2.3.2 Les limites des classifications de G. Cogérino et G. Klein

Pour un nouvel examen de la catégorisation de G. Cogérino
Il peut ainsi sembler que la catégorisation de G. Cogérino est compatible avec celle de G. Klein. On peut en effet envisager que les trois modalités de G. Klein intègrent les cinq conceptions de G. Cogérino. Il s’avère cependant que le travail de mise en catégories qu’elle a effectué est à examiner à nouveau. G. Cogérino paraît avoir statué quant aux cinq conceptions qu’elle présente dans la Revue EPS de janvier-février 1995. Elle les reprend en effet dans deux autres écrits. Il s’avère toutefois que ceux-ci sont porteurs de nouveautés quant aux propositions d’enseignement et aux conceptions décrites341. G. Cogérino précise que ces données ont été repérées ‘« en vue de l’université d’été [...] qui s’est déroulée à Houlgate en septembre 1993 »’ 342. Aussi peut-on les ajouter à celles qu’elle a indiquées dans la Revue EPS en 1995. On observe une nouvelle proposition parmi celles qui relèvent de la conception qualifiée de « méthodologique ». G. Cogérino précise : ‘« Cette “tendance” porte ses efforts sur la recherche de transversalité dans les apprentissages, la mise en pratique de “méthodes d’apprentissages”, de procédés divers permettant à l’élève “d’apprendre à apprendre” »’. G. Cogérino inventorie aussi trois nouvelles conceptions :

  • l’une est dite « maximaliste »,

  • une autre, « pragmatique »,

  • une autre encore est considérée associer ‘« l’objectif “gérer sa vie physique” aux “principes de gestion”’ ».

Le repérage, par G. Cogérino, d’une nouvelle conception qui a rapport à la modalité concernant « un bien-être à conquérir » que décrit G. Klein
Il apparaît que l’une de ces nouveautés procède de l’analyse des ‘travaux « des enseignants de l’académie de Nantes »’. G. Cogérino se réfère alors, notamment, à  ‘« P. Beunard et G. Dersoir, Education physique, Sport collectif, Pays de Loire, CRDP, 1992, p. 31 »’. Elle envisage, en ce cas, la conception en laquelle on ‘associe « l’objectif “gérer sa vie physique” aux “principes de gestion” ».’ Cette conception est de nature à valoir au plan de la modalité relative à « un bien-être à conquérir » que décrit G. Klein. Ce dernier précise qu’il est, à ce niveau, question d’une « visée temporelle qui anticipe sur la vie future »343. Il ajoute que, contrairement aux deux autres modalités qu’il a repérées, ‘« est sous-jacente l’idée d’une construction perpétuelle ».’ Il est à rappeler que cette modalité a rapport à la conception relative à la « dimension “sportive” ». Or, G. Cogérino indique, que cette conception, comme celle qui concerne les ‘« principes de gestion », « incite [...] à mieux enseigner ce qui s’enseigne déjà »’ 344. G. Cogérino annonce, en outre : ‘« Ces principes de gestion [...]“aident : à construire des acquisitions (apprentissages) ; à réguler les acquisitions (entretien) ; à traiter les situations ultérieures (vie adulte)” »’ 345.

Le repérage, par G. Cogérino, de quatre conceptions à la lecture d’articles édités en 1993 dans la Revue EPS
Les trois autres changements notés procèdent de l’examen de publications faites en 1993 (Tableau 9). G. Cogérino précise :

‘« Les articles analysés sont les suivants :
  • C. Pineau, “Des principes opérationnels aux programmes”, Revue EPS, n° 240, 1993 [...]

  • D. Delignières, Ch. Garsault, “Objectifs et contenus de l’EPS, Transversalité, utilité sociale et compétence”, Revue EPS, n° 242, 1993 [...]

  • G. Klein, EPS : “Contenus et programmes”, Revue EPS, n° 242, 1993 »346.

Elle repère quatre conceptions à la lecture de ces articles :

  • La conception « pragmatique » est attribuée à C. Pineau,

  • La conception « maximaliste » est rapportée à D. Delignières et C. Garsault,

  • La conception « apprendre à apprendre » est repérée dans l’article de G. Klein et concerne les contenus et programmes du Québec et de la Grande-Bretagne,

  • La conception « Préventive et sécuritaire » est pointée dans la même publication et vaut au plan des contenus et programmes de la Suède.

