La constatation d’un même souci de mise à l’épreuve des faits
Il apparaît que la question se pose de l’homogénéité des écrits de la Revue EPS qui relatent une expérimentation relative au transfert et à l’EPS. Un regard porté sur les grandes lignes de la démarche employée peut conduire à penser qu’elle est grande. Il est, en effet, en chaque cas, question d’un groupe témoin, de groupes expérimentaux, de variables contrôlées, de pré-test et de post-test. Ainsi M. Dubois et P. Godin indiquent-ils : «
groupe guidé (G) (18 élèves),
groupe découverte guidée (D.G.) (17 élèves),
groupe contrôle (C) (23 élèves). [...]
‘L’expérience comprend deux phases :
une première phase de pré-test identique pour les trois groupes au cours de laquelle nous avons testé le niveau initial des 58 sujets en prenant 2 mesures chronométriques au 1 / 10e de seconde pour chaque parcours.
‘une seconde phase au cours de laquelle les 5 parcours sont appris successivement, une semaine par parcours [...] »928.’ Ces éléments de similarité, cependant, ne concourent guère qu’à signifier l’évidence : un souci de mise à l’épreuve des faits anime les auteurs des publications considérées.
La comparaison de modalités de l’intervention pédagogique au plan de leurs effets sur le transfert
Il est plus significatif que la plupart des expérimentations présentées concernent l’intervention pédagogique. On s’intéresse alors à l’influence de celle-ci sur l’obtention du transfert d’apprentissage. P. Giraud et P. Cassard n’ont pu mesurer ses effets, ce qu’ils avouent regretter929. C’est le cas, aussi, de P. Parlebas et E. Dugas qui annoncent : ‘« Il eut été intéressant d’observer les conséquences différenciées provoquées par des types d’interventions pédagogiques contrastés »930.’ Ils ont néanmoins veillé à standardiser ces interventions. Les auteurs des quatre travaux restants ont, quant à eux, entrepris des comparaisons. Trois recherches mettent en regard deux modes d’intervention. Ainsi J.-P. Famose précise-t-il en son compte rendu : ‘« Dans notre étude, nous avons [...] essayé de comparer une intervention qui impose l’imitation et la répétition à une autre qui, elle, crée des situations favorables à la prise de conscience des principes d’exécution des mouvements. »931
’ P. Parlebas et J. Vivès dénomment la première « pédagogie dogmatique » et la seconde « pédagogie signifiante » dans l’avant-propos932. Ils ont initialement employé ces formulations dans le plan d’expérience qu’ils ont publié en 1969. Ils y annoncent ‘: « On comparera une intervention qui impose la copie, l’association et la répétition avec une intervention qui propose la prise de conscience et qui laisse de l’initiative psychomotrice. »’
933 J. Vivès, le premier, s’est attaché à confronter une « pédagogie [...] “significative” » et une « pédagogie “non significative” »934. M. Dubois et P. Godin jugent pour leur part primordial d’évaluer les effets de l’intervention pédagogique935. Ils opposent le « modèle “explicatif” ou “guidé” » au « modèle “découverte guidée” »936. Selon le premier, l’élève s’essaie à reproduire les techniques que lui a décrites l’enseignant. Suivant le second, il procède par tâtonnement et est aidé dans cette démarche.
Des résultats cohérents d’une expérimentation à l’autre
Les expérimentateurs émettent l’hypothèse que la pédagogie de type « dogmatique » est la moins propice au transfert. Leurs résultats expérimentaux l’accréditent-ils ? Il est à noter que le plan expérimental de P. Parlebas et J. Vivès n’a pas donné lieu à la publication de résultats. J. Vivès annonce, dans l’écrit relatant l’expérience qu’il a précédemment donnée à connaître : ‘« Le nombre des élèves du groupe contrôle [...] est trop faible pour tirer quelques conclusions valables. [...] D’après le nombre d’élèves ayant réalisé des progrès, il paraît y avoir avantage à la préparation significative sur l’autre. [...] Enfin, pour les deux groupes, il faut noter le pourcentage des élèves pour lesquels la préparation a eu peu de répercussion sur les performances. »’
937 J.-P. Famose, lui, ne trouve pas de différence significative entre les effets d’une « pédagogie dogmatique » et ceux d’une « pédagogie “explicative” »938. Il ajoute : ‘« Il semblerait [...] que ce sont les éléments de la pédagogie dogmatique [...] qui prédominent au début de nos deux apprentissages, la généralisation des principes n’intervenant que plus tard. » M. Dubois et P. Godin, eux aussi, trouvent les effets à court terme des « modes d’intervention guidée et découverte guidée » équivalents939. Ils ajoutent : « si l’on considère [...] leur différence d’effets à plus long terme, la forme d’application de la découverte guidée se révèle partiellement supérieure au modèle guidé. »’ Ces résultats, invalidant pour partie les hypothèses, sont alors globalement cohérents.
