2.2.3 Perspectives et obstacles quant à la « vie physique » en EPS

L’enquête faite en 1993 par R. Dhellemmes, au plan des perspectives concernant la « vie physique » en EPS
Trois enquêtes relatives à l’enseignement d’une EPS ayant visée concernant la « vie physique » ont été examinées. Leur analyse ne fait pas apparaître de point de vue consensuel. On peut alors s’enquérir de ce qui explique cette constatation. L’enquête qu’a effectuée R. Dhellemmes en 1993 renseigne à ce niveau. Elle fait en effet apparaître différentes possibilités quant à un enseignement de l’EPS en matière de « vie physique »305. R. Dhellemmes a recueilli, dans son enquête de 1993, les propos d’IPR en EPS indiquant ce qui, dans les leçons d’EPS, a trait à la « vie physique ». Il les a invités, aussi, à proposer des perspectives. G. Bonnefoy a présenté son analyse des propositions faites, qui repère trois catégories de « perspectives »306. Il envisage l’éventualité qu’elles s’excluent mutuellement, sans trancher la question. Il note à propos de la perspective « P1 » : « S’agit-il ici plus d’éduquer que d’enseigner ? ». Il observe, pour ce qui est de « P2 » : ‘« La perspective pourrait être ici d’instruire ». Il annonce, à propos de « P3 » : « La perspective serait celle d’un enseignement éducatif [...] qui relie deux orientations apparemment contradictoires (enseigner, éduquer) »’. Chaque perspective est, pour lui, matière à réflexion. C’est ainsi que, selon lui, « P1 » ‘« doit être critiquée analysée, discutée, car elle s’inscrit dans une continuité historique (cf. la préoccupation santé dans les IO depuis 45) ».’ Il la juge intéressante, cependant, de par la proposition ‘« de prendre appui sur des “activités nouvelles” »’ qu’elle comporte. Ainsi, n’opte-t-il explicitement pour aucune des perspectives qu’il présente. Il laisse plutôt entendre qu’il s’agirait d’en faire la synthèse ou de les dépasser puisqu’il les considère « comme des repères provisoires »307.

La question de la « vie physique » au plan d’une résistance aux changements de la part des enseignants d’EPS
G. Cogérino envisage, quant à elle, que ce qui est fait en EPS en guise d’enseignement relatif à la « vie physique » est insuffisant. Elle s’intéresse en effet aux obstacles à la mise en place d’un enseignement de l’EPS relatif à la « vie physique ». Elle indique l’intérêt de leur étude dans le compte-rendu de l’enquête qu’elle a effectuée en 1993. Selon elle, ‘« La formulation des ces obstacles et difficultés est une voie d’accès privilégiée pour cerner le contenu des représentations : ils sont révélateurs de l’attitude qui structure la représentation. »’ 308 Les propos recueillis sont rangés en cinq catégories (Tableau 6). G. Cogérino en fait l’analyse : ‘« La plus grande partie des énoncés renvoie la responsabilité des difficultés à un élément extérieur à l’enseignant lui-même. Ces formulations laissent transparaître des mécanismes défensifs classiques mais efficaces. Elles tendent à rationaliser le statu quo dans les pratiques d’enseignement. »’ 309 G. Cogérino a recueilli, de plus, les arguments d’enseignants quant à ‘la « nécessité d’une pratique physique de l’élève “plus tard” (à tous les âges de la vie) ».’ Elle a sollicité aussi ceux justifiant que l’école forme l’élève pour qu’il puisse s’adonner à une activité physique sa vie durant. Elle observe à propos des d’arguments fournis : ‘« Le projet lié à la GSVP par et en EPS viendrait conforter l’idée du rôle décisif joué par l’EPS [...] sur le développement de l’élève sans que pour autant un argumentaire crédible y soit associé. »’ 310 La question de la « vie physique » en EPS paraît alors liée à un refus ou un évitement d’obstacle.

