2.1.2 L’au-delà de l’EPS au regard des mises en oeuvre concernant la vie physique

Selon J. Le Boulch : les « compétences fonctionnelles » sont le support de la « transversalité »
J. Le Boulch a le projet de doter l’élève de compétences motrices et du moyen d’en gérer la mise en oeuvre608. Il s’agit ainsi de le munir de « compétences fonctionnelles »609. J. Le Boulch envisage la question au regard de l’« analyse fonctionnelle », c’est-à-dire, du point de vue du versant théorique de la psychocinétique610. C’est ainsi qu’il annonce : « ‘il s’agit de franchir le seuil entre l’ajustement global et l’ajustement programmé mentalement’ »611. Il s’avère, dès lors, qu’il est question de permettre à la personne une prise en charge intentionnelle et consciente de son corps propre (« affectif et opératif »). Le moyen envisagé pour y parvenir est la psychomotricité fonctionnelle. Elle rend possible, selon J. Le Boulch, une « ‘approche unitaire de l’apprentissage moteur’ ». C’est ainsi qu’elle permet, d’après lui, de pratiquer de nombreuses activités « ‘dans une cohérence qui renforce l’unité et l’autonomie de la personne’ »612. Cela correspond, à ses yeux, à « ‘ce que l’on appelle aujourd’hui la transversalité’ ». Les compétences fonctionnelles sont alors le « ‘support de la transversalité’ »613. Il s’agit ainsi, pour J. Le Boulch, d’acquérir des automatismes moteurs et le moyen de les modifier intentionnellement selon les besoins614. C’est, dans sa logique, d’une prise en charge intentionnelle de « l’ajustement postural » dont dépend cette modification615. Il faut, plus précisément, « ‘modifier intentionnellement sa propre attitude corporelle sans que cet effort s’accompagne de tensions parasites dans le système phasique ’»616. Une compétence est à l’oeuvre pour ce faire. Elle repose sur ‘« la fonction clé dont dépend le transfert d’apprentissage support de la transversalité’ »617. Il est ainsi question d’acquisitions transférables, permettant à la personne une gestion autonome de ses compétences motrices, au-delà de l’EPS.

Selon J. Eisenbeis et Y. Touchard : les « conduites sécuritaires » sont « réinvestissables »
J. Eisenbeis et Y. Touchard indiquent, quant à eux : « ‘l’éducation physique et sportive [...] conduit à faire acquérir aux élèves des comportements positifs face aux risques’ »618. Ils se sont exprimés quant à la démarche d’enseignement le permettant. Ils annoncent : « 

‘Elle suppose des temps forts notamment :
  • une activation de la vigilance [...]

  • une mobilisation des ressources en présence pour pouvoir agir et réagir [...]

  • une régulation des réponses [...]

  • un réinvestissement [...] »619.

Ce dernier a pour objet « ‘l’utilisation des acquis dans des situations nouvelles’ ». Il est ainsi à noter que J. Eisenbeis et Y. Touchard jugent les acquisitions relatives à l’« éducation à la sécurité » réinvestissables. Ils précisent, en outre, qu’il est question de réinvestissement pour :

‘« 
  • situer son niveau d’efficience ;

  • évaluer les incertitudes ;

  • identifier la nature des ruptures ;

  • déterminer les limites de son engagement ;

  • pouvoir donner des réponses ou être en mesure d’organiser sa prise d’information et d’aboutir à une nouvelle prise de décision. »

Aussi indiquent-ils : « ‘L’objectif central de l’éducation à la sécurité est d’amener l’enfant à se doter d’un ensemble de conduites sécuritaires, réinvestissables dans la vie quotidienne’ . »620 Certaines sont censées l’être au plan l’activité physique et sportive. Il en est, en effet, qu’ils jugent « spécifiques du domaine de l’EPS ».

Selon D. Delignières et C. Garsault : « une relation de plaisir avec les APS », qui vaut au-delà de l’EPS, voire de la scolarité, et des « compétences » « réinvestissables »
D. Delignières et C. Garsault, quant à eux, ont l’ambition de permettre à l’élève « ‘de construire une relation de plaisir avec les APS’ »621. Ils considèrent qu’il en va, pour les élèves, d’une « ‘envie de pratiquer une activité physique, au terme de leur scolarité et tout au long de leur vie’ »622. Ils jugent, dès lors, que la mise en place d’une relation de plaisir avec les activités physiques et sportives vaut au-delà de l’EPS, voire du temps de la scolarité. D. Delignières et C. Garsault ont aussi le projet de doter le sujet de compétences relatives à la gestion de ses loisirs physiques. Ils annoncent, quant à celles-ci : « ‘Il ne s’agit pas de donner aux élèves des compétences spécifiques relatives à une fonction définie. Dans le domaine des pratiques sportives, l’incertitude liée à l’évolution [...] des pratiques, mais également aux choix que réalisera un individu particulier, doit amener à définir un ensemble de compétences larges, répondant à des problématiques transversale’ s »623. Selon eux, « ‘La question qu’il convient de se poser est la suivante : quelles compétences, dans le domaine des loisirs sportifs doit posséder un élève qui sort du système scolaire ?’ » C’est alors qu’ils considèrent que celles-ci valent au-delà de l’EPS et une fois la scolarité achevée. Ils précisent, en outre : « ‘Ces compétences ne sont pas spécifiques d’une activité sportive, mais peuvent s’exprimer au travers de plusieurs activités ou modalités de pratique.’ »624 Il est à noter, par surcroît, qu’ils indiquent : ‘« parce que la compétence est conçue comme éminemment réinvestissable, il serait logique que son évaluation ne se déroule pas dans les situations (ni même les activités) où elle a été acquise ’»625.

