1.2.2 La question des activités physiques à pratiquer et des modalités de pratique

Pour une mise en regard des conceptions au plan des activités physiques à pratiquer et des modalités de pratique
Les acquisitions visées au plan des quatre conceptions étudiées ont des appellations qui diffèrent de l’une à l’autre. Elles sont, en chaque cas, moyens pour atteindre une visée qui est jugée avoir trait à la « vie physique ». Or, la définition de cette visée est propre à chaque conception. Cela conduit à envisager que c’est aussi le cas pour ce qui est des acquisitions préconisées. Chacune de ces acquisitions se révèle effectivement spécifique à l’une des conceptions en présence. Ainsi, seuls J. Eisenbeis et Y. Touchard ont le projet de doter l’enfant de ce qu’ils dénomment « conduites sécuritaires ». De même, seule G. Cogérino défend l’idée que l’élève doit accéder à la pratique d’entretien corporel... Les acquisitions considérées sont, en chaque cas, présentées en tant que fruit d’un enseignement en matière de « vie physique ». Elles ont rapport à des activités physiques à pratiquer et à leurs modalités de pratique : il est question, en chaque conception, d’activités et de modalités de pratique, au plan des moyens permettant une acquisition ou en tant qu’objet d’acquisition. Elles sont ainsi le pendant des acquisitions visées. Cela accrédite l’idée qu’il est autant de points de vue quant à la pratique physique à effectuer que de conceptions en présence.

Selon D. Delignières et C. Garsault : l’acquisition d’une « relation de plaisir avec les APS » et de « compétences » prévalent sur un « encyclopédisme sportif »
Pour D. Delignières et C. Garsault, il est ‘« nécessaire que chaque élève ait vécu, au cours de son cursus scolaire, la satisfaction d’avoir atteint un niveau significatif de maîtrise dans au moins une activité sportive »493.’ Il en va en effet selon eux de la construction d’une « relation de plaisir avec les APS ». Il s’agit, en outre, à leurs yeux, que l’élève acquière des ‘« compétences relatives à la gestion de ses loisirs physiques »’ 494. Ils indiquent à ce propos : ‘« un cycle ne doit pas être défini par l’activité sportive qui lui sert de support, mais par les objectifs qu’il vise »495.’ Ils considèrent ainsi que le choix des activités physiques pratiquées est fonction de compétences à acquérir. Ces dernières valent au regard de ‘« problèmes soulevés par l’organisation et la pratique des loisirs sportifs »’ 496. Pour D. Delignières et C. Garsault‘, « L’activité choisie doit être culturellement porteuse de la compétence à développer. »’ 497 Elle doit, en outre, ‘« subir un traitement didactique particulier, orienté par la nature de la compétence à enseigner ».’ Cela appelle ‘« un compromis entre [...] exigences méthodologiques et attitudinales, et l’activité »’. Les auteurs considèrent qu’il est, d’une manière générale, souhaitable de consacrer un cycle à un type de compétence498. Ils envisagent aussi l’éventualité de distribuer l’enseignement d’une compétence sur plusieurs cycles. Ils ne visent pas, en tout état de cause à un « encyclopédisme sportif ».

Selon J. Eisenbeis et Y. Touchard : une complémentarité des activités et une pratique au regard du couple « risque / rupture »
J. Eisenbeis et Y. Touchard annoncent, eux : ‘« dans la mesure où l’éducation à la sécurité a été placée dans le champ de l’EPS, les contenus matière seront ceux des APS ou ceux des pratiques ludiques et de loisir choisies comme supports à l’enseignement »499.’ Ainsi, selon eux : ‘« Chaque pratique possède des caractéristiques qui peuvent, en fonction de l’objectif “sécurité”, être retenues comme critères éventuels de choix. »500 ’ Il est question des « ressources qu’elles développent », des « types de relations qu’elles provoquent », de « la nature des informations qu’elles dispensent ». Pour J. Eisenbeis et Y. Touchard‘, « variété et complémentarité des activités sont nécessaires à une programmation »’. La sécurité est « principe organisateur des pratiques physiques »501. Il s’agit de tenir compte des « risques et des ruptures » spécifiques à chaque activité, pour aider à l’organisation de la prise de décision et de l’action. C’est ainsi que J. Eisenbeis et Y. Touchard se démarquent de D. Delignières et C. Garsault. Ces derniers envisagent de programmer les activités physiques en fonction d’un ensemble de compétences à acquérir qui ne concernent pas toutes la sécurité. S’ils recherchent une complémentarité, c’est au plan du couple « compétence / activité ». En outre, la didactisation des activités vise, selon eux, à un compromis fonction des différentes composantes de la compétence. Elle dépend, pour J. Eisenbeis et Y. Touchard, d’un principe organisateur différent : il est relatif à la prise de décision et à l’action au regard du couple « risque / rupture ».