Questions du premier ensemble

Tableau n°6 : Extraits des résultats obtenus par G. Cogérino à l’enquête qu’elle a effectuée en 1995, selon : Cogérino (G.), Gérer sa vie physique : contribution des enseignants d’EPS, Université de Caen : Centre de Recherche en Activités Physiques et Sportives, mai 1997, pp. 30-44, 45-54, 104-105
8- Pour permettre aux élèves d’acquérir connaissances et savoirs permettant de gérer leur vie physique à tous les âges de l’existence, avez-vous choisi de privilégier : (cochez une seule case pour la question 8)
1.l’organisation de l’EPS et le choix d’une programmation d’APS
2.les commentaires, explications, connaissances déclaratives
3.la motivation des élèves pour la pratique physique en général
4.certains contenus d’enseignement ou savoirs spécifiques
13- Pouvez-vous classer les propositions suivantes en fonction de leur efficacité : (numérotez par ordre de priorité les 4 propositions suivantes)
1.l’organisation de l’EPS et le choix d’une programmation d’APS
2.les commentaires, explications, connaissances déclaratives
3.la motivation des élèves pour la pratique physique en général (répondez à la question
4.certains contenus d’enseignement ou savoirs spécifiques
Options proposées Choix
de
privilégier
Perception de l’efficacité
(classement de 1 à 4,
par ordre décroissant d’efficacité)
MOTIVATION 51 % 1
CONNAISSANCE 18,6 % 4
ORGANISATION 18 % 2
CONTENUS SPECIFIQUES 11 % 3
Perception de l’efficacité
(classement de 1 à 4, par ordre décroissant d’efficacité)
Choix
de privilégier
MOTIVATION 1 2 2 2
CONNAISSANCE 4 4 1 3
ORGANISATION 2 1 4 4
CONTENUS SPECIFIQUES 3 3 3 1

Questions du second ensemble

Tableau n°6 : Extraits des résultats obtenus par G. Cogérino à l’enquête qu’elle a effectuée en 1995, selon : Cogérino (G.), Gérer sa vie physique : contribution des enseignants d’EPS, Université de Caen : Centre de Recherche en Activités Physiques et Sportives, mai 1997, pp. 30-44, 45-54, 104-105
14- Ce que vous faites pour répondre aux deux premiers objectifs (développer les ressources et donner accès au domaine culturel que constituent les APS), vous semble-t-il contribuer au troisième objectif (donner connaissances et savoirs permettant de gérer la vie physique à tous les âges ) ?
Oui
non
Si oui, pensez-vous que cette contribution se situe : (classez par ordre de priorité les 6 propositions suivantes)
1. dans la construction d’une disponibilité corporelle. Exemples :
2.dans l’apprentissage de savoir-faire particuliers. Lesquels ?
3. dans la mise en oeuvre au cours de vos séances de grands principes que l’élève doit connaître pour les mettre en application. Lesquels ?
4. dans le fait de permettre à l’élève de mieux se situer, se connaître (ressources, limites, niveau). Exemples :
5. dans le fait de lui donner les outils lui permettant de mener une pratique collective autonome. Exemples :
6. dans la valorisation de certains contenus d’enseignement. Lesquels :
Options proposées Registres de contribution à la visée concernant la « vie physique »
(classement de 1 à 6, par ordre décroissant de priorité)
DISPONIBILITE MOTRICE 3
SAVOIR-FAIRE 5
PRINCIPES 2
SE SITUER 1
COLLECTIVE AUTONOME 4
CONTENUS 6
Registres de contribution à la visée concernant la « vie physique »
(classement de 1 à 4, par ordre décroissant de priorité)
Contribution
à la visée concernant
la « vie physique »
DISPONIBILITE MOTRICE 3 4 3 3
SAVOIR-FAIRE 2 3 5 5
PRINCIPES 2 3 5 5
SE SITUER 1 1 6 6
COLLECTIVE AUTONOME 4 2 4 4
CONTENUS 6 6 2 1

