2.3 Les catégories de propositions d’enseignement quant à la « vie physique »

2.3.1 La compatibilité des classifications de G. Cogérino et G. Klein

Les enquêtes auprès d’enseignants d’EPSdans la démarche de G. Cogérino
G. Cogérino propose un tour d’horizon des conceptions de la « GSVP » dans un article de la Revue EPS de janvier-févier 1995. Elle le fait à partir d’un travail d’enquête qu’elle a effectué en 1993315. Il lui permet de déterminer deux types d’enseignants. Selon elle, ‘« Deux tendances se détachent au travers de l’analyse des connaissances et savoirs que les enseignants mettent en relation avec la GSVP »316. Elle précise que « Certains répondent en évoquant ce qu’ils font déjà pour atteindre les deux autres objectifs »’ 317. Il est aussi des enseignants qui disent ne pas adhérer à ce point de vue. Ceux-ci valorisent ‘« une voie essentiellement motivationnelle : il s’agit de donner à l’élève le goût d’une pratique physique »’ 318. G. Cogérino considère alors que certains enseignants ‘« tendent à rationaliser le statu quo dans les pratiques d’enseignement »319.’ Elle juge que ‘« dans ce cas, la poursuite du troisième objectif [...] est rejetée »320.’ Elle indique que les autres enseignants perçoivent « un malaise latent dans l’enseignement de l’EPS actuelle »321. Elle ajoute ‘: « Simultanément, ils s’inquiètent des bouleversements qui pourraient naître si l’EPS prenait le problème à bras de corps. »’ Aussi conclut-elle : ‘« L’approche des représentations construites par les enseignants à propos de la GSVP met en évidence leur difficulté à cerner précisément la notion et à l’intégrer dans leurs conceptions antérieures de l’EPS. »’ 322

La démarche de G. Cogérino : le repérage de cinq «  conceptions  »à partir d’une revue de littérature
Cela invite G. Cogérino à « Poursuivre ce tour d’horizon des conceptions de la GSVP en relation avec celles de l’EPS ». Elle précise alors les modalités de cette nouvelle investigation : ‘« L’étude de la littérature pédagogique, des comptes-rendus de cycles d’enseignement, de pratiques effectives ou prescrites permet de dégager un autre lot de points de vue. »’ 323 G. Cogérino les expose alors, en précisant qu’elle ne prétend pas être exhaustive. On observe qu’elle les présente aussi dans un écrit diffusé en 1997324 ainsi que dans un ouvrage qui a paru en 1999325. G. Cogérino donne en ceux-ci plus de précisions quant aux propositions d’enseignement considérées. Elle présente cinq « conceptions » dans la Revue EPS de janvier-février 1995 ; il s’agit des conceptions :

  • « préventive et sécuritaire »,

  • « méthodologique »,

  • dite « relationnelle et d’insertion »,

  • liée à « la pratique physique comme style de vie »,

  • relative à la « dimension “sportive”  ».

La démarche de G. Klein : le repérage de trois modalités,à partir de l’étude des programmes de différents pays
G. Klein distingue, lui, trois options quant à un enseignement de l’EPS en matière de « vie physique » (Tableau 8). Leur repérage procède d’une étude des programmes d’enseignement de plusieurs pays. Il indique ainsi : ‘« au regard de la notion d’EP dans plusieurs systèmes éducatifs, j’ai essayé de formaliser plusieurs types de rapports à la gestion de sa vie physique qui apparaissent dans les différents programmes »’ 326. Cette approche le conduit à identifier

‘« trois modalités [...] :
  • La première modalité concerne l’entretien d’un capital. C’est-à-dire que l’EPS servirait à maintenir le corps comme un instrument qui est à disposition de l’élève [...]

  • Le deuxième axe [...] serait d’atteindre un état permanent positif, c’est-à-dire une sorte de bien-être global. Bien-être par rapport à soi, par rapport à l’environnement et bien-être dans la communauté. [...]

  • Enfin, une troisième conception [...] se situerait plutôt sous l’angle d’un bien-être à conquérir, c’est-à-dire dans une visée temporelle qui anticipe sur la vie future. [...] est sous-jacente l’idée d’une construction perpétuelle. »327