Selon J. Le Boulch : une complémentarité des activités et des modes de pratique envisagée au regard des fonctions psychomotrices
Il s’agit, pour J. Le Boulch, de développer des « compétences fonctionnelles » dont les fonctions psychomotrices sont le support502. Il en résulte des implications quant aux activités pratiquées, fonction ‘« des impératifs de développement de l’enfant, différents selon les stades de son évolution psychomotrice »503.’ J. Le Boulch indique ainsi : ‘« A l’école primaire, il est [...] souhaitable de substituer une éducation psychomotrice à l’enseignement des APS »504.’ Concernant le collège et le lycée, il propose une classification autorisant le choix des activités pour « mener à bien un travail fonctionnel »505. Ainsi différencie-t-il les « Activités opératives » des « Activités d’expression et de communication ». Il spécifie, au plan des « Activités opératives », les « Activités sportives » et les « Activités physiques de pleine nature ». Il discerne, au sein des « Activités sportives », les « Sports collectifs » et les « Sports individuels »506. Il précise : ‘« L’enseignement du sport éducatif, des activités de pleine nature, des activités d’expression et artistiques [...] peut débuter dès le troisième cycle de l’école élémentaire »507.’ J. Le Boulch vise ainsi à une complémentarité des activités pratiquées et des modes de pratique au plan de la mise en jeu des fonctions psychomotrices. Or, il serait envisageable, si on suit D. Delignières et C. Garsault, de se passer d’un ou de plusieurs types d’activités dont la complémentarité est requise aux yeux de J. Le Boulch . J. Eisenbeis et Y. Touchard, par ailleurs, ne font pas mention de restriction, quant à la pratique des activités, liée au développement de l’élève. Ils envisagent pourtant l’éducation à la sécurité dans le cas de l’école primaire. Leurs critères de choix des activités diffèrent, en outre, de ceux de J. Le Boulch.

Selon G. Cogérino : pratique de pleine nature et d’entretien dans une perspective de détente, de bien-être ou de convivialité
G. Cogérino considère, elle, que la

‘« formation de l’élève à la G.SV.P. engage :
  • un renouvellement des APS massivement présentes en EPS (pratique de pleine nature, d’entretien corporel, plutôt que [...] athlétisme–gymnastique–natation)

  • une prise en compte des motivations à l’égard de la pratique physique chez les adultes (détente, bien-être, convivialité plutôt que recherche de performance et de dépassement de soi) »508.

D. Delignières et C. Garsault pensent, quant à eux, ‘« qu’une APS n’est pas en soi porteuse d’enjeux de formation »’ 509. J. Eisenbeis et Y. Touchard indiquent, pour leur part : ‘« variété et complémentarité des activités sont nécessaires à une programmation »’ 510. Ils comptent parmi elles : « [...] escalade, gymnastique, orientation, sports collectifs, tennis, natation, athlétisme... pour ne citer que celles-ci »511. Pour J. Le Boulch : ‘« Les activités sportives sont [...] équilibrées par deux ensembles d’activités alternatives. Les unes sollicitent l’effort en vue de surmonter les obstacles naturels, les autres, comme la danse [...] répondent à une nécessité intérieure de nature émotionnelle. »’ 512 En outre, les modes de pratiques n’apparaissent pas déterminés par ces auteurs au regard ‘« des motivations à l’égard de la pratique physique chez les adultes ».’ Ainsi le point de vue exposé par G. Cogérino quant aux activités à pratiquer et aux modalités de pratique à privilégier lui est-il propre.

Notes
493.

Delignières (D.), Garsault (C.), Apprentissages et utilité sociale : que pourrait-on apprendre en EPS ?, in : René (B.-X.), Op. Cit., p. 161

494.

Delignières (D.), Garsault (C.), Op. Cit., p. 157

495.

Delignières (D.), Garsault (C.), Objectifs et contenus de l’EPS, réflexions prospectives, Transversalité, utilité sociale et compétence, Revue EPS, n° 242, juillet-août 1993, p. 13

496.

Delignières (D.), Garsault (C.), Apprentissages et utilité sociale : que pourrait-on apprendre en EPS ?, in : René (B.-X.), Op. Cit., p. 157

497.

Delignières (D.), Garsault (C.), Objectifs et contenus de l’EPS, réflexions prospectives, Transversalité, utilité sociale et compétence, Revue EPS, n° 242, juillet-août 1993, p. 13

498.

Delignières (D.), Garsault (C.), Op. Cit., p. 13

499.

Eisenbeis (J.), Touchard (Y.), Op. Cit., p. 69

500.

Ibid., p. 71

501.

Ibid., pp. 65-68

502.

Le Boulch (J.), Le corps à l’école au XXI e siècle, Paris : PUF, collection : Pratiques Corporelles, 1998, pp. 258-259

503.

Le Boulch (J.), Op. Cit., p. 134

504.

Ibid., p. 155

505.

Ibid., pp. 257-258

506.

Ibid., pp. 260-313

507.

Ibid., p. 156

508.

Cogérino (G.), Op. Cit., pp. 16-17

509.

Delignières (D.), Garsault (C.), Op. Cit., p. 13

510.

Eisenbeis (J.), Touchard (Y.), Op. Cit., p. 71

511.

Ibid., p. 69

512.

Le Boulch (J.), Op. Cit., p. 315