«  GSVP  » et résistance des enseignants d’EPS aux changements : un point de vue à questionner
G. Cogérino reprend cette analyse au regard de son enquête de 1995. Elle indique : ‘« On note [...] que l’absence de réflexion pragmatique et didactique de la part de la corporation agit comme un obstacle à la prise en compte sereine et efficace du troisième objectif. [...] En définitive, l’appropriation par la corporation du projet pour l’EPS que représente le troisième objectif n’est le fait que d’une minorité d’enseignants. La réponse dominante suggère que l’adaptation aux nouveaux objectifs se fait à l’économie (changer le moins possible). »’ 311 Il semble intéressant, cependant, de s’enquérir des fondements de ce propos. On y est enclin à la lecture de la dernière phrase du compte-rendu que fait G. Cogérino de son enquête de 1995. Elle conclut : ‘« Face à la brièveté des précisions du curriculum prescrit, la trame, les enseignants avaient fort à faire pour réaliser un tissu apte à résister aux contraintes du quotidien. »’ 312 Les enseignants qu’elle a interrogés en 1995 ont eu à classer, par ordre de priorité, des registres d’obstacles (Tableau 7). Une rubrique est classée au premier rang par la majorité : elle a trait aux « conditions concrètes d’enseignement ». L’obstacle classé au deuxième rang concerne ‘« les Contenus [...] et l’Evaluation ». Il s’agit, d’une part, d’« une réflexion insuffisante sur les contenus à proposer »’, d’autre part, de « l’évaluation difficile ». Cela peut signifier des difficultés réelles à mettre en place un enseignement cohérent avec un projet officiel assignant à l’EPS visée relative à la « vie physique ». 

Tableau n°7 : Les obstacles à un enseignement concernant la « Gestion de Sa Vie Physique », tels que les perçoivent les enseignants d’EPS, selon : Cogerino (G.), Gestion de la vie physique, Revue EPS janvier-février 1995, p. 21
Les obstacles
peuvent être liés
aux caractéristiques
des élèves
Hétérogénéité :
- des élèves entre eux,
- des représentations des élèves, très incrustées et divergentes dans la classe.
Image de l’activité pour les élèves : plaisir, détente, plaisir immédiat, activité non sérieuse.
Elèves pas toujours intéressés, ne voyant pas le lien entre les APS.
aux conditions d’enseignement Absence :
- de projet pédagogique collectif pour la discipline EPS,
- de travail interdisciplinaire (sciences naturelles, physique),
- de vestiaire
Hétérogénéité de l’équipe dans sa façon d’enseigner.
Manque de temps :
- pour la pratique (2 h par semaine),
- pour les séances (40 mn effectives),
- pour prendre une douche
.Problème de gestion des espaces et des moyens pour choisir des APS proches de celles de loisir.
aux aspects méthodologiques
de l’enseignement
Finalité :
- implicite dans l’enseignement de l’EPS,
- pas prioritaire et interfère avec l’objectif de développement foncier.
Evaluation de cette finalité :
- difficile quand il s’agit d’évaluer explicitement,
- ne peut se concevoir qu’à long terme, d’où des problèmes pour situer l’impact sur les élèves.
aux problèmes du futur L’élève se projette difficilement dans le futur.
Elèves consommateurs, non désir réel d’autonomie.
Les élèves n’ont pas toujours les acquis suffisants, compte tenu du temps de pratique pour participer à...
« Ailleurs et plus tard », il n’y a pas toujours les structures d’aide et d’accueil
aux représentations
des enseignants
Ses priorités.
Ses résistances au changement.
Ses représentations de certaines activités (pratiques sportives par exemple).
Sa formation initiale.

«  GSVP  » et résistance des enseignants d’EPS aux changements : un point de vue lié à une visée d’aide aux changements
Comment, alors, G. Cogérino en vient-elle à l’idée que la question de la « vie physique » renvoie à une résistance des enseignants au changement ? L’objet de son travail est de nature à l’expliquer. On le saisit à la lecture du premier chapitre du compte-rendu de son enquête de 1995. Elle y note :

‘« Ainsi, la formation de l’élève à la GSVP engage :

G. Cogérino a donc arrêté un point de vue quant aux caractéristiques d’un enseignement de l’EPS pour la « GSVP ». Elle ajoute, après avoir ainsi donné son opinion : ‘« Cela constitue sans aucun doute un bouleversement pour l’enseignement de l’EPS. Quels registres peuvent être plus facilement modifiés par les enseignants ? »’ Elle peut alors envisager que les obstacles qu’indiquent les enseignants sont signes de résistance au changement, puisque les grandes lignes de celui-ci sont tracées. On comprend, en outre, le travail statistique qu’elle effectue pour repérer les relations entre les réponses des enseignants et diverses variables indépendantes. Celui-ci peut permettre, en effet, de repérer des profils de « résistants ». Cela peut être fait en fonction de l’âge, du sexe, du type d’établissement d’exercice, du type de recrutement et du type de pratique physique personnelle. Il peut en aller d’une stratégie d’aide au changement...

