Pour le repérage des termes de la question du transfert, dans le cas de l’EPS
Le problème de la « vie physique » en EPS se révèle question du transfert pour ce qui est de l’EPS. L’intérêt voire l’existence même du transfert ont fait l’objet de controverses au plan de la réflexion à l’EPS. La même remarque vaut pour ce qui est de l’entraînement sportif. C’est ainsi que M. Ryan, entraîneur de saut à la perche indiquait, en 1961 : ‘« En tant que psychologue professionnel, je dois dire que je n’ai pas beaucoup foi dans le transfert de l’entraînement. Si vous enseignez une discipline sportive, rien ne vaut la discipline elle-même. »969
’ D’aucuns, cependant, ont émis des points de vue différents, à l’instar de J. Vivès qui annonçait, dans le numéro de la Revue EPS de mars 1964 : ‘« L’hypothèse du transfert est, bien qu’elle ne soit pas admise par tous, très séduisante pour expliquer certaines modifications du comportement au cours de l’éducation’ »970. Rares sont toutefois les écrits publiés dans la Revue EPS dont le titre signifie explicitement un intérêt porté au transfert : il n’en est que sept, alors qu’elle paraît régulièrement depuis 1950. Six d’entre eux rendent compte d’expérimentations, qui rapportent des résultats accréditant l’existence du phénomène de transfert. La lecture de ces publications, néanmoins, fait apparaître des divergences quant à l’explication du transfert. Elle en révèle d’autres encore qui concernent la manière d’enseigner pour favoriser des apprentissages transférables. Ces observations concourent à indiquer que la question du transfert fait problème dans le cas de l’EPS. La réflexion à la « vie physique » en EPS appelle ainsi le repérage des termes du problème du transfert en ce qui concerne l’EPS.
La référence générale au plan expérimental de P. Parlebas et J. Vivès, publié en 1969
Ce repérage est ainsi à envisager au plan de la réflexion intéressant explicitement l’EPS et le transfert. La question se pose alors des données à considérer pour ce faire. On peut y réfléchir à partir des six écrits relatifs à des expérimentations concernant le transfert publiés dans la Revue EPS. Ils sont en effet parmi les sept de cette revue à avoir un intitulé indiquant un intérêt pour le transfert. Il s’agit, en outre, des écrits publiés en celle-ci qui mettent en évidence des cas de transfert intéressant l’EPS. Ce sont, par surcroît, ceux dont l’examen a montré qu’il est des points de vue divergents quant au transfert pour ce qui est de l’EPS. Les auteurs des six écrits considérés font usage de références diverses. Il en est qu’on ne trouve qu’en l’un d’eux. P. Giraud et P. Cassard, par exemple, sont les seuls à mentionner : ‘« Bussmann (E) – Le transfert dans l’intelligence pratique chez l’enfant. – éd. PUF.’ »971 Une seule référence apparaît valoir pour tous : il s’agit du plan expérimental de P. Parlebas et J. Vivès972. J.-P. Famose, P. Giraud et P. Cassard, M. Dubois et P. Godin le citent973. J.-P. Famose, par exemple, indique : « ‘Pour cette étude, nous avons repris les hypothèses et la méthodologie précédemment exposées par MM. Parlebas et Vivès dans le n° 99 de cette même revue’
. » Cette référence n’apparaît pas dans les trois autres écrits examinés. L’un d’eux, toutefois, est celui en lequel P. Parlebas et J. Vivès exposent leur plan expérimental. Chacun d’eux, en outre, est signé de J. Vivès ou de P. Parlebas. Ces observations invitent à s’enquérir des productions de J. Vivès ou P. Parlebas relatives au transfert comme à l’EPS et sorties avant leur plan expérimental. L’article de P. Parlebas et J. Vivès publié en 1969 apparaît en effet comme une première étape, significative, de la réflexion ; or, il s’agit de remonter aux sources de celle-ci.
Les données prises en compte par P. Parlebas pour asseoir sa réflexion au transfert
Il s’avère que quatre écrits signés de P. Parlebas, publiés dans la Revue EPS, sont à considérer. Les deux premiers à paraître sont sortis en 1967974, les deux autres, en 1968975. P. Parlebas les présente en outre avant celui exposant le plan expérimental qu’il a rédigé avec J. Vivès, dans le numéro 4 des Dossiers EPS976. L’un d’entre eux est particulièrement intéressant lorsqu’il s’agit de déterminer les données en regard desquelles P. Parlebas réfléchit au transfert : il a paru dans la Revue EPS de mai 1968. L’auteur y indique : « ‘A toutes les époques, les éducateurs sont partis à la quête de la formule qui doterait l’individu d’un répertoire de comportements tel, qu’il serait capable de s’adapter à toute situation ultérieure. C’est la justification profonde des Exercices préparatoires, de la Gymnastique de formation de Pierre Seurin, de la systématique de Justin Teissié, des Exercices-clés et de l’Education physique de base de Jean Le Boulch, finalement de toute éducation motrice fondamentale. L’histoire des méthodes de l’éducation physique est un long recueil de “Sésame”.»’
