1.1.3 Transferts produits et transfert processus

Types de transferts ou catégories usuelles pour désigner les formes du transfert
L. Toupin signale qu’‘« Il existe différents types et différents niveaux de transfert dont il faut tenir compte lorsque la notion de transfert est abordée.’ »805 L’auteur inventorie les transferts : positif, négatif, vertical, latéral (horizontal), spécifique, général, littéral, analogique, court et long. Il les regroupe en cinq paires dont quatre lui permettent d’identifier « ‘différents types [...] de transferts ’». On a alors les types suivants : positif / négatif, vertical / horizontal, spécifique / général, littéral / analogique. Lorsqu’il présente la cinquième paire, qui a rapport aux transferts court et long, L. Toupin précise : « ‘La distinction entre transfert court et transfert long ne constitue pas un nouveau type de transfert. Il s’agit, sur le continuum du transfert positif, de poser le niveau d’atteinte du transfert. »’ 806 Les propos de L. Toupin sont cependant à mettre en regard du titre du paragraphe en lequel il s’exprime : « ‘Les catégories usuelles pour désigner les formes du transfert ’»807. Est-il alors question des transferts ou du transfert et de ses différents formes ? La réflexion appelle quelques précisions terminologiques. Il convient en effet de spécifier ce que L. Toupin entend, suivant le qualificatif qu’il associe au mot « transfert ».

Selon L. Toupin, huit catégories usuelles pour désigner les formes du transfert, constitutives de quatre types de transferts
Il s’agit ainsi de s’intéresser aux « ‘différents types [...] de transfert’ » qu’il a identifiés. Un premier type a rapport au couple positif / négatif. Il est question, selon L. Toupin, de transfert positif « ‘lorsque l’acquisition d’une connaissance peut aider ou faciliter la performance sur une autre tâche’ »808. Inversement, il y a transfert négatif ‘« si une connaissance acquise inhibe ou interfère avec le rendement sur une autre tâche ’». Un deuxième type a trait à la paire vertical / horizontal. L. Toupin indique qu’un transfert vertical « ‘survient lorsqu’une habileté ou une connaissance contribue directement à l’acquisition d’une habileté ou d’une connaissance d’ordre supérieur’ ». Il considère qu’un transfert latéral ou horizontal se produit lorsqu’il y a ‘« généralisation d’une connaissance à un ensemble de situations ’»809. Le troisième type à considérer concerne l’association spécifique / général. Pour L. Toupin, le transfert spécifique « ‘implique une situation d’apprentissage où peut être établie une similitude évidente entre les éléments du stimulus initial et les éléments de la situation de transfert ’»810. Alors qu’il est question de transfert général « ‘pour désigner les sources de transfert qui sont attribuables à des effets de pratique qui sont indépendants des stimuli communs que partagent la situation d’apprentissage et celle de transfert’ ». Un quatrième type, enfin, est relatif à l’opposition littéral / analogique. L. Toupin rapporte qu’on parle de transfert littéral pour signifier « ‘le transfert d’une habileté ou d’une connaissance sans modification aucune, à une nouvelle situation’ »811. Le transfert analogique concerne « ‘l’utilisation de nos savoirs, de nos représentations, pour penser et agir à propos d’un problème ou d’une situation’ ».

L’idée que le transfert est susceptible de présenter différentes formes
L. Toupin annonce par ailleurs, pour ce qui est des transferts court et long : « ‘Un transfert court [...] se réfère généralement à une situation de transfert qui est relativement semblable à la situation d’apprentissage [...] Le transfert long [...] se réfère, quant à lui, à une situation de transfert qui est relativement différente de la situation d’apprentissage. [...] Notons aussi que la variable temps permet la distinction entre un transfert court et un transfert long. ’»812 L. Toupin indique aussi que l’un et l’autre ont rapport au « continuum du transfert positif ». Or, il évoque « ‘L’existence d’un continuum positif-négatif du transfer’ t »813. Chacun des transferts positif et négatif est alors susceptible d’être désigné court ou long. De plus, les transferts vertical / horizontal, spécifique / général, littéral / analogique ont trait aux effets de ce qui a été appris, dans une situation autre que celle d’apprentissage. Effets de nature à indiquer qu’un transfert positif ou négatif s’est produit. Si les transferts positif et négatif peuvent être courts ou longs, c’est qu’il en est ainsi de chaque type de transfert qu’a listé L. Toupin. On peut envisager, de plus, qu’un transfert soit vertical pour ce qui est d’une dimension des situations concernées et horizontal pour une autre. La même remarque vaut dans le cas des transferts spécifique / général et littéral / analogique. Il apparaît en outre qu’un transfert est susceptible de relever de différents types : il peut être tout à la fois qualifié de littéral, vertical et spécifique... Aussi peut-on penser que L. Toupin discourt à propos des différentes formes du transfert, plutôt que des différents transferts (Tableau 20).