La question des caractéristiques d’un enseignement ayant visée relative à la « vie physique » n’apparaît pas tranchée
On peut considérer, cependant, que le point de vue de l’enquêteur concernant la « GSVP » ne prévaut pas sur ce qu’expriment les gens interrogés en la matière. Or, les réponses recueillies par G. Cogérino laissent entendre qu’il existe des opinions différentes de la sienne. Elle a, par exemple, demandé l’avis d’enseignants d’EPS quant aux caractéristiques de la « conception de la vie physique » à diffuser. G. Cogérino observe que trois pour cent des ‘questionnaires « ont été annotés de la manière suivante :  ce n’est pas à l’enseignant de choisir une conception plutôt qu’une autre, c’est à l’élève de choisir. »’ 314 Il est cependant des propositions manifestement conformes à la conception de G. Cogérino. C’est le cas, par exemple, de celles qui concernent ‘« une pratique physique essentiellement conviviale » ou « une pratique physique ludique, même très épisodique »’. Il s’avère toutefois que près du tiers des personnes répondant au questionnaire les rejettent. Il est aussi au moins une proposition qui n’est pas de nature à obtenir les faveurs de G. Cogérino. Elle a trait à ‘« la mise en pratique d’un mode de vie sportif (alternances d’entraînements, de compétitions) ».’ Or, il apparaît que quarante pour cent des enseignants interrogés la jugent pertinente. Les résultats de l’enquête de G. Cogérino font ainsi apparaître qu’il est des conceptions différentes de la sienne. Ce qui permet d’envisager que la question des caractéristiques d’un enseignement concernant la « vie physique » en EPS n’est pas tranchée.

Pour un examen des catégorisations qu’ont présentées G. Cogérino, G. Klein, et G. Bonnefoy, en 1993
On peut s’intéresser à la question de la « vie physique » en EPS au plan de l’enseignement de cette discipline. Cela invite à enquêter à son propos auprès des intervenants en EPS. R. Dhellemmes l’a fait en 1993, G. Cogérino, en 1993 et 1995. Il s’avère, à la lumière de ces trois enquêtes, que la spécification d’un enseignement de l’EPS en matière de « vie physique » fait problème. Il n’apparaît pas, en effet, de consensus quant à cet enseignement. On peut alors s’enquérir des éléments de désaccord qui expliquent cet état de fait. Leur détermination aiderait à spécifier les termes de la question de la « vie physique » en EPS. Il s’agit alors de s’intéresser à la catégorisation des propositions d’enseignement concernant la « vie physique » en EPS. G. Cogérino, G. Klein et G. Bonnefoy se sont chacun essayés à cette mise en catégories. Ils ont fait part du fruit de leur réflexion durant l’été 1993. Ils ont ainsi présenté leurs catégorisations dans un même contexte pour ce qui concerne la « vie physique » en EPS. C’est-à-dire alors que l’arrêté du 24 mars 1993 était le seul texte officiel en vigueur, relatif à l’organisation des épreuves d’EPS aux examens, à y avoir trait. G. Cogérino, G. Klein et G. Bonnefoy sont, de plus, de ceux dont l’analyse du point de vue a conduit à s’intéresser à ces mises en catégories. On peut penser, alors, que l’examen de ces catégorisations est de nature à renseigner quant à ce qui en fait l’objet.

Notes
305.

Bonnefoy (G.), Op. cit., p. 16

306.

Ibid., p. 16

307.

Ibid., p. 16

308.

Cogérino (G.), Gestion de la vie physique, Revue EPS, n° 251, janvier-février 1995, p.19

309.

Cogérino (G.), Op. cit., p. 21

310.

Ibid., p. 22

311.

Cogérino (G.), Quelle contribution des enseignants d’EPS à la santé ?, in : Comité d’études et d’informations pédagogiques de l’éducation physique et du sport, Op. cit., p. 58

312.

Cogérino (G.), Gérer sa vie physique : contribution des enseignants d’EPS, Université de Caen : Centre de Recherches en Activités Physiques et Sportives, mai 1997, p. 95

313.

Cogérino (G.), Op. cit., pp. 16-17

314.

Ibid., p. 58