Question posée

Tableau n°8 : Les obstacles à un enseignement concernant la » Gestion de Sa Vie Physique », au regard d’un classement effectué par des enseignants d’EPS, selon : Cogérino (G.), Gérer sa vie physique : contribution des enseignants d’EPS, Université de Caen : Centre de Recherches en Activités Physiques et Sportives, mai 1997, p. 120
18- Les obstacles qui s’opposent aux mises en oeuvre orientées vers ce troisième objectif vous semblent liés : (classez par ordre de priorité vos trois premiers choix)
1.aux élèves eux-mêmes (représentations, demandes, comportements...)
2. aux conditions concrètes d’enseignement (temps disponible, locaux effectifs)
3. aux enseignants d’EPS eux-mêmes (formation, préoccupations, priorités...)
4. à l’évaluation difficile de cet objectif
5. à une réflexion insuffisante sur les contenus à proposer
obstacles perçus
Options proposées 1er
choix
2e
choix
3e
choix
Total cumulé
sur 1822
ELEVES Effectif 114 120 99 333
Pourcentage 16 17 14 18
Rang 2 3 4 4
CONDITIONS D’ENSEIGNEMENT Effectif 260 105 97 462
Pourcentage 37 15 14 25
Rang 1 4 5 1
ENSEIGNANTS Effectif 76 105 131 312
Pourcentage 11 15 19 17
Rang 5 4 1 5
EVALUATION Effectif 96 130 113 339
Pourcentage 14 19 16 18
Rang 4 2 3 3
CONTENUS Effectif 98 152 126 376
Pourcentage 14 22 18 20
Rang 3 1 2 2
NON REPONSES Effectif 53 85 131 269

Une première confrontation de la catégorisation de G. Cogérino et de celle de G. Klein
Il apparaît ainsi que G. Cogérino a repéré cinq conceptions, quand G. Klein a pointé trois modalités. On peut considérer qu’on a affaire, en chaque cas, à un essai de catégorisation. Il s’avère que G. Cogérino associe plusieurs propositions d’enseignement à une conception. C’est le cas, par exemple, pour ce qui est de la conception « préventive et sécuritaire »328. En celle-ci, on trouve : ‘« l’E.P.U.P. (Education Physique Utilitaire et Professionnelle) »’ et « l’EP sécurative ». On peut faire des constatations du même ordre pour ce qui est des modalités qu’a présentées G. Klein. Il en est une, par exemple, dont relèvent « l’exemple britannique » et les « propositions françaises actuelles »329. Les mises en catégories de G. Cogérino et G. Klein diffèrent certes. Il s’avère néanmoins qu’elles les conduisent à des conclusions similaires. G. Cogérino indique : ‘« Les manières de concevoir la GSVP sont donc nombreuses et fort diversifiées. [...] Elles n’engagent pas [...] les mêmes conceptions de l’EPS »’ 330. G. Klein annonce, pour sa part : ‘« Si on avait à tisser un lien entre ces trois dimensions [...] je dirais que cela reprend les différentes conceptions de l’EPS depuis l’après-guerre. »’ 331 On peut ainsi envisager que les deux catégorisations ont des similitudes, voire qu’elles sont compatibles.

La modalité concernant « l’entretien d’un capital » a rapport à la conception « préventive et sécuritaire »
G. Klein présente une première modalité qui concerne « l’entretien d’un capital ». Il précise ‘: « l’EPS servirait à maintenir le corps comme un instrument qui est à disposition de l’élève [...] Gérer sa vie physique serait alors entretenir le capital en vue d’une insertion professionnelle, en vue donc de visées utilitaires. Ceci [...] pourrait être illustré par les contenus suédois [...] utilitaristes puisque l’EPS sert à s’adapter de façon fonctionnelle [...] Il y a donc l’entretien permanent de ce capital pour une adaptation ; s’ajoute à cela le travail des postures, l’insistance sur l’aspect ergonomique mais aussi sécuritaire de l’EPS »’ 332. Il s’agit alors d’une modalité voisine de la conception « préventive et sécuritaire » que décrit G. Cogérino333. Elle indique qu’en cette conception‘, « l’objet de l’EPS est [...] d’inculquer des savoirs utiles, voire utilitaires »’. Il est question de ‘« la construction des postures justes et adaptées pour la vie quotidienne et les postes de travail ».’ L’« E.P.U.P. » et l’« EP sécurative » valent à ce niveau. G. Cogérino précise, en outre : ‘« Cette conception semble exister [...] dans d’autres pays européens comme la Suède »334.’

La modalité relative à « un état permanent positif » en regard de trois conceptions
Une deuxième modalité qu’explicite G. Klein a trait à l’atteinte d’« un état permanent positif ». Il est alors question de ‘« Bien-être par rapport à soi, par rapport à l’environnement et [...] dans la communauté ».’ Cette modalité a rapport à trois conceptions repérées par G. Cogérino335. La conception « méthodologique » a pour objet un « bien-être par rapport à soi ». Il s’agit d’‘« apprendre à maîtriser les manifestations perturbatrices liées au stress ».’ La conception dite « relationnelle et d’insertion » concerne un « bien-être dans la communauté ». G. Cogérino précise en effet : ‘« Pour celle-ci, il est important que l’individu ait une pratique physique [...] le bénéfice tiré de cette pratique [...] réside davantage dans l’insertion réalisée dans des groupes d’individus, citoyens se prenant en charge [...] pour mener à bien cette pratique, véritable “domaine social d’activité” »’. La conception liée à ‘« la pratique physique comme style de vie »’ est aussi à mentionner. G. Cogérino précise à son propos : ‘« La gestion de sa vie physique est ici indispensable pour assurer des conditions de vie saines. » ’Elle ajoute : ‘« Les bénéfices attendus [...] se situent sur le terrain de la prévention [...] sur le terrain psychologique par le bien-être, la réduction du stress qu’induit la pratique physique. »336