Selon G. Cogérino : un habitus et une attitude pour maintenir une pratique physique à tous les âges de l’existence
G. Cogérino, pour sa part, souhaite que l’élève puisse « ‘maintenir une activité physique à tous les âges de l’existence’ »626. Cela, selon elle, a rapport à « ‘la perception de bénéfices associés à cette pratique, ainsi qu’à la perception du besoin [...] qu’en aurait l’individu’ ». C’est ainsi qu’il est question d’« habitus » et d’intégration « ‘des connaissances à une attitude’ »627. C’est au regard de travaux émanant de psychologie sociale qu’elle spécifie l’« attitude »628. Cela la conduit à indiquer : « ‘c’est autour de l’attitude que viennent s’organiser les informations (dont les connaissances acquises)’ »629. Elle se réfère à S. Moscovici pour signifier que l’attitude constitue la « ‘colonne vertébrale de toutes les autres manifestations psychiques : perceptions, jugements, comportements’ »630. Il est à noter que l’attitude est, selon G. Cogérino, disposition stable. Cela invite à considérer que la mise en place, à l’occasion des cours d’EPS, d’une attitude favorable à la pratique physique est de nature à perdurer. G. Cogérino ne s’épanche guère quant à l’habitus. Elle l’évoque en faisant référence à P. Bourdieu631. Or, ‘« l’habitus désigne dans son sens le plus général le système de dispositions durable acquis par l’individu au cours du processus de socialisation’ »632. Il est à ajouter que G. Cogérino s’est exprimée quant à l’enseignement des pratiques d’entretien corporel en EPS633. Elle annonce : « ‘ces contenus doivent être porteurs d’un réinvestissement possible en dehors du cours d’EPS’ ». Il est ainsi question d’acquisitions censées valoir au-delà de l’EPS, voire une fois la scolarité achevée.

Pour une nouvelle analyse des données conduisant à repérer que la question de la « vie physique » en EPS fait problème
Il s’avère ainsi que les acquisitions visées en chaque conception sont voulues valoir au-delà de l’EPS. Les acquisitions visées se révèlent, de plus, de natures différentes d’une conception à l’autre. Il apparaît, en outre, qu’elles requièrent des pratiques d’activités physiques et d’enseignement dont la spécification est propre à chaque conception. Il est dès lors question de mises en oeuvre particulières visant à l’accès à un au-delà de l’EPS. Cela est cohérent en regard du fait que celui-ci est conçu de façon particulière en chacune des conceptions en présence. Ces observations invitent à considérer qu’il est un point commun entre ces conceptions, qui est à la source de leurs différences. Il s’agit d’une volonté de donner accès à un au-delà de l’EPS au moyen d’acquisitions qui valent au-delà de l’EPS. Il en irait ainsi de ce qui fait que la question de la « vie physique » en EPS pose problème. À supposer que cette analyse se tienne en regard des données ayant conduit à repérer ce problème. La question est ainsi à considérer au plan des formulations relatives à la « vie physique » en EPS. Il s’agit aussi de l’envisager en ce qui concerne les propos des représentants de l’institution quant à la « vie physique » en EPS. Il convient encore de s’y intéresser pour ce qui est des travaux visant à élucider les propositions d’enseignement quant à la « vie physique » en EPS. La question de la « vie physique » en EPS a-t-elle rapport, à ces différents niveaux, à l’au-delà de l’EPS ?

Notes
608.

Le Boulch (J.), Op. Cit., p. 343

609.

Ibid., p. 258

610.

Ibid., p. 104

611.

Ibid., p. 108

612.

Ibid., p. 106

613.

Ibid., p. 258

614.

Ibid., pp. 140-150

615.

Ibid., pp. 109-115

616.

Ibid., p. 148

617.

Ibid., p. 148

618.

Eisenbeis (J.), Touchard (Y.), Op. Cit., p. XVI

619.

Ibid., p. 72

620.

Ibid., p. 3

621.

Delignières (D.), Garsault (C.), Op. Cit., p. 158

622.

Ibid., p. 157

623.

Delignières (D.), Garsault (C.), Objectifs et contenus de l’EPS, réflexions prospectives, Transversalité, utilité sociale et compétence, Revue EPS, n° 242, juillet-août 1993, p. 11

624.

Delignières (D.), Garsault (C.), Op. Cit., p. 11

625.

Ibid., p. 13

626.

Cogérino (G.), Gérer sa vie physique : contribution des enseignants d’EPS, Université de Caen : Centre de Recherches en Activités Physiques et Sportives, mai 1997, p. 16

627.

Cogérino (G.),  Op. Cit., p. 17

628.

Ibid., pp. 5-6

629.

Ibid., p. 5

630.

Ibid., p. 5

L’auteur fait référence à :

Moscovici (S.), L’ère des représentations sociales, in : Doise (W.), Palmonari (A.), L’étude des représentations sociales, Neuchâtel, PAris : Delachaux et Niestlé, 1986, pp. 34-80

631.

Cogérino (G.), Op. Cit., p. 7

L’auteur fait référence à :

Bourdieu (P.), Comment peut-on être sportif ?, in : Questions de sociologie, Paris ; Editions de Minuit, 1984, pp. 173-195

632.

Delignières (D.), Duret (P.), Lexique thématique en sciences et techniques des activités physiques et sportives, Paris : Vigot, collection : sport + enseignement, 1995, p. 43

633.

Cogérino (G.), Des pratiques d’entretien corporel aux connaissances d’accompagnement, Dossiers EPS, n° 37, 1998, p. 26