La comparaison de types de pratiques au plan de leurs effets sur le transfert
La plupart des expérimentateurs se sont aussi intéressés aux effets du type de pratique proposé sur le transfert. Ainsi J. Vivès annonce-t-il : ‘« nous avons cherché à apprécier les effets d’une préparation générale, à base de sauts variés, sur le comportement des élèves dans une situation donnée de saut. »’
940 P. Parlebas et J. Vivès indiquent quant à eux : ‘« On comparera les effets d’un apprentissage de séquences rigides et stéréotypées avec ceux d’un apprentissage de séquences changeantes et plastiques. »’
941 J.-P. Famose confronte, lui aussi, les effets de la pratique répétitive d’un même parcours à ceux de la pratique de parcours variés942. P. Giraud et P. Cassard oeuvrent dans cette optique, qui comparent ‘« les effets d’un apprentissage de séquences rigides sur un parcours unique, à ceux d’un apprentissage réalisé sur plusieurs parcours variés. »’
943 Si M. Dubois et P. Godin ne s’enquièrent pas de ces influences respectives, c’est qu’ils considèrent la question tranchée944. Le travail de P. Parlebas et E. Dugas se distingue ici945. Ils s’intéressent en effet aux influences respectives, en sports collectifs, de la pratique de jeux traditionnels et de celle d’activités athlétiques. Ils étudient aussi les effets de la pratique de jeux collectifs et d’activités athlétiques sur celle de jeux traditionnels.
Des résultats expérimentaux qui n’entrent pas en contradiction
M. Dubois et P. Godin affirment : ‘« En ce qui concerne l’organisation du milieu, plusieurs recherches montrent que l’apprentissage sous forme variée de tâches présentant une certaine analogie est un élément essentiel dans le développement d’une disposition à apprendre »946.’ Les auteurs des comptes rendus publiés précédemment émettent l’hypothèse que la réalisation de variantes d’une tâche est la pratique la plus favorable au transfert. L’expérience qu’a faite J. Vivès ne lui permet guère de se prononcer quant à celle-ci947. Le plan expérimental qu’ont présenté ultérieurement P. Parlebas et J. Vivès n’est, quant à lui, pas assorti de résultats. Il en va différemment pour ce qui concerne le travail de J.-P. Famose qui conclut : ‘« un apprentissage, caractérisé par la variation des parcours à chaque séance, permet d’obtenir, au moment du passage sur un parcours nouveau, sans entraînement préalable, un niveau de performance supérieur à celui que l’on peut atteindre grâce à un apprentissage fondé sur la répétition du même parcours. »948
’ P. Giraud et P. Cassard tirent, à l’issue de leur expérimentation, des conclusions similaires949. Les résultats qu’ont obtenus P. Parlebas et E. Dugas conduisent à d’autres considérations. C’est ainsi que les auteurs indiquent notamment : ‘« Nous sommes donc en présence de deux domaines d’action motrice hétérogènes [...] le domaine psychomoteur qui sollicite l’individu en isolé, sans interaction motrice avec autrui (cas de l’athlétisme) [...] le domaine sociomoteur [...] (cas des sports collectifs et des jeux traditionnels). Il n’y a pas de principe de continuité de l’un à l’autre.’ »950
Pour une nouvelle confrontation des expérimentations en présence
Ainsi les résultats de recherche examinés ne présentent-ils pas d’incompatibilité majeure. Les auteurs s’accordent à considérer que l’intervention pédagogique influe sur le transfert. Les effets immédiats d’une pédagogie qu’ils qualifient de dogmatique ne s’avèrent pas aussi défavorables à ce niveau qu’ils l’avaient supposé. Ceux d’une pédagogie favorisant la découverte ou la prise de conscience de principes de réussite sont moins favorables qu’ils ne l’avaient escompté. J.-P. Famose, comme M. Dubois et P. Godin, les envisage accrus à long terme. Les différents travaux concourent par ailleurs à signifier l’intérêt d’une pratique confrontant l’élève à diverses variantes d’une tâche donnée. Elle s’avère générer plus de transfert au plan de l’apprentissage d’une nouvelle variante de la tâche que celle d’une seule version. P. Parlebas et E. Dugas abordent la question du transfert différemment. Ils l’envisagent en effet à la lumière des effets de la pratique de différents types d’activités physiques. Le fruit de leur travail n’est dès lors pas de nature à mettre en question les données précédemment engrangées ; il fournit en revanche des connaissances supplémentaires quant à la question du transfert. La confrontation opérée, toutefois, ne signifie pas qu’il est un consensus quant aux interprétations et explications des données engrangées.
Dubois (M.), Godin (P.), Op. Cit., p. 70
Giraud (P.), Cassard (P.), Op. Cit., p. 175
Parlebas (P.), Dugas (E.), Op. Cit., p. 42
Famose (J.-P.), Op. Cit., p. 14
Ibid., p. 14
Parlebas (P.), Vivès (J.), Op. Cit., p. 20
Vivès (J.), Op. Cit., p. 26
Dubois (M.), Godin (P.), Op. Cit., p. 67
Ibid., p. 69
Vivès (J.), Op. Cit., p. 28
Famose (J.-P.), Op. Cit., pp. 19-20
Dubois (M.), Godin (P.), Op. Cit., p. 70
Vivès (J.), Op. Cit., p. 26
Parlebas (P.), Vivès (J.), Op. Cit., p. 20
Famose (J.-P.), Op. Cit., pp. 14-15
Giraud (P.), Cassard (P.), Op. Cit., p. 175
Dubois (M.), Godin (P.), Op. Cit., p. 68
Parlebas (P.), Dugas (E.), Op. Cit., pp. 42-43
Dubois (M.), Godin (P.), Op. Cit., pp. 68-69
Vivès (J.), Op. Cit., pp. 26-28
Famose (J.-P.), Op. Cit., p. 20
Giraud (P.), Cassard (P.), Op. Cit., p. 174
Parlebas (P.), Dugas (E.), Op. Cit., p. 45