3.2.2 La spécification d’un principe

Les deux éléments fondamentaux repérés en regard des options des « pédagogues »
Le réexamen des options des « pédagogues » ainsi que des données prises en compte pour leur élaboration se révèle fructueux. Il autorise le repérage de deux éléments fondamentaux pour réfléchir au transfert. Ce dernier se révèle porter sur des « micro-expertises » et fonction du contexte d’acquisition. Ces observations donnent à penser que l’enseignant peut effectivement agir en vue d’aider l’élève au transfert d’apprentissage. Il se dessine ainsi une manière de penser le transfert compatible avec le point de vue des « pédagogues » : ils prônent une éducation du sujet au travers des apprentissages localisés qui ont cours à l’Ecole. Il demeure que le modèle pédagogique établi à partir de leurs options intègre deux postulats qui ont été mis en question. Considérer, toutefois, qu’un transfert de « micro-expertises » dépend d’un contexte d’acquisition invite à jouer sur celui-là pour que celui-ci s’opère. Agir sur ce contexte, par ailleurs, ne vaut pour l’enseignant que si l’élève peut à son tour le construire, c’est-à-dire y avoir accès. Or, cela suppose qu’on aide l’élève à mettre en place le cadrage autorisant cette élaboration : nombre de travaux de recherche signifient que le transfert n’est pas phénomène automatique et spontané1432. Encore convient-il de permettre au sujet de se passer de cette aide, sans quoi il ne pourrait transférer à son initiative. Cette assistance est en effet partie prenante du contexte d’acquisition. Il en va en définitive d’un étayage et d’un désétayage visant à une intention.

Le repérage d’un principe pédagogique
Ainsi la mise en question des postulats relatifs aux options des « pédagogues » n’invalide-t-elle pas le modèle pédagogique élaboré : elle conduit à en fonder différemment la pertinence. Les deux éléments fondamentaux repérés pour réfléchir au transfert autorisent en définitive la déduction d’une dynamique pédagogique : elle se révèle similaire à celle déterminée à l’occasion de la mise en regard des options des « pédagogues ». Un principe pédagogique apparaît ainsi à retenir : il s’agit d’aider l’élève à utiliser ce qu’il a appris pour qu’il apprenne encore, de nouveau ou à nouveau. Ce principe conduit à ne plus considérer le transfert en tant que produit de l’apprentissage : il invite à l’envisager en tant que processus à l’oeuvre dans l’apprentissage. Aussi peut-on considérer qu’il induit une démarche différente de celle que suggère l’option des « didacticiens » : M. Develay observe de fait que les tenants de cette option n’ont pris acte que fort récemment du fait qu’il convient de transférer pour apprendre1433. Il invite en outre à une approche autre que celle qui vaut pour les « méthodologues » : ceux-ci donnent en effet à penser qu’il est des connaissances valant indépendamment d’un champ d’application donné. Il demeure que l’élaboration du principe d’aide au « trans-faire » prend appui sur ces deux options : il est retenu de la première que tout apprentissage est localisé et de la seconde qu’il convient de solliciter son utilisation dans des situations inédites.

Un principe d’aide au « trans-faire »
Aux deux éléments fondamentaux retenus pour réfléchir au transfert correspond ainsi un principe pédagogique pour aider au transfert. Or, il est à noter que les deux éléments considérés n’autorisent pas à fonder une théorie explicative du transfert. Ils ne permettent pas de statuer quant aux processus à l’oeuvre dans le transfert. Indiquer que le transfert opère sur des « micro-expertises » ne revient pas à déterminer les mécanismes sous-jacents au transfert. Considérer que le transfert est fonction du contexte d’acquisition n’est pas signifier la manière dont celui-là joue sur celui-ci. Il est à rappeler, en outre, que la spécification des deux éléments considérés procède de l’examen des options des « pédagogues ». Ceux-ci réfléchissent certes au transfert à partir de données scientifiquement éprouvées. Il demeure qu’il les envisagent au regard des préoccupations qui sont les leurs : ils ambitionnent une éducation du sujet au travers des apprentissages scolaires. Le principe énoncé a ainsi pour objet de fournir une orientation pour réfléchir à la mission qu’ils se sont assignée. Il est ainsi censé guider la réflexion à un enseignement ou sa mise en oeuvre. Aussi ne peut-on estimer qu’il correspond à l’application d’une théorie du transfert. Il est alors cohérent de juger qu’il correspond à un principe d’aide au « trans-faire » : il s’agit d’aider l’élève à faire au-delà, à partir de ce qui a été appris.