[Note: D’après : Toupin (L.), De la formation au métier, Savoir transférer ses connaissances dans l’action, Paris : ESF éditeur, 1995, pp. 93-97]
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Tableau n°20 : Le transfert et les catégories usuelles pour en désigner les formes

Il apparaît à nouveau pertinent de considérer que les acquisitions relatives à la « vie physiques » sont voulues transférables
Les données autorisant cette conclusion permettent de réfléchir à la distinction éventuelle entre transfert et réinvestissement. La référence à M. Develay est à l’origine de la discussion quant à cette distinction. Celui-ci illustre son propos en ces termes : « ‘Un élève a appris à analyser une image publicitaire. Il sera capable de réinvestissement s’il s’exerce sur des images différentes. Il transférera cette capacité s’il cherche à analyser un film publicitaire, cette [...] capacité faisant intervenir d’autres capacités et d’autres compétences. »’ 814 Ce que M. Develay nomme réinvestissement correspond, si on emploie les termes qu’utilise L. Toupin, à un transfert. Ce dernier peut, à tout le moins, être qualifié de spécifique, positif et court. Ces observations conduisent à nouveau à juger que les acquisitions relatives à la « vie physique » sont voulues transférables. Celles-ci invitent, en outre, à relativiser l’intérêt d’une recherche du type de transfert que celles-là devraient occasionner. On pourrait objecter qu’il ne s’agit pas, en tout état de cause, d’un transfert négatif. Or, P. Vermersch, s’exprimant quant à la « microgenèse » du transfert annonce : « ‘Il y a une reconstruction qui commence par une déstructuration préliminaire, c’est-à-dire, par une perte de performance et une déstructuration des schèmes qui devront être remobilisés.’ »815 Si bien que la prudence s’impose...

Le transfert comme processus à l’oeuvre dans l’apprentissage dont l’étude peut occasionner l’observation de transferts produits
On perçoit aussi que le transfert a rapport à l’apprentissage. C’est ainsi que L. Toupin le définit ‘« comme l’utilisation de connaissances acquises dans des contextes autres que ceux dans lesquels elles furent acquises’ »816. Réciproquement, il apparaît difficile de réfléchir à l’apprentissage sans prendre en compte la question du transfert. Ainsi M. Develay indique-t-il : ‘« Tout apprentissage [...] correspond à un processus de changement. Processus qui ne commence jamais de zéro et qui aboutit toujours à un développement de la possibilité d’apprendre. Nous avons déjà signalé comment il était sans doute impossible de préciser quand commence et se termine un apprentissage’ »817. Il avance ensuite l’importance du transfert pour conceptualiser l’apprentissage. Le transfert se révèle ainsi à envisager comme processus à l’oeuvre dans l’apprentissage. Ce qui implique alors que l’étude de l’apprentissage peut occasionner l’observation de transferts produits. Ces remarques conduisent à considérer qu’il est, d’une part, des « transferts produits » qui correspondent à ce qu’on peut observer lorsqu’on évalue l’apprentissage. Elles invitent à envisager, d’autre part, que l’apprentissage met à l’oeuvre le « transfert processus » qui en est le support (Tableau 21). Il en résulte que les acquisitions relatives à la « vie physique » sont à envisager au regard du « transfert processus ». Ce dernier est alors à considérer en regard de la question des modalités d’acquisition.

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Tableau 21 : Transferts produits et transfert processus : niveaux observable et latent de l’apprentissage
Notes
805.

Toupin (L.), De la formation au métier, Savoir transférer ses connaissances dans l’action, Paris : ESF éditeur, collection : Pédagogies, 1995, p. 94

806.

Toupin (L.), Op. Cit., p. 96

L’auteur fait référence à :

Clark (R.E.), Voogel (A.), Transfer of training principles for instructional design, ECTJ, n° 33 (2), 1985, pp. 113-123

807.

Toupin (L.), Op. Cit., p. 93

808.

Ibid., p. 94

809.

Ibid., p. 196

L’appellation « transfert latéral » présente aux pages 94 et 95 du paragraphe relatif aux « catégories usuelles pour désigner les formes du transfert » n’est pas reprise dans le lexique de fin d’ouvrage. La formulation « transfert horizontal » y apparaît à la page 196, dont la définition est relativement proche de celle du « transfert latéral » donné à la page 95. Ainsi le « transfert latéral » y est défini comme une « sorte de généralisation qui s’étend à un ensemble de situations qui grosso modo ont le même niveau de complexité. » Le « transfert horizontal » est pour sa part défini comme la « généralisation d’une connaissance à un ensemble de situations ». Cette définition vaut à la fois pour le « transfert latéral » et pour le « transfert horizontal » ; aussi est-elle rapportée.

810.

Ibid., p. 95

811.

Ibid., p. 96

812.

Ibid., p. 97

813.

Ibid., p. 93

814.

Develay (M.), De l’apprentissage à l’enseignement, Paris : ESF éditeur, collection : Pédagogies, 1992, p. 149

815.

Develay (M.), Meirieu (P.), Mendelsohn (P.), Vermersch (P.), Lévine (J.), Op. Cit., p. 22

816.

Toupin (L.), Ibid., p. 97

817.

Develay (M.), Op. Cit., p. 133