2.1.2 L’analyse d’une enquête faite en 1995

L’enquête faite en 1995 par G. Cogérino, au regard des données officielles quant à la « vie physique » en EPS
G. Cogérino a enquêté à nouveau en 1995 quant à la « vie physique » dans l’enseignement de l’EPS. Elle a demandé à des enseignants de répondre à un questionnaire qu’elle a diffusé, précise-t-elle, en novembre et décembre297. Il est à noter que l’arrêté du 22 novembre 1995 a abrogé celui du 24 mars 1993. Or, il n’attribue pas à l’EPS, dans le secondaire, visée relative à la « vie physique ». On peut cependant envisager que les gens interrogés par G. Cogérino en 1995 ont à l’esprit les objectifs généraux que l’arrêté du 24 mars 1993 indique. Ce, indépendamment de la date à laquelle ils ont répondu. G. Cogérino, en outre, fait plus qu’inviter à s’y référer par les questions qu’elle pose. Ainsi demande-t-elle ‘: « Ce que vous faites pour répondre aux deux premiers objectifs [...] vous semble-t-il contribuer au troisième objectif (donner connaissances et savoirs permettant de gérer la vie physique à tous les âges)? »298...’ Cette enquête, par ailleurs, a été conduite alors qu’était en application la circulaire du 12 janvier 1994 ou bien celle du 21 novembre 1995 qui l’a abrogée. Or, ces circulaires présentent des listes similaires d’acquisitions concernant la « vie physique »299. Ceux qui ont répondu au questionnaire de G. Cogérino ont ainsi eu la possibilité de se référer à l’une de ces deux listes. On peut ainsi songer à confronter leurs réponses à ces listes de connaissances. Cela pourrait permettre de déterminer si la question de la « vie physique » est réflexion à un enseignement en référence à une liste officielle d’acquisitions.

Le questionnaire de 1995 : des rubriques préétablies pour une étude quantitative
Il s’avère que cette comparaison n’est pas pertinente, ce qui est à attribuer au questionnaire diffusé. Il découle de l’analyse des réponses obtenues lors de l’enquête que G. Cogérino a menée en 1993. Une question ouverte a été posée à des enseignants d’EPS à l’occasion de cette enquête. Elle est relative à la manière dont ils prennent en charge la « finalité “gérer sa vie physique” ». Les réponses recueillies ont permis à G. Cogérino d’élaborer une « grille d’analyse de contenu »300 à l’aide de laquelle elle a construit un questionnaire pour son enquête de 1995301. Elle signale en effet, à propos de celui-ci : ‘« Les questions reprennent les résultats de l’enquête qualitative afin de préciser quelle proportion d’enseignants adhère à telle ou telle tendance. »302 ’ Les enseignants interrogés en 1995 ont du, à plusieurs reprises, choisir parmi différentes options. Ils ont eu, aussi, à classer des propositions « en fonction de leur efficacité » ou « par ordre de priorité ». Ils ont ainsi essentiellement eu affaire à des questions fermées. Il leur a été demandé de se déterminer en fonction de rubriques prédéterminées. Or, il s’avère qu’elles n’ont pas directement rapport aux acquisitions concernant la « vie physique » listées dans les textes officiels. C’est ainsi que les réponses recueillies ne se prêtent pas à la comparaison envisagée.

Pour un examen des réponses au questionnaire de 1995, dans le but de déterminer si elles font apparaître un consensus
Chaque enseignant interrogé en 1995 a eu à répondre à deux ensembles de questions (Tableau 4). Leur mise en place vaut en référence aux catégories repérées dans les réponses à l’enquête de 1993. Un premier ensemble de questions concerne ainsi les entrées par « la programmation », « le dialogue, le questionnement » et « l’appétence, la motivation ». Il a trait, aussi, aux « contenus d’enseignement ou savoirs spécifiques », peu mentionnés lors de l’enquête de 1993. Un second ensemble de questions est, en outre, relatif à l’entrée « par la seule prise en compte des deux premiers objectifs généraux ». Le premier ensemble de questions a rapport à la visée concernant la « vie physique » assignée à l’EPS. Le second concerne, quant à lui, l’ensemble des objectifs généraux attribués à cette discipline. En chaque cas, l’enseignant est invité à se référer à la manière dont il enseigne l’EPS, pour se déterminer à partir d’une liste de possibles. Rien ne permet d’affirmer qu’il l’a fait effectivement. Il est néanmoins censé retenir, parmi différentes options, celles qu’il juge les plus pertinentes quant à un enseignement de l’EPS en matière de « vie physique ». Les réponses au questionnaire indiquent ainsi ce que des enseignants retiennent et ce qu’ils rejettent en la matière. On peut alors les considérer suivant une dichotomie « retenu / rejeté » pour déterminer s’il se dégage un consensus des choix et des classements effectués.

