2 . « Trans-faire », « vie physique » et EPS

Le repérage de quatre approches, intéressantes au plan d’une aide au « trans-faire »
La réflexion à la « vie physique » en EPS conduit à s’intéresser à la question du transfert. Cette dernière appelle à s’enquérir des approches des contenus de savoir ou d’enseignement qui visent à favoriser le transfert. Quatre approches de ce type ont été repérées dont les concepteurs ne s’intéressent pas spécifiquement à l’EPS : l’une émane de L. D’Hainaut, une autre, de J.-L. Phelut et P. Gillet, une autre encore, de M. Develay, la dernière, de C. Bastien1671. Celles-ci, toutefois, sont, en première analyse, apparues de natures fort diverses, relativement hétérogènes. Aussi en est-on venu à se recentrer sur les approches intéressant plus particulièrement l’EPS. Quatre approches ont, là encore, pu être repérées. Deux d’entre elles émanent de la recherche concernant l’apprentissage moteur. Deux autres ont, plus directement, rapport à une réflexion au statut de l’EPS. Les représentants principaux de ces approches sont : J.-P. Famose et M. Durand, R.A. Schmidt, J. Le Boulch, P. Parlebas. Les écrits de ces auteurs ont dû être envisagés au regard du propos relatif au transfert qu’ils contiennent. Ils ne sont pas, en effet, écrits dont le transfert est objet central et unique. Ils ont ensuite été étudiés au plan de leur validité et de leur recevabilité. Tous ont été jugés dignes d’intérêt dans la perspective d’une aide au « trans-faire ».

Des approches concurrentes et difficiles à départager
Les fondements théoriques de chacune des approches ainsi examinées se sont avérés, plus que divers, hétérogènes. Il en va de propositions quant aux contenus à enseigner distinctes et de nature à être opposées. Les points de vue en présence sont ainsi concurrents. L’examen de chaque approche a permis, en outre, de noter des limites, de révéler des zones d’ombre ou des champs qui restent à étudier. L’intérêt de l’approche de J.-P. Famose et M. Durand est apparu fonction du choix de la composante de la tâche dont on fait varier la demande ; il a été mis en question, de plus, pour ce qui est de la décomposition de l’habileté à apprendre en sous habiletés organisées hiérarchiquement. La portée de l’approche de R.A. Schmidt quant à l’apprentissage moteur et au transfert s’est avérée rester à spécifier. Il a été observé que l’approche de J. Le Boulch repose sur une spéculation intégrant nombre de données scientifiquement éprouvées ; la question de l’utilisation des acquis concernant l’autonomie motrice lors d’un apprentissage moteur dont le sujet serait maître d’oeuvre s’est cependant posée. L’examen de l’approche de P. Parlebas, enfin, conduit à repérer que la question des domaines d’action motrice est encore à creuser. La difficulté à se déterminer pour l’une des options en présence a alors été pointée.

Le repérage d’une possible intégration pragmatique, par-delà les oppositions théoriques notées
L’approche de P. Parlebas peut sembler, intuitivement, la mieux positionnée pour donner corps au principe de l’aide au « trans-faire ». Elle est cohérente avec les données arrêtées quant à la réflexion au transfert au plan des études généralistes. Elle apparaît, en outre, résister à une mise à l’épreuve des faits. Celle de J. Le Boulch comporte un point aveugle décisif qui n’a, semble-t-il, pas fait l’objet d’une étude expérimentale. Des résultats expérimentaux contribuent, en revanche, à fragiliser l’édifice théorique élaboré par J.-P. Famose et M. Durand ou R.A. Schmidt. Il convient cependant de noter que l’approche de P. Parlebas correspond à une conception affirmée de l’éducation physique : on peut avancer qu’il la conçoit comme une pédagogie de l’action motrice. Or, la question de la « vie physique » en EPS s’est avérée faire problème parce que posée en termes d’opposition de manières de penser l’EPS. La prudence est dès lors de mise. Choisir de n’opter pour aucune des approches en présence peut revenir, cependant, à les retenir toutes. Or, leurs fondements théoriques ne sont guère compatibles ou complémentaires. Il est toutefois possible de combiner les différentes approches considérées, à un niveau pragmatique. Cela suppose néanmoins l’adoption délibérée d’une démarche par essais et erreurs, guidée par un outil d’analyse composite : celui-ci peut être comparé à un sextant de fortune.