L’intérêt des données établiesau regard de la question de la « vie physique » en EPS
La réflexion au transfert pour ce qui est de la pédagogie débouche ainsi sur la spécification de deux éléments fondamentaux autorisant l’énoncé d’un principe. L’intérêt de ces données, cependant, est fonction des raisons ayant conduit à la réflexion qui a abouti à leur détermination. Celles-ci tiennent au souci d’élucider la question de la « vie physique » en EPS : il est apparu qu’elle correspond à la question du transfert pour ce qui est de cette discipline d’enseignement. L’examen des travaux qui y ont trait a conduit au repérage d’une intuition fédératrice : le transfert serait fonction du repérage de similarités entre les situations rencontrées, il serait le fruit d’une attitude visant à tirer profit de principes de réalisation. Cette intuition fédératrice s’est cependant avérée porter au questionnement ; il en a alors été d’une étude laissant un temps de côté le champ de l’EPS pour mieux y revenir. Il convient alors de s’assurer que cette étude apporte des éléments de réponse aux questions qui l’ont suscitée. Elles ont rapport à la possibilité de mise en place d’acquisitions ayant portée relativement générale. Or, l’étude conduite autorise à considérer que le transfert porte sur des « micro-expertises » et est fonction du contexte d’acquisition ; elle signifie donc les limites de validité de l’intuition fédératrice considérée.

L’intérêt des données établies au regard de la question du transfert dans le cas de l’EPS
L’étude effectuée aboutit en outre à l’énoncé d’un principe d’aide au « trans-faire » qui suppose une intervention de l’enseignant et un examen des contenus enseignés. Ces implications apparaissent en cohérence avec les écrits dont l’examen a autorisé le repérage d’une intuition fédératrice pour ce qui est du transfert en EPS. Leurs auteurs apparaissent, d’une part, tous estimer que le transfert dépend des modalités d’enseignement adoptées. Tous se montrent en outre soucieux de la nature des savoirs enseignés au regard des situations en lesquelles ils sont censés valoir. Le plan expérimental qu’ont produit P. Parlebas et J. Vivès, qui constitue en quelque sorte la matrice des autres expérimentations prises en compte, le signifie. Ces auteurs indiquent en effet :

‘« Il s’agit de mettre en évidence des phénomènes de transfert dans des “situations de terrain”. Cette mise en évidence est cherchée à deux niveaux :

  1. En premier lieu, au niveau de la nature des tâches à effectuer [...]

  2. En second lieu, au niveau du mode d’intervention pédagogique. »1434

Ainsi les éléments fondamentaux et le principe repérés sont-ils en phase avec les préoccupations de ceux qui réfléchissent au transfert pour ce qui est de l’EPS.

Notes
1432.

On peut rappeler, au titre d’exemple, la synthèse que présente B. Rey quant à l’analogie dans la résolution de problèmes :

Rey (B.), Op. Cit., pp. 78-86

1433.

Develay (M.), Meirieu (P.), Mendelsohn (P.), Vermersch (P.), Lévine (J.), Le transfert : ce qui échappe aux modèles, in : Develay (M.), Meirieu (P.), Le transfert de connaissances en formation initiale et en formation continue, Actes du colloque organisé à l’université Lumière, Lyon 2, 29 septembre – 2 octobre 1994, Lyon : CRDP, collection : Documents, actes et rapports pour l’éducation, 1996, p. 20

1434.

Parlebas (P.), Vivès (J.), Apprentissage et transfert en éducation physique, Revue EPS, n° 99 bis, septembre 1969, p. 20