Tableau n°9 : Les types de « rapports à la gestion de sa vie physique » qui apparaissent dans différents programmes,selon Klein (G.), Entretien avec G. Klein, in : Amicale des enseignants EPS, Université d’été EPS 1993, AEEPS / Université Aix-Marseille II, pp. 89-90
« TROIS MODALITES DE
GESTION DU POTENTIEL MOTEUR »
« Si on pose [...] la question de la gestion de la vie physique [...] au regard de la notion d’EP dans plusieurs systèmes éducatifs, j’ai essayé de formaliser plusieurs types de rapports à la gestion de sa vie physique qui apparaissent dans les différents programmes. C’est une hypothèse que je vous propose [...] On peut identifier trois modalités de gestion du potentiel moteur. »
« La première modalité concerne
l’entretien d’un capital. »
« C’est-à-dire que l’EPS servirait à maintenir le corps comme un instrument qui est à disposition de l’élève et qui lui permette de résister à toutes épreuves présentes ou futures. »
« Gérer sa vie physique serait alors entretenir le capital en vue d’une insertion professionnelle, en vue donc de visées utilitaires. »
« Ceci est un premier niveau qui pourrait être illustré par les contenus suédois [...] ; des contenus utilitaristes puisque l’EPS sert à s’adapter de façon traditionnelle, ici et maintenant. En effet, le pari qui est fait est que si l’on identifie l’épaisseur de la couche de glace, ou si l’on est capable de sortir seul d’une crevasse, on sera alors capable dans sa vie de loisir d’utiliser ces contenus. Il y a donc l’entretien permanent de ce capital pour une adaptation ; s’ajoute à cela le travail des postures, l’insistance sur l’aspect ergonomique mais aussi sécuritaire de l’EPS qui en font réellement l’entretien du capital existant. »
« Le deuxième axe [...] serait
d’atteindre un état permanent positif,
c’est-à-dire une sorte de bien-être global. »
« Bien-être par rapport à soi, par rapport à l’environnement et bien-être dans la communauté. »
« Il y a là une gestion de sa vie physique selon une visée à plusieurs dimensions, mais toujours comme un état de bien-être global à maintenir. »
« On pourrait prendre comme référence à ce niveau le Québec au travers de ce qu’il laisse filtrer de son programme de 1981. Un individu équilibré est un individu qui entretient des relations à soi, des relations au milieu physique, des relations au milieu humain. »
« Enfin, une troisième conception doctrinale [...]
se situerait plutôt sous l’angle d’un bien-être à conquérir,
c’est-à-dire dans une visée temporelle
qui anticipe sur la vie future. »
« Ce bien-être à conquérir suppose un certain style de vie, une certaine façon individuelle d’aborder l’activité physique, les activités sportives. »
« Il passerait par des ressources à développer et contrairement aux deux perspectives précédentes, est sous-jacente l’idée d’une construction perpétuelle. »
« L’exemple britannique
place délibérément les ressources à développer sous l’angle de la prise d’information sur le milieu de façon à planifier l’action puis la réalisation et enfin l’évaluation de cette action. Les propositions françaises semblent s’installer dans cette perspective d’une ressource à développer : prise d’informations sur le milieu, réalisation, puis gestion de son action motrice ou gestion de son potentiel physique. »
« Comment donc se situent les propositions françaises, par rapport aux différents programmes et par rapport à cette gestion de la vie physique ? Actuellement la tendance majoritaire, tout du moins en Europe, montre l’idée de savoir-faire instrumentaux, de savoirs méthodologiques qui sont à développer à l’occasion des activités physiques. Bien rares sont les systèmes qui n’abordent pas cette idée de savoirs méthodologiques, de savoirs exemplaires en quelque sorte. Même le programme allemand [...] très sportif en vient à ces savoirs méthodologiques et instrumentaux. »

On note des incompatibilités entre la catégorisation de G. Cogérino et celle de G. Klein
Ces observations invitent à mettre à nouveau en regard les catégorisations de G. Cogérino et de G. Klein. Ce dernier indique que « les propositions françaises » semblent relever de la modalité qui a trait à « un bien-être à conquérir ». G. Cogérino considère, quant à elle, que la conception de C. Pineau diffère de celle de D. Delignières et C. Garsault. Elle qualifie l’une de « pragmatique », l’autre, de « maximaliste ». Elle les distingue, en outre, de la conception repérable dans les contenus et programmes du Québec ainsi que dans ceux de la Grande-Bretagne. Or, G. Klein range les propositions québécoise et britannique en deux catégories différentes. L’une a, d’après lui, rapport à la modalité concernant « un état permanent positif », l’autre, à celle relative à « un bien-être à conquérir ». Il est, de plus, probable que G. Klein, qui est, en 1993, membre du GTD EPS, inclut la conception de C. Pineau dans les « propositions françaises ». Or, celui-ci estime que « L’exemple britannique » relève de la même modalité que les « propositions françaises ». On peut alors envisager que G. Klein et G. Cogérino analysent différemment les propositions d’enseignement considérées.