Tableau n° 4 : L’analyse des réponses d’IPR quant à l’opérationnalisation en EPS de la préoccupation « Savoir Gérer sa Vie Physique »  (SGVP), selon : Bonnefoy (G.), Contextualisation du thème et problématique de l’université d’été, in : Amicale des enseignants EPS, Actes université d’été EPS 1993, AEEPS / Université Aix-Marseille II, pp. 13-15
L’opérationnalisation du « SGVP »
Analyse de la réponse : Précisions :
au cours des leçons Conseils relatifs à la mise en train, à la récupération
Gestion autonome de l’échauffement
Séances de PPG
Respect des règles de sécurité, en gym, en APPN
Autonomie dans les situations d’apprentissage
Savoir prendre des décisions en sport collectif
Cycle de courses longues
dans les démarches d’enseignement
et ou d’évaluation
Les élèves sont amenés à gérer un temps, des rotations de rôles, du matériel
Les élèves font des projets en course longue, danse, gym
Procédures d’auto, co-évaluation
Rendre l’élève acteur de ses apprentissages
Très peu visible ou inexistant
Evaluation de connaissances d’accompagnement
dans le traitement
des APS
Les réponses sont très diversifiées et seraient à ranger dans les catégories précédentes (ex – travail par fiches, par atelier, pédagogie de la découverte)
D’autres réponses évoquent la relation APS / finalités : APS et sollicitation des ressources spécifiques, APS et utilité sociale, savoir nager pour pratiquer des activités nautiques, APPN pour savoir se déplacer en milieu à risque, savoir organiser son activité, pour s’approprier des principes de gestion
Enfin, deux collègues soulignent que les APS sont rarement traitées dans cette perspective sauf en natation (visée nager longtemps) ou en sport collectif, élaborer un projet collectif (organiser son activité)
dans les contenus spécifiques Pas observé
En course longue
Approche par des connaissances déclaratives sur le maintien de la santé, de l’intégrité physique
Cycle de musculation
Contenus et procédures d’échauffement pas toujours explicites
Formation d’arbitres, de juges, de chronométreurs

La question de la « vie physique » en tant que problème élucidé, en apparence
Les réponses aux deux ensembles de questions considérés font apparaître un point de vue dominant quant à la « vie physique » dans l’enseignement de l’EPS. Concernant le premier ensemble de questions, une option apparaît plébiscitée. ‘« La motivation des élèves pour la pratique physique en général »303 ’ est choisie ou classée au premier rang par plus de cinquante pour cent des enseignants interrogés. G. Cogérino précise, en outre : ‘« L’efficacité de la motivation est envisagée positivement (question 13, premier choix) par 90,5 % de ceux qui ont choisi Motivation à la question 8. »’ 304 Pour ce qui est du deuxième ensemble de questions, on note le rejet de deux propositions et le plébiscite de deux autres. Les réponses signifient le rejet de : ‘« l’apprentissage de savoir-faire particuliers » et « la valorisation de certains contenus d’enseignement »’. Elles indiquent aussi une préférence marquée pour : ‘« permettre à l’élève de se situer, se connaître » et « mise en oeuvre [...] de grands principes que l’élève doit connaître pour les mettre en application seul »’. Ces rejets et ces préférences, de plus, valent pour ceux qui ont choisi la rubrique « motivation » à l’occasion du premier ensemble de questions. Ainsi peut-on envisager qu’est tranchée la détermination de ce qui, dans l’enseignement de l’EPS a trait à la « vie physique ».

La question de la « vie physique » en tant que problème non élucidé
Il s’avère, toutefois, que cette analyse est à relativiser (Tableau 5). C’est le cas pour ce qui concerne le premier ensemble de questions. L’option qui, au total, est privilégiée (« motivation »), ne l’est pas par près de la moitié des enseignants interrogés. En outre, ils sont presque autant à considérer que l’option « motivation » n’est pas la plus efficace. De plus, suivant celle qui est valorisée, les classements par ordre de priorité des quatre possibilités proposées diffèrent. Il est à noter, aussi, que le classement des options selon leur efficacité ne reflète pas celui élaboré suivant le nombre de personnes qui privilégient une option. Des observations du même ordre sont à faire dans le cas du second ensemble de questions. Il est une proposition, choisie par la majorité, pour laquelle les avis s’avèrent partagés. Il s’agit de celle concernant ‘« la mise en oeuvre [...] de grands principes que l’élève doit connaître pour les mettre en application seul »’. Elle est au deuxième rang lorsqu’on classe les six propositions faites en fonction du nombre d’occurrences concernant l’ordre de priorité « 1 ». Elle n’est qu’au troisième rang quand on les classe suivant le nombre de réponses quant à l’ordre de priorité « 2 ». Elle est alors devancée par la proposition ‘: « donner les outils [...] permettant de mener une pratique collective autonome »’. Celle-ci est classée au quatrième rang pour ce qui est de l’ordre de priorité « 1 ». On peut alors considérer que les enseignants interrogés ne répondent pas à l’unisson. C’est le cas si la réflexion est centrée sur la seule visée concernant la « vie physique » ; ça l’est aussi si elle porte sur le système des trois visées assignées à l’EPS, dont l’une a trait à la « vie physique ».

