2.2 Les enquêtes concernant la « vie physique » dans l’enseignement de l’EPS

2.2.1 La confrontation de deux enquêtes faites en 1993

La question de l’examen des résultats de deux enquêtes, faites en 1993
Deux enquêtes faites en 1993 ont été repérées, qui comportent chacune une question appelant à expliciter ce qui, dans les cours d’EPS, concerne la « vie physique ». Elles ont eu lieu alors que l’arrêté du 24 mars 1993 était en vigueur et avant la mise en application de la circulaire du 12 janvier 1994288. Aussi est-il tentant de confronter les réponses obtenues dans l’une à celles recueillies dans l’autre, pour déterminer si elles sont similaires ou non. G. Cogérino a enquêté auprès d’enseignants d’EPS (Tableau n°3), leur demandant : ‘« Comment concrètement pensez-vous prendre en compte dans votre enseignement quotidien la finalité “gérer sa vie physique” ? »289 ’ R. Dhellemmes a interrogé des inspecteurs pédagogiques régionaux en EPS (Tableau 3) en ces termes : ‘« Comment s’opérationnalise dans les séances d’EPS aujourd’hui la préoccupation “Savoir gérer sa vie physique” ? »’ 290 Ces questions concernent l’enseignement de l’EPS. Elles visent à spécifier ce qui, en celui-ci, vaut au regard de la visée concernant la « vie physique » qu’indique l’arrêté du 24 mars 1993. Elles sont néanmoins formulées différemment. De plus, on interroge, dans un cas, des enseignants, dans l’autre, des inspecteurs. En outre, ce qui est dit d’une pratique n’est pas forcément à tenir pour argent comptant. Aussi faut-il s’interroger quant à la pertinence qu’il peut y avoir à comparer les réponses faites à un enquêteur à celles données à l’autre.

Tableau n°3 : Les entrées privilégiées par les enseignants d’EPS pour envisager un enseignement ayant trait à la « GSVP », selon : Cogérino (G.), Gestion de la vie physique, Revue EPS, janvier-février 1995, p. 20
En matière de « GSVP »
Entrée par Exemples
l’appétence,
la motivation
Transmettre le goût de l’activité physique : par le plaisir de jouer, en différenciant les modes d’entrée, en faisant découvrir que l’activité n’est pas limités aux seuls doués, etc. Susciter des émotions et donner l’envie de retrouver ces émotions.
Amener l’élève à avoir des objectifs, des projets à long terme.
Donner un sens immédiat aux situations.
Inculquer des valeurs : différencier effort/plaisir, apprendre à se situer par rapport à soi et non par rapport aux autres ou par rapport à la norme.
le dialogue,
le questionnement
Expliquer, justifier ce que l’on fait et pourquoi : intérêts et risques d’une pratique, faire comprendre l’intérêt d’un échauffement.
Donner :
- des informations pour une meilleure hygiène de vie (méfaits du tabac, de la drogue, hygiène alimentaire, prévention des traumatismes, choix des chaussures, etc.),
- la parole aux élèves.
la mise en place de projets Créer :
- un club santé dans l’établissement,
- des modules interdisciplinaires.
la programmation Prendre en compte des pratiques de détente, de loisir, d’entretien : APS « faisables » dans l’environnement immédiat, pratiques connotées loisir (patinage, beach-volley, etc.)
Introduire des activités qui plaisent (nouvelles, moins « traditionnelles ») pour entretenir la motivation des élèves.
Choisir des activités dont la modalité compétitive peut être prise en charge localement (existence de clubs et structures d’accueil accessibles).
Programmer des activités selon des principes déterminants pour l’organisation ultérieure autonome : endurance en hiver, etc.
la seule prise en compte des deux premiers
objectifs généraux
Donner des outils :
- pour accroître sa disponibilité corporelle : apprendre à courir/sauter/lancer, développer les composantes de la valeur physique (force, endurance, souplesse, coordination, latéralité, etc.), apprendre quelques mouvements de « gym utilitaire »,
- pour se situer, se connaître : connaître son propre potentiel physique, savoir s’auto-évaluer selon des critères précis, etc.,
- nécessaires à la conduite d’une pratique physique collective et autonome : accepter toute forme de règlement, savoir gagner et perdre, participer à la vie associative, aux prises de responsabilité, connaître les conditions minimales d sécurité de certaines pratiques, etc.
Donner des connaissances sur le renforcement musculaire, les assouplissements, les risques d’une pratique inconsidérée, l’alimentation et l’hydratation, etc.
Illustrer savoirs et connaissances par la forme des leçons et leur présentation : en respectant l’alternance des efforts, en proposant un échauffement spécifique à chaque APS, en établissant des contrats personnalisés, en mettant en relation systématique pratique physique et notion de bien-être, etc.
Valoriser certains savoirs et contenus d’enseignement : connaissances et intério-risation de certaines postures pour ne pas se blesser, en insistant sur le développement des capacités aérobies pour les 12-14 ans et sur le développement musculaire pour les 14-16 ans, stimuler la vigilance pour prévenir les accidents, apprendre à placer sa respiration durant les efforts, en valorisant le corps relationnel et existentiel, etc.
les aménagements
de l’institution scolaire
Modifier les emplois du temps pour respecter les rythmes biologiques.
Systématiser l’emploi des méthodes actives dans toutes les disciplines.