La question de la pertinence des catégorisations de G. Cogérino et G. Klein, à partir du cas de la R.F.A.
Ces observations invitent à considérer que les catégorisations de G. Cogérino et G. Klein ne sont pas, à tout le moins en tout point, compatibles. Elles ont, en outre, un point commun qui contribue à mettre en question leur pertinence. G. Cogérino se réfère à un article de G. Klein pour décrire deux conceptions. Il s’agit d’un écrit qui a paru dans la Revue EPS de juillet-août 1993 et qui s’intitule : « EPS : contenus et programmes ». Il est indiqué, dans son intitulé ‘: « République Fédérale Allemande, Québec, Royaume-Uni, Suède »’ 347. Or, on observe que ni G. Cogérino, ni G. Klein ne mentionnent le cas de la R.F.A. dans leurs catégorisations. Tous deux font cas de ce qui concerne le Québec, le Royaume-Uni ou la Suède. G. Klein écrit, à propos du land de Rhénanie-Palatinat : ‘« il s’agit de transmettre l’héritage sportif du passé, un corpus de techniques traditionnelles, donc de véhiculer certains aspects essentiels d’une culture sportive. Il existerait ainsi des sports de base, dont l’acquisition est obligatoire pour accéder à une culture physique générale. »’ 348 Il est à noter que G. Klein n’emploie pas l’expression « vie physique » pour ce qui concerne la R.F.A.. Or, il le fait pour ce qui est du Québec, du Royaume-Uni et de la Suède349. Il serait possible pour G. Cogérino ou G. Klein de proposer une catégorie relative à la « culture physique générale » ou au « sport de base » ; ils pourraient l’illustrer à partir du cas du land de Rhénanie-Palatinat. Or, il n’en est rien. Cela laisse penser que leurs points de vue concernant la « vie physique » en EPS les conduisent à écarter cette éventualité.

Du problème de la compatibilité des catégorisations de G. Cogérino et G. Kleinà celui de leur pertinence
Il s’avère dès lors que les catégorisations qu’ont présentées G. Cogérino et G. Klein en 1993 posent problème. On peut envisager que leurs analyses sont, en certains points, convergentes. C’est le cas, par exemple, lorsqu’elles portent sur les contenus et programmes de la Suède. On ne peut cependant considérer que les analyses de G. Cogérino et G. Klein sont en tout point concordantes. Elles sont discordantes pour ce qui concerne les propositions québécoise et britannique, ainsi qu’au moins une proposition française. L’oeuvre de C. Pineau concernant la « vie physique » en EPS est, en effet, analysée différemment par G. Cogérino et G. Klein. Ces observations peuvent donner à penser qu’ils émettent des points de vue plus qu’ils n’élaborent des catégories. On peut, en tout état de cause, considérer que chacun d’eux envisage une réalité au travers d’un prisme qui lui est propre. Ce qu’accrédite le fait que l’un comme l’autre ne fasse cas des propositions issues du land de Rhénanie-Palatinat. Ainsi les essais de catégorisation de G. Cogérino et G. Klein reflètent-ils leurs points de vue respectifs quant à ce qui en fait l’objet.

Notes
341.

Elles sont présentées dans :

Cogérino (G.), Gérer sa vie physique : contribution des enseignants d’EPS, Centre de Recherches en Activités Physiques et Sportives, Université de Caen, mai 1997, pp. 12-14

Cogérino (G.), Apprendre à gérer sa vie physique, Paris : PUF, collection pratiques corporelles, 1999, pp. 72-83

342.

Cogérino (G.), Gérer sa vie physique : contribution des enseignants d’EPS, Centre de Recherches en Activités Physiques et Sportives, Université de Caen, mai 1997, p. 11

343.

Klein (G.), Op. cit., p. 90

344.

Cogérino (G.), Apprendre à gérer sa vie physique, Paris : PUF, collection pratiques corporelles, 1999, p. 82

345.

Cogérino (G.), Gérer sa vie physique : contribution des enseignants d’EPS, Centre de Recherches en Activités Physiques et Sportives, Université de Caen, mai 1997, p. 14

346.

Cogérino (G.), Op. cit., p. 12

347.

Klein (G.), EPS : contenus et programmes, République Fédérale Allemande, Québec, Royaume-Uni, Suède, Revue EPS, n° 242, juillet-août 1993, p. 53

348.

Klein (G.), Op. cit., p. 56

349.

Ibid., p. 55

L’auteur indique, à propos du Royaume-Uni et du Québec : « Il s’agit donc d’acquérir et de maîtriser des méthodes de relation avec cet environnement, des modes de sensibilité corporelle, bref des modes d’acquisition des contenus permettant de faire face aux situations ultérieure de la vie physique. » Il annonce aussi, pour ce qui est de la Suède : « Il s’agit d’apprendre les choses qui sont utiles socialement et qui correspondent aux contraintes objectives de la vie physique ultérieure. »