977 Il rapporte en outre des propos de G. Demeny, qui contribuent à accréditer son analyse. P. Parlebas ajoute à son inventaire un article de R. Molières, publié au numéro de juillet 1965 de la Revue EPS978. Il mentionne aussi un écrit de P. Pesquié qui a paru dans la Revue EPS de juillet 1966979. Il prend enfin en considération deux publications de J. Vivès, faites dans la Revue EPS en 1958 et 1964980.
Les données prises en compte par J. Vivès pour asseoir sa réflexion au transfert
J. Vivès, quant à lui, fournit une « bibliographie abrégée » à la fin de son compte rendu d’expérimentation publié en 1964. Parmi les titres mentionnés, on note un article de D. O’Nelson, qu’on trouve au numéro de mai 1959 de la Revue EPS981. J. Vivès en a en effet rédigé l’avant-propos, en lequel il indique : « ‘Dans le n° 41 de la Revue [...] nous disions [...] que, si le “transfert” est la clé de l’Education de l’intelligence motrice, il ne peut s’agir du transfert de telle ou telle technique corporelle, mais de transfert de principes reconnus et assimilés du mouvement humain. [...] De ce que nous avancions à titre d’hypothèse pour orienter les recherches dans un sens qui, à nos yeux, est le seul valable, l’article que nous présentons ci-dessous est une illustration. »’
982 J. Vivès, relatant l’expérimentation qu’il a conduite, signale en outre qu’il se réfère à : « ‘une hypothèse émise dans un précédent article (voir E.P.S. n° 41 “Considérations sur la manière d’enseigner”) »983.’ Il fait référence, dans cet écrit publié en 1958, à G. Demeny, G. Hébert, ainsi qu’à la « Méthode française » pour signifier : ‘« Mais dans aucune des méthodes actuellement utilisées ne se trouve véritablement posé le problème de l’éducation motrice. [...] on admet tel un postulat, l’effet bénéfique de tel ou tel genre d’exercice sur le comportement moteur.’ »984 Il signale alors l’intérêt que revêtent, dans ce contexte, des écrits émanant de J. Le Boulch ou de J. Teissié985.
L’intérêt des références à J. Le Boulch et à J. Teissié
Il apparaît ainsi que P. Parlebas, comme J. Vivès, s’exprime quant au but sempiternel de la gymnastique ou de l’éducation physique. Ils ne s’attardent guère sur les écrits de figures d’un temps passé. Ils signalent, tous deux, les « exercices-clés » de J. Le Boulch et l’« essai d’une systématique » de J. Teissié. J. Vivès souligne même : ‘« tous deux adoptent une théorie sur laquelle il nous paraît essentiel de nous arrêter, la théorie du transfert »’
986. Il est remarquable que les deux références considérées contribuent à rendre indissociables les questions du transfert et de la « vie physique ». Ainsi J. Le Boulch indique-t-il dans un ouvrage sorti en 1998 ‘: « Le concept de transfert se rattache le plus souvent à la conception atomistique et mécaniciste de l’apprentissage du psychologue Thorndike. [...] Mes premières recherches sur l’apprentissage moteur se situent dans cette orientation, mais les expériences entreprises m’ont très vite fait abandonner cette tentative vaine de rechercher des atomes de mouvements communs aux actions motrices de même nature. »987
’ Ce propos vaut dans l’écrit même en lequel il propose sa conception du transfert, sous-jacente à son point de vue en matière de « vie physique ». J. Teissié dans la première partie de son « essai d’une systématique » met explicitement en relation « vie physique » et transfert. Il y écrit en effet : ‘« On ne saurait limiter l’action hygiénique des exercices aux seuls effets obtenus au cours de la leçon. C’est une mentalité qu’il faut développer, en formant des habitudes, en créant des besoins, susceptibles de réformer les autres facteurs de la vie physique [...] L’action pédagogique réfléchie, la conviction, la conscience professionnelle, les qualités de coeur du professeur [...] sont les arguments les plus capables du transfert des qualités morales sportives au domaine moins gratuit des rapports sociaux tout court. »’