La prise en considération de propos concernant ce qui, en EPS, a trait à la « vie physique »
Chacune des questions envisagées concerne la « vie physique » au plan des pratiques d’enseignement. Il est possible, alors, de considérer les réponses enregistrées dans chaque enquête en tant que discours relatifs à la « vie physique » dans l’enseignement de l’EPS. Dès lors, la comparaison de ceux inventoriés par G. Cogérino à ceux recueillis par R. Dhellemmes est envisageable. On peut ainsi s’enquérir de l’existence d’un consensus quant à ce qui se dit de l’enseignement de l’EPS, au plan de la « vie physique ». Les modalités de confrontation des propos listés en chaque enquête sont à considérer. G. Cogérino range les réponses qu’elle a obtenues en cinq ‘« entrées privilégiées par les enseignants pour faire acquérir savoirs et connaissances »’ 291 ; on a, par exemple : ‘« Entrée par l’appétence, la motivation », « Entrée par le dialogue, le questionnement »’. G. Cogérino présente ces cinq entrées en les ordonnant depuis celle qui regroupe le plus grand nombre de réponses jusqu’à celle qui en comporte le moins. Elle ne fournit cependant aucune nombre. G. Bonnefoy a classé les réponses qu’a recueillies R. Dhellemmes en quatre catégories292 : « Dans le traitement des APS », « Dans les contenus spécifiques »... G. Bonnefoy indique un chiffre pour chaque donnée listée en l’une d’elles. Ainsi lit-on : ‘« Conseils relatifs à la mise en train, à la récupération, 9 »’. On ignore cependant le mode de comptage dont les nombres fournis procèdent. Ces observations ont une implication quant à la comparaison à opérer. Il s’agit d’envisager chaque réponse recueillie en une enquête en regard de celles qui le sont dans l’autre ; l’objet est de statuer quant à la similarité des réponses obtenues par un enquêteur avec celles collectées par l’autre.

Approche descriptive des réponses à la question de G. Cogérino et à celle de R. Dhellemmes
Il peut être considéré que certaines réponses, obtenues par G. Cogérino, n’ont pas véritablement rapport à la question qu’elle a posée. Cette question a trait à l’enseignement de l’EPS. Or, des personnes ont répondu, par exemple : ‘« créer un club santé dans l’établissement », « Modifier les emplois du temps pour respecter les rythmes biologiques »’... D’autres réponses, faites à G. Cogérino ou R. Dhellemmes, concernent l’EPS de façon plus évidente et plus directe. On a, notamment, dans le travail de G. Cogérino : ‘« Transmettre le goût de l’activité physique : par le plaisir de jouer, en différenciant les modes d’entrée, en faisant découvrir que l’activité physique n’est pas limitée aux seuls doués, etc. »’ 293 R. Dhellemmes a obtenu, quant à lui, des réponses comme : ‘« Savoir prendre des décisions en sport collectif »’ 294... Les données recueillies dans chaque enquête sont de natures diverses. Il en est qui désignent ce qui est à acquérir : ‘« apprendre quelques mouvements de “gym utilitaire” »’... Certaines personnes indiquent des activités physiques à pratiquer : « Cycles de courses longues »... D’autres explicitent une procédure d’enseignement ou d’apprentissage : ‘« Autonomie dans les situations d’apprentissage »’... Ces trois caractéristiques ne s’excluent pas mutuellement pour ce qui est d’une réponse donnée. On peut ainsi avoir : « Respect de règles de sécurité en gym, en APPN »...