La modalité concernant « un bien-être à conquérir » en regard de deux conceptions
La troisième modalité que décrit G. Klein concerne « un bien-être à conquérir ». Il précise qu’il s’agit d’une ‘« visée temporelle qui anticipe sur la vie future »’. Il ajoute : ‘« Ce bien-être à conquérir suppose un certain style de vie, une certaine façon individuelle d’aborder l’activité physique, les activités sportives. Il passerait par des ressources à développer »’ 337. Il est, en ce cas, question de ‘« prise d’information sur le milieu, réalisation, puis gestion de son action motrice ou gestion de son potentiel physique ».’ Cette modalité est, en tout état de cause, susceptible d’intégrer la conception relative à la ‘« dimension “sportive” »’ que décrit G. Cogérino338. L’objet est, en celle-ci, l’acquisition de ‘« savoirs permettant d’intervenir sur les différents systèmes : énergétique, effecteur, informationnel, etc. »339 ’ Il s’agit de ‘« développer “le goût des pratiques physiques et d’un mode de vie sportif”, conduire l’élève à gérer de manière autonome et optimale ses apprentissages, lui “faire maîtriser les principes méthodiques d’une vie physique rationnelle et expérimenter les conditions d’accès à la spirale illimitée du progrès”. »340 ’ ‘La « gestion de son action motrice ou gestion de son potentiel physique »’ est ainsi recherchée. La mise en place d’‘« un certain style de vie »’, d’une ‘« façon individuelle d’aborder l’activité physique » l’est aussi. C’est, en outre, une « construction perpétuelle »’ qui est visée.

Notes
315.

Cogérino (G.), Gestion de la vie physique, Revue EPS, n° 251, janvier-février 1995, p. 19

316.

Cogérino (G.), Op. cit., p. 21

317.

Ibid., p. 20

318.

Ibid., p. 21

319.

Ibid., p. 21

320.

Ibid., p. 22

321.

Ibid., p. 22

322.

Ibid., p. 22

323.

Ibid., p. 23

324.

Cogérino (G.), Gérer sa vie physique : contribution des enseignants d’EPS, Centre de recherche en Activités Physiques et Sportives, Université de Caen, mai 1997, p. 14

325.

Cogérino (G.), Apprendre à gérer sa vie physique, Paris : PUF, collection : pratiques corporelles, 1999, pp. 72-83

326.

Klein (G.), Op. cit., p. 89

327.

Ibid., pp. 89-90

328.

Cogérino (G.), Op. cit., pp. 73-74

L’auteur mentionne plusieurs propositions d’enseignement :

Daele (J.-M.), Chaumont (E.), L’éducation physique sécurative, Revue EPS, n° 226, novembre-décembre 1990, pp. 31-36

Erhardt (A.), Paratte (C.), L’éducation physique utilitaire en EPS, Revue EPS, n° 229, mai-juin 1991, pp. 50-52

Gendrier (M.), Blanchi (J.-P.), L’homme au travail, Son comportement physique, Revue EPS, n° 193, mai-juin 1985, pp. 54-57

Gendrier (M.), L’ergomotricité, corps, travail et santé, Grenoble : PUG, 1988

Gendrier (M.), L’éducation physique utilitaire et professionnelle, Revue EPS, n° 249, septembre-octobre 1994, pp. 80-83

329.

Klein (G.), Op. cit., p. 90

330.

Cogérino (G.), Gestion de la vie physique, Revue EPS, n° 251, janvier-février 1995, p. 23

331.

Klein (G.), Op. cit., p. 90

332.

Ibid., p. 89

333.

Cogérino (G.), Op. cit., p. 23

334.

Ibid., p. 23

335.

Ibid., p. 23

336.

Cogérino (G.), Apprendre à gérer sa vie physique, Paris : PUF, collection pratiques corporelles, 1999, p. 81

337.

Klein (G.), Op. cit., p. 90

338.

Cogérino (G.), Gestion de la vie physique, Revue EPS, n° 251, janvier-février 1995, p. 23

339.

Cogérino (G.), Apprendre à gérer sa vie physique, Paris : PUF, collection pratiques corporelles, 1999, p. 81

340.

Cogérino (G.), Op. cit., p. 81

L’auteur fait référence à :

Bouthier (D.), Questions à D. Bouthier, in : Association des enseignants EPS, Op. cit., pp. 107-108