988 Ainsi les références à J. Le Boulch et à J. Teissié sont-elles à prendre en compte.
L’intérêt des références à P. Pesquié, R. Molières, D. O’Nelson
P. Parlebas fait en outre référence à un article de R. Molières et à une publication de P. Pesquié, en son écrit de la Revue EPS de mai 1968989. Or, P. Pesquié, écrivant à propos du transfert, indique, dans la production évoquée : ‘« Ce sont là quelques-unes des difficultés qu’ont eu le mérite d’affronter certains de nos collègues [...] tels J. Vivès (cf. Pédagogie expérimentale E.P.S. n° 69, p. 25), R. Molières (Essai de contribution à l’étude du transfert, E.P.S. n° 76, p. 11).’ »990 R. Molières quant à lui, dans l’écrit concerné, se réclame de J. Teissié pour élaborer un « plan annuel »991. Il est à noter, par ailleurs, que R. Molières a produit deux articles à la suite de celui-ci dans la Revue EPS, publiés en 1968. Il fait encore référence, dans le premier à avoir paru, à J. Teissié, à P. Parlebas, ainsi qu’à J. Vivès992. Il se réfère à nouveau explicitement à P. Parlebas de même qu’à J. Vivès dans le second993. On peut, enfin, ajouter aux écrits évoqués la production de D. O’Nelson dont J. Vivès signifie qu’elle constitue une illustration de ses hypothèses quant au transfert. Il faut rappeler, enfin, que P. Parlebas, dans la Revue EPS de mai 1968, se réfère aux écrits de J. Vivès relatifs au transfert sortis en cette même revue994. Parmi les écrits évoqués, il en est ainsi que P. Parlebas ou J. Vivès prennent en considération pour réfléchir au transfert. Il y en a, aussi, dont l’auteur intègre des propos quant au transfert qu’on trouve en ces écrits ou qui émanent de P. Parlebas ou J. Vivès. Ces parutions apparaissent dès lors procéder d’une même phase de la réflexion intéressant le transfert.
La spécification d’une démarche autorisant à statuer quant aux termes de la question du transfert dans le cas de l’EPS
Les écrits mentionnés, qui émanent de P. Parlebas, J. Vivès, J. Le Boulch, J. Teissié, P. Pesquié, R. Molières ou D. O’Nelson sont ainsi à considérer. Ce, en plus des six articles, relatifs à l’expérimentation, qui ont conduit à leur spécification. Cet ensemble d’écrits se révèle en effet relativement homogène lorsqu’il s’agit de s’enquérir du problème du transfert pour ce qui est de l’EPS. Il convient dès lors de déterminer la démarche à suivre pour l’étudier. La réflexion au transfert dans le cas de l’EPS paraît consécutive à celle qui a cours au plan de la recherche en matière d’apprentissage moteur. Elle semble aussi s’en distancier pour se situer au plus près du domaine lui donnant sa raison d’être. Il s’agit alors de spécifier les rapports qu’entretient celle-ci avec celle-là. Il convient, en outre, de s’intéresser, à ce qui l’en distingue, au-delà de ce qui l’en rapproche. Cela revient à rechercher en quoi elle tente d’en faire la synthèse ou de les dépasser. Il faut aussi songer que la réflexion au transfert dans le cas de l’EPS réfracte des points de vue divers, voire divergents. Cela appelle à en envisager les caractéristiques pour statuer quant à ce qui rassemble les différentes conceptions en présence. La pertinence de ces attributs distinctifs et unifiants est par ailleurs à considérer au plan des conceptions relatives à la « vie physique » en EPS. Les écrits en lesquels G. Cogérino, D. Delignières et C. Garsault, J. Eisenbeis et Y. Touchard ou J. Le Boulch les explicitent sont à examiner pour ce faire. Cet examen a quant à lui pour objet la détermination des données au regard desquelles il y a à pointer les termes du problème étudié.
