que le propos de C. Rouziès peut être considéré comme nouveau point de vue qui concerne les visées de l’EPS au plan de leurs interrelations.

Pour une étude des travaux concernant ce qui, dans l’enseignement de l’EPS vaut en matière de « vie physique »
Des textes officiels, publiés de 1993 à 1998, assignent à l’EPS une visée concernant la « vie physique ». Ce qui appelle à réfléchir à un enseignement en cohérence avec celle-ci. L’examen de la question de la « vie physique » appelle celui des propos des représentants de l’institution visant à élucider cette visée. Ils invitent à considérer la mise en place de trois visées, dont l’une a trait à la « vie physique ». Ils concourent à signifier qu’elle induit une nouvelle problématique concernant l’EPS. On peut considérer alors qu’elle appelle une définition de l’EPS qui rend compte de cette problématique. Cela conduit à l’étude des propos des représentants de l’institution qui envisagent l’EPS du point de vue de ses visées. Il n’apparaît pas de définition de l’EPS véritablement consensuelle en ceux-ci. Il n’est pas de consensus quant à l’interprétation des visées assignées à l’EPS ou concernant les relations entre ces visées. L’explicitation de la problématique qu’elles induisent fait ainsi problème. Il convient alors de s’enquérir des implications de cet état de fait au plan de l’enseignement : il s’agit de déterminer s’il apparaît, à ce niveau, un consensus quant à la « vie physique » en EPS. Les résultats d’enquêtes concernant ce qui, dans l’enseignement de l’EPS, a trait à la « vie physique » sont dès lors à examiner.

Notes
273.

Hébrard (A.), Op. cit., p. 47

274.

Klein (G.), Op. cit., pp. 89-90

275.

Pineau (C.), Introduction à une didactique de l’éducation physique, Dossiers EPS, n° 8, 1991, p. 7

276.

Pineau (C.), Op. cit., p. 14

277.

Pineau (C.), Programme en éducation physique et sportive, Revue EPS, n° 245, janvier-février 1994, p. 60

278.

Pineau (C.), Op. cit., pp. 61, 62

279.

Pineau (C.), Hébrard (A.), Schéma directeur du programme d’éducation physique et sportive, Revue EPS, n° 247, mai-juin 1994, pp. 49-54

280.

Circulaire n° 94-210 du 19/07/1994, Expérimentation en collège – année 1994/1995, BO n° 30 du 28/07/1994

281.

Malvezin (G.), Un nouveau contrat pour l’E.P.S., in : CRUISE, Colloque international, A quoi sert l’éducation physique et sportive ?, Document préparatoire, CRUISE, CUFEP, 1995, p. 22

282.

Par exemple :

Hébrard (A.), Op. cit., p. 49

Malvezin (G.), Une nouvelle étape pour l’EPS, Revue EPS, n° 250, novembre-décembre 1994, p. 9

283.

Rouziès (C.), Réflexions sur les finalités et les objectifs de l’EPS, Revue EPS, n° 260, juillet-août 1996, pp. 71-72

284.

Rouziès (C.), Op. cit., p. 72

285.

Ibid., pp. 71-72

286.

Ibid., p. 72

287.

Au regard des deux références suivantes :

Rouziès (C.), Réflexions sur les finalités et les objectifs de l’EPS, Revue EPS, n° 260, juillet-août 1996, p. 72

Rouziès (C.), Réglementation de l’EPS explicitée par l’inspection générale, Dossiers EPS, n° 33, 1997, Deuxième édition augmentée, p. 3