Pour un dépassement de la perspective du sextant de fortune
Ce dernier peut ainsi paraître piètre trouvaille aux yeux du chercheur. Aussi est-on contraint de ne pas se satisfaire de la perspective esquissée. La question se pose, dès lors, de son dépassement. Une première option consisterait en un approfondissement de la réflexion inhérente à chacune des quatre approches en présence. Il s’agirait ainsi de s’intéresser aux lacunes ou aux zones d’incertitude repérées. Se lancer à corps perdu dans cette entreprise, cependant, revient à considérer que les différentes approches peuvent être départagées au regard du transfert. Or, il est possible que chacune d’elles rende compte, de façon partielle, du phénomène de transfert. On peut envisager, en outre, que chacune porte sur une manifestation particulière de ce phénomène. S’il en était ainsi, il convient de l’expliquer : les approches considérées seraient à alors confronter au plan de la philosophie qui les inspire. Il y aurait à réfléchir, en premier lieu, au champ de pertinence des différentes approches considérées. La question de leur pertinence deviendrait pour le coup, non pas secondaire, mais seconde. Aussi convient-il, en premier lieu, de faire sienne une seconde option. Il s’agit de trancher quant à une alternative. A-t-on simplement affaire à des approches distinctes des contenus, qui visent à aider à la mise en place du transfert ? Est-on en présence d’approches au service de dimensions différentes du processus de transfert, voire de conceptions discriminantes quant au transfert ?

Pour l’examen d’une alternative
Dans le cas où le premier terme de l’alternative envisagée se révélerait à retenir, il y aurait à réfléchir à nouveau aux options repérées. L’objet premier serait en ce cas de les départager ou d’envisager leur dépassement. Si on tranchait en faveur du second terme de l’alternative, une autre démarche serait à adopter. Il conviendrait non plus de s’intéresser à ce qui distingue une approche des trois autres mais de s’enquérir de ce qui les rapproche, par-deçà leurs différences. Encore faudrait-il vérifier que le second terme de l’alternative envisagée vaut pour les approches généralistes comme pour celles concernant directement l’EPS : il en irait ainsi d’un phénomène relativement général. Ces considérations suscitent un examen concernant ces deux ensembles de points de vue quant aux modalités d’analyse des contenus censées aider au transfert. Si on avait effectivement à retenir le second terme de l’alternative considérée, il faudrait opérer une nouvelle centration sur l’EPS. Elle aurait pour objet la spécification de ce qui autorise à considérer que les options en présence ont rapport à une même question, celle du transfert. Il conviendrait de spécifier les modalités de cette nouvelle étude ainsi que de réfléchir à partir de ce qu’elle permettrait d’établir. Il y a ainsi, avant toute autre chose, à statuer quant à l’alternative considérée.

Notes
1671.

Les références suivantes ont été considérées :

D’hainaut (L.), Des fins aux objectifs de l’éducation, Bruxelles : Editions Labor, Paris : Nathan, collection éducation 2000, 1977, pp. 106-120

D’hainaut (L.), De la « discipline » à la formation de l’individu, Cahiers Pédagogiques, n° 298, novembre 1991, pp. 19-24

Phelut (J.L.), Gillet (P.), Capacité ou compétence, qu’en est-il du transfert ?, in : Université Lumière – Lyon 2, Association Apprendre, Les transferts de connaissances en formation initiale et continue, Colloque international sur les transferts de connaissances en formation initiale et continue, documents préparatoires au colloque, Lyon : Université Lyon 2, Association Apprendre, 1994, pp. 310-314

Develay (M.), De l’apprentissage à l’enseignement, Paris : ESF éditeur, collection : Pédagogies, 1992, pp. 31-61

Bastien (C.), Les connaissances de l’enfant à l’adulte, Paris : Armand Colin, collection : U, série : Psychologie, 1997, 171 p.