Ryan (M.), Op. Cit., p. 14
Vivès (J.), Pédagogie expérimentale, Huit séances de sauts variés, Essai de contribution à l’étude du transfert, Revue EPS, n° 69, mars 1964, p. 26
Giraud (P.), Cassard (P.), Op. Cit., p. 175
Parlebas (P.), Vivès (J.), Op. Cit., pp. 19-24
Cette référence vaut pour :
Famose (J.-P.), Op. Cit., p. 14
Giraud (P.), Cassard (P.), Op. Cit., p. 171, 175
Dubois (M.), Godin (P.), Op. Cit., p. 69, 72
Il s’agit de :
Parlebas (P.), La sociomotricité, Revue EPS, n° 86, mai 1967, pp. 7-12
Parlebas (P.), La psycho-socio-motricité, Revue EPS, n° 87, juillet 1967, pp. 7-12
Il s’agit de :
Parlebas (P.), L’apprentissage : une continuelle réorganisation des structures motrices, Revue EPS, n° 92, mai 1968, pp. 7-13
Parlebas (P.), Motricité émiettée et motricité structurée, Revue EPS, n° 93, juillet 1968, pp. 17-23
Parlebas (P.), Activités physiques et éducation motrice, Dossiers EPS, n° 4, 3ème édition, 1990, pp. 1, 7-59
Parlebas (P.), L’apprentissage : une continuelle réorganisation des structures motrices, Revue EPS, n° 92, mai 1968, p. 8
Parlebas (P.), Op. Cit., p. 9
L’auteur fait référence à :
Molières (R.), Op. Cit., pp. 11-17
Parlebas (P.), Op. Cit., p. 11
L’auteur fait référence à :
Pesquié (P.), Documents EPS – Psychopédagogie, L’apprentissage, Revue EPS, n° 82, juillet 1966, pp. 61-68
Parlebas (P.), Op. Cit., p. 9
L’auteur fait référence à :
Vivès (J.), Considérations sur la manière d’enseigner, Revue EPS, n° 41, juillet 1958 , pp. 3-5
Vivès (J.), Pédagogie expérimentale, Huit séances de sauts variés, Essai de contribution à l’étude du transfert, Revue EPS, n° 69, mars 1964, pp. 24-33
P. Parlebas ne fait explicitement référence qu’au premier de ces deux écrits, indiquant : « La question n’a véritablement été abordée qu’il y a une dizaine d’années par Jean Vivès dans son article [...] “Considérations sur la manière d’enseigner” (E.P.S. n° 41) ». Il indique par ailleurs : « [...] Jean Vivès est fidèle au sentiment général en constatant que cette “hypothèse séduisante” n’est “pas admise par tous”. » Or, c’est dans son article sorti en 1964 que J. Vivès tient ce propos.
Vivès (J.), Op. Cit., p. 33
L’auteur se réfère à :
O’Nelson (D.), Principes fondamentaux du mouvement et amélioration de la performance, Revue EPS, n° 45, mai 1959, pp. 14-19
O’Nelson (D.), Op. Cit., p. 14
Vivès (J.), Op. Cit., p. 26
L’auteur se réfère à :
Vivès (J.), Considérations sur la manière d’enseigner, Revue EPS, n° 41, juillet 1958 , pp. 3-5
Vivès (J.), Op. Cit., p. 3
Ibid. , p. 3, 4
L’auteur se réfère à :
Le Boulch (J.), L’éducation physique fonctionnelle à l’école primaire, CREPS de Dinard, 1952
Teissié (J.), Education physique et sportive, essai d’une systématique, Revue EPS, n° 37, novembre 1957, pp. 8-11
Teissié (J.), Education physique et sportive, essai d’une systématique, Revue EPS, n° 38, janvier 1958, pp. 6-10
Teissié (J.), Education physique et sportive, essai d’une systématique, Revue EPS, n° 39, mars 1958, pp. 16-22
Teissié (J.), Education physique et sportive, essai d’une systématique, Revue EPS, n° 40, mai 1958, pp. 14-17
Vivès (J.), Op. Cit., p. 4
Le Boulch (J.), Le corps à l’école au XXI e siècle, Paris : PUF, collection : Pratiques Corporelles, 1998, p. 113
Teissié (J.), Education physique et sportive, essai d’une systématique, Revue EPS, n° 37, novembre 1957, p. 9
Parlebas (P.), Op. Cit., p. 9, 11
Pesquié (P.), Op. Cit., p. 62
Molières (R.), Op. Cit., pp. 11-17
L’auteur indique notamment : « Nous adoptons pour nos leçons la classification de Justin Teissié suivant quatre formes d’expression corporelle [...] Elles servent de titre à quatre divisions verticales du plan [...] Les éléments de l’analyse de la motricité par le même auteur [...] définissent des principes du mouvement dans lequel nous voyons autant de sujets d’étude. Ils fournissent les divisions horizontale du plan. »
Molières (R.), Organisation pédagogique, 1968 – Un plan annuel, Revue EPS, n° 94, septembre 1968, p. 28
Molières (R.), Organisation pédagogique, 1968 – Un plan annuel, Revue EPS, n° 95, novembre 1968, p. 31
Parlebas (P.), Op. Cit., p. 9