Approche comparative des réponses à la question de G. Cogérino et à celle de R. Dhellemmes
Il arrive qu’un propos, répertorié par G. Cogérino, soit semblable à un autre, recueilli par R. Dhellemmes, par exemple :

  • ‘« Donner des informations pour une meilleure hygiène de vie [...]’ » / « ‘Approche par des connaissances déclaratives sur le maintien de la santé, de l’intégrité physique ’»,

  • « ‘Programmer des activités selon des principes déterminants pour l’organisation ultérieure autonome : endurance en hiver, etc’. » / « ‘Les élèves font des projets en course longue, danse, gym’ »,

  • « ‘savoir s’auto-évaluer [...]’ » / « ‘Procédures d’auto, co-évaluation’ ».

Sont à noter, aussi, des données qu’on ne trouve que dans l’une des enquêtes considérées. Quelques exemples peuvent être fournis en chaque cas.

  • Concernant l’enquête de G. Cogérino, on note :
    • « Transmettre le goût des activités physiques »,

    • « Donner un sens immédiat aux situations »,

    • « Prendre en compte des pratiques de détente, de loisir, d’entretien ».

  • Pour ce qui est de l’enquête de R. Dhellemmes, on a :
    • « Formation d’arbitres, de juges, de chronométreurs »,

    • « Savoir prendre des décisions en sport collectif »,

    • « Les élèves sont amenés à gérer [...] des rôles, du matériel ».

La question de la « vie physique » en EPS au regard des enquêtes de G. Cogérino et de R. Dhellemmes, faites en 1993
Les deux inventaires de réponses faits en chaque enquête présentent des similitudes. On trouve cependant, en chacun, des propos différents de ceux présents dans l’autre, qui peuvent indiquer des acquisitions spécifiées, des activités à pratiquer ou des procédures d’enseignement. Aussi peut-on penser qu’il n’est pas de référence absolue en fonction de laquelle ces données ont été envisagées. Cela est cohérent en regard de remarques que font G. Cogérino et G. Bonnefoy. La première indique : ‘« Les enseignants interrogés avouent une grande difficulté à citer et situer ce qui relèverait de la GSVP »’ 295. Le second note, au sujet des réponses obtenues par R. Dhellemmes : ‘« On peut dire que l’opérationnalisation de cette préoccupation [...] est à ce jour peu explicite »296.’ En tout état de cause, les enquêtes examinées ne font pas apparaître de consensus sur ce qui, dans l’enseignement de l’EPS, concerne la « vie physique ». Or, elles ont été conduites alors que l’arrêté du 24 mars 1993 assignait à l’EPS visée relative à la « vie physique ». Si bien que la question des caractéristiques d’un enseignement idoine au projet d’EPS présenté en ce texte officiel a lieu d’être posée. Elle est susceptible de concerner l’EPS au regard du seul objectif général relatif à la « vie physique ». Elle est aussi de nature à avoir rapport à l’EPS en sa globalité. Certaines réponses recueillies ont trait à des thèmes de travail : ‘« gestion autonome de l’échauffement ’»... D’autres intéressent l’enseignement de l’EPS : « Rendre l’élève acteur de ses apprentissages »...

Notes
288.

Quelques précisions sont à apporter :

Cogérino (G.), Gestion de la vie physique, Revue EPS, n° 251, janvier-février 1995, p. 19

L’auteur écrit, en préambule de son compte-rendu d’enquête : « Trois objectifs généraux (1) orientent les pratiques relatives à l’enseignement de l’EPS ». La note « (1) » signifie la référence à l’arrêté du 24 mars 1993.

Bonnefoy (G.), Op. cit., p. 13

L’auteur donne des indications quant au « SGVP », avant de présenter les résultats d’une enquête qui y a trait. « On trouve dans les textes les plus récents [...] un ensemble d’affirmations qui évoquent très précisément la question du SGVP [...] Arrêté fixant les nouvelles modalités d’organisation du CCF / BAC [...] » Est ensuite cité l’énoncé relatif au troisième objectif général qu’on trouve dans l’arrêté du 24 mars 1993.

289.

Cogérino (G.), Op. cit., p. 19

290.

Bonnefoy (G.), Op. cit., p. 13

291.

Cogérino (G.), Op. cit., p. 20

292.

Bonnefoy (G.), Op. cit., pp. 14-15

293.

Cogérino (G.), Op. cit., p. 20

294.

Bonnefoy (G.), Op. cit., p. 13

295.

Cogérino (G.), Op. cit., p. 20

296.

Bonnefoy (G.), Op. cit., p. 16