Tableau n°5 : Le questionnaire utilisé par G. Cogérino à l’occasion de l’enquête qu’elle a conduite en 1995, selon : Cogérino (G.), Gestion de sa vie physique : contribution des enseignants d’EPS, Université de Caen : Centre de Recherches en Activités Physiques et Sportives, mai 1997, pp. 115-120
Ensemble de questions considérées, au plan de l’analyse de l’enquête de G. Cogérino
A- Questionnaire d’identification
Questions relatives au sexe, à l’académie, à l’ancienneté professionnelle, au type d’établissement actuel, aux modalités de formation suivies, à la pratique physique personnelle.
Questions 1 à 5
B- Pour permettre aux élèves d’acquérir connaissances et savoirs leur permettant de gérer leur vie physique à tous les âges de l’existence
Questions relatives à la formation de l’enseignant quant à l’enseignement de l’EPS en matière de vie physique.
Questions 6 et 7
8- Pour permettre aux élèves d’acquérir connaissances et savoirs permettant de gérer leur vie physique à tous les âges de l’existence, avez-vous choisi de privilégier : (cochez une seule case pour la question 8)
1.l’organisation de l’EPS et le choix d’une programmation d’APS
2.les commentaires, explications, connaissances déclaratives
3. la motivation des élèves pour la pratique physique en général
4. certains contenus d’enseignement ou savoirs spécifiques
Questions visant un apport de précisions suivant l’option retenue à la question 8.
Questions 9 à 12
13- Pouvez-vous classer les propositions suivantes en fonction de leur efficacité : (numérotez par ordre de priorité les 4 propositions suivantes)
1.l’organisation de l’EPS et le choix d’une programmation d’APS
2. les commentaires, explications, connaissances déclaratives
3. la motivation des élèves pour la pratique physique en général (répondez à la question
4. certains contenus d’enseignement ou savoirs spécifiques
14- Ce que vous faites pour répondre aux deux premiers objectifs (développer les ressources et donner accès au domaine culturel que constituent les APS), vous semble-t-il contribuer au troisième objectif (donner connaissances et savoirs permettant de gérer la vie physique à tous les âges ) ?
Oui
non
Si oui, pensez-vous que cette contribution se situe : (classez par ordre de priorité les 6 propositions suivantes)
1.dans la construction d’une disponibilité corporelle. Exemples :
2. dans l’apprentissage de savoir-faire particuliers. Lesquels ?
3. dans la mise en oeuvre au cours de vos séances de grands principes que l’élève doit connaître pour les mettre en application. Lesquels ?
4.dans le fait de permettre à l’élève de mieux se situer, se connaître (ressources, limites, niveau). Exemples :
5.dans le fait de lui donner les outils lui permettant de mener une pratique collective autonome. Exemples :6.dans la valorisation de certains contenus d’enseignement. Lesquels :
15- Question relative à la place qu’occupe la visée de vie physique par rapport aux deux autres dans l’enseignement de la personne interrogée.
16- Question concernant l’évaluation des acquisitions relatives à la visée de vie physique
17- Question visant à déterminer la conception de la « gestion de la vie physique » que l’enseignement de l’EPS devrait diffuser
18- Question pour repérer les obstacles aux mises en oeuvre relatives à la visée de vie physique
19- Question pour recueillir l’avis des enseignants quant à qui ou à quoi profite la « focalisation sur la gestion de la vie physique »

Notes
297.

Cogérino (G.), Gérer sa vie physique : contribution des enseignants d’EPS, Université de Caen : Centre de Recherche en Activités Physiques et Sportives, mai 1997, p. 19

298.

Cogérino (G.), Op. cit., p. 118

299.

Cela peut être vérifié en confrontant les listes d’acquisitions concernant la « vie physique » qu’on trouve aux références suivantes :

Circulaire n° 94-007 du 12/01/1994 Op. cit., p. 237

Circulaire n° 95-253 du 21/11/1995 Op. cit., p. 3548

300.

Cogérino (G.), Gestion de la vie physique, Revue EPS, n° 251, janvier-février 1995, pp. 19-20

301.

Cela peut être noté en confrontant :

Cogérino (G.), Op. cit., p. 20

Cogérino (G.), Gérer sa vie physique : contribution des enseignants d’EPS, Université de Caen : Centre de Recherche en Activités Physiques et Sportives, mai 1997, pp. 115-120

302.

Cogérino (G.), Op. cit., p. 19

303.

Ibid., pp. 30-43

304.